HOUSO AYGI DE YWCF

Centre de formation sociale pour jeunes filles au cœur d’Erevan

 Interview avec Claudine Bagdjian, présidente de YWCF

Houso Aygi (Jardin de l’espoir) est un centre d’accueil, d’hébergement et d’éducation pour jeunes filles situé dans le quartier de Malatya d’Erevan. En réaction à un rapport très alarmant sur la prostitution des jeunes femmes vulnérables à destination des pays du Golfe, Claudine Bagdjian et ses deux belles-sœurs Athalie Berberian et Annette Chalfoun ont fondé en 2004 Young Women Charitable Foundation (YWCF). Une année plus tard, le centre Houso Aygi ouvre ses portes pour accueillir 7 jeunes filles âgées de 17 à 22 ans venant de Gyumri.

En parallèle avec leurs études ou formation professionnelle, elles participent à des séminaires divers qui contribuent à leur développement personnel et social. Depuis l’ouverture, quelques 75 jeunes filles de différentes régions d’Arménie, de famille monoparentale, dans une grande précarité, ont bénéficié de ce programme.

Pour en savoir plus sur ce centre pas comme les autres, nous avons rencontré Claudine Bagdjian, présidente de YWCF.

 Quels sont les objectifs de Houso Aygi?

Houso Aygi a été créé pour aider les jeunes filles des régions loin d’Erevan  à  poursuivre leurs études dans des collèges, instituts et universités. Pendant leur séjour au centre, qui peut durer de un à quatre ans, selon l’orientation choisie, elles sont entièrement prises en charge par YWCF pour la durée de leurs études (frais de scolarité, hébergement, nourriture et soins de santé) le but étant qu’après leur formation, elles retournent dans leur région pour travailler, partager leur expérience et participer à leur niveau, à faire évoluer la situation locale. Malheureusement la réalité est toute autre, et nous constatons avec regret, que le manque de créations d’emplois dans les régions, les oblige à quitter leur village pour revenir à Erevan ou grâce à leur formation, elles peuvent prétendre trouver un emploi.

 Comment sélectionnez-vous les jeunes filles qui sont admises à Houso Aygi?

 Les candidatures nous parviennent en général, par le biais des services sociaux des régions mais également par le bouche-à-loreille. Dans un premier temps, notre Directrice et son Assistante pédagogique se rendent sur place pour rencontrer les jeunes filles et évaluer leur situation familiale.

Afin de mieux les préparer à leurs études futures, nous mettrons en application prochainement, un programme légèrement différent: de janvier à juin 2015, elles séjourneront à Houso Aygi, et pendant cette période elles auront des cours intensifs en informatique, langues étrangères, éducation générale et formation sociale sous la vigilance d’un mentor. A la fin de leur séjour, elles seront inscrites dans les établissements correspondant aux études choisies pour la rentrée 2015. Les étudiantes sont sélectionnées en fonction de leur motivation, leur capacité et leur détermination à s’engager dans la nouvelle vie qui leur est proposée.

Combien de personnes compte l’équipe de Houso Aygi et quelles sont les structures mises en place pour accueillir les jeunes filles?

L’équipe de Houso Aygi est composée d’une directrice, de son assistante pédagogique, de trois responsables, appelées Mayrik (petites mères) pour encadrer les jeunes filles dans leur apprentissage quotidien. Les Mayrigs travaillent par rotation 24h/24 et 365 jours par an, et nous avons un gardien, chargé de l’entretien des lieux et de la surveillance. Le centre, bâti sur un terrain de 5.300 m2, est composé de trois bâtiments en pierre locale: le tuf. Le premier comprend les locaux administratifs, salles de conférence, de cours, d’ordinateurs au rez-de-chaussée et les dortoirs avec salles de bains pour héberger 20 jeunes filles à l’étage; le deuxième comprend la salle à manger ou la salle familiale prévue pour les repas et pour les fêtes, ainsi que la cuisine,  le troisième, à deux étages, est en cours de rénovation et son usage n’est pas encore défini.

Pourriez-vous nous parler des cours et des activités proposés aux pensionnaires?

En supplément à leur cursus dans les institutions ou écoles dans lesquelles elles sont inscrites, les jeunes filles suivent à Houso Aygi des cours d’informatique, d’anglais, de russe et de français. En collaboration avec les ONG locales, nous organisons également des séminaires sur l’entreprenariat, le développement personnel, le travail en équipe, des informations sur l’hygiène corporelle et dentaire, sexualité etc. Pendant leur séjour dans le centre, nos étudiantes apprennent aussi et surtout à être autonomes, responsables, motivées, honnêtes et à prendre des initiatives. Par ailleurs, elles sont introduites à la vie culturelle par le cinéma, les concerts, le théâtre, les musées, les conférences, chaque événement étant suivi d’une discussion au cours de laquelle elles sont encouragées à exprimer leur opinion, développant ainsi leur sens critique. Depuis une année nous avons mis l’accent sur la responsabilité civique: des débats sur ce que signifie « être arménienne », ce qu’elles attendent de leur pays, ce qu’elles peuvent donner à leur pays et si elles sont prêtes à s’investir, mettre l’accent sur leurs droits, leurs devoirs, et les aider à trouver leurs place dans la société arménienne de demain.

De leur propre initiative, nos étudiantes participent à des actions civiques telles que le ramassage des fleurs à Tsitsernakaberd au lendemain de la commémoration du 24 avril, ou encore encadrer de jeunes enfants. Nous les encourageons à travailler bénévolement au sein d’associations. En d’autres termes, Houso Aygileur assure une formation sociale. Notre programme bénéficie déjà d’une certaine reconnaissance. Ainsi lors de sa visite à Houso Aygi, l’Ambassadeur des Etats-Unis, intéressé par notre programme, a décidé de démarrer avec dix de nos étudiantes un programme de mentors (programme d’accompagnement par un chef d’entreprise) pendant une année, au titre de projet pilote. Ce programme, qui donne à nos étudiantes l’opportunité de développer leur personnalité et d’avoir une introduction dans le monde professionnel à travers des stages en entreprise,  a été reconduit pour l’année scolaire 2014/15.

Participez-vous à l’élaboration de ce programme?

J’essaie d’apporter une vision plus internationale, et de trouver un équilibre avec la vision arménienne. Toute décision est collégiale et c’est à la directrice et à son assistante pédagogique d’appliquer et de mettre en place les décisions prises, les changements à apporter, au besoin, ainsi que l’organisation des cours et séminaires et toute activité externe en fonction des programmes d’études de nos jeunes filles, trouver les associations ou individus avec lesquels elles peuvent collaborer afin de les organiser.

Elles ont également à leurs côtés pour les seconder, l’Advisory Board de Houso Aygi, 5 femmes chefs d’entreprise (2 Arméniennes d’Arménie, 3 Diasporiques installées depuis 8 ans en Arménie).

Restez-vous en contact avec les jeunes filles après leur départ du centre?

Depuis deux ans nous avons créé le Club des anciennes qui se réunit deux fois par an et garde le contact avec et entre les anciennes. L’année passée nous avons eu la joie  d’accueillir 30 anciennes à la réunion. Parmi nos anciennes, deux continuent leurs études à Paris, certaines sont mariées et travaillent, certaines mères  au foyer.

Vous vous êtes engagée en Arménie depuis plusieurs années et connaissez bien les problèmes socioéconomiques rencontrés par une bonne partie de la population d’Arménie, pensez-vous que l’engagement de la diaspora dans ce domaine est suffisant et adapté à ce jour? De quelle manière cet engagement peut-il être plus efficace pour faire bouger les choses?

La diaspora s’est beaucoup engagée, à travers des projets individuels, comme soutien à des familles, micro-financement etc. Il y a également des projets de plus grande importance créateur d’emplois. Tout ou presque reste concentré sur Erevan, rien ou insuffisamment atteint les régions éloignées ou la pauvreté est hélas toujours omniprésente. Quant à « faire bouger les choses » dans le pays, je pense que cela ne doit pas venir seulement de la diaspora, mais des Arméniens eux-mêmes. Il faut encore apprendre à mieux se connaître pour mieux se comprendre, accepter les différences de perception non pas comme un handicap mais plutôt comme un moyen d’échange tout en se respectant les uns les autres.

(Propos recueillis par Maral Simsar)

Houso Aygi est situé au 52a rue Pavlo Tichina à Erevan, quartier de Malatya.

Les lecteurs intéressés peuvent visiter le Centre et rencontrer les étudiantes en prenant contact avec la Directrice Hasmik Abovyan. Tél. +374 10 74 45 14 et  +374 55 28 08 58

Courriel :   ywcf@housoaygi.org

 Vous pouvez aussi apporter votre soutien au projet en finançant les études d’une ou plusieurs étudiantes. Versement à HSBC Bank     

YOUNG WOMEN CHARITABLE FOUNDATION

Accnt.  N°  001-240274-101

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Née à Nogent-sur-Seine dans le département de l’Aube, Claudine Bagdjian née Liset s’est installée à Beyrouth en 1960 après son mariage avec Alfred Bagdjian, rencontré à Paris. Elle a appris l’arménien pendant les dix ans qu’elle a passées au Liban. En 1971, elle est revenue en France pour les raisons professionnelles de son époux. Immédiatement après le terrible tremblement de terre en Arménie en 1988, la famille Bagdjian s’est impliquée et engagée dans différents projets en Arménie.

2017-12-01T23:36:04+01:00 16.09.14|COMMUNAUTÉ, INTERVIEWS, SUISSE-ARMÉNIE|

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