PREMIÈRE ÉDITION DE ARMENIAN ART EXPERIENCE SWITZERLAND

INTERVIEW AVEC MICHAL LEAH POLADIAN

Du 13 au 15 décembre 2019, à Kultur und Kongreshausshaus, Aarau, a eu lieu la première édition de Armenian Art Experience Switzerland*, réunissant un nombre impressionnant d’artistes arméniens de diverses disciplines et de pays

différents. Durant trois jours, la capitale du canton d’Argovie a attiré un public curieux venu découvrir l’art arménien dans une ambiance conviviale et joyeuse avec les artistes: Anush Babajanyan, photojournaliste (Erevan), Lucine Ayanian, styliste, fondatrice du magasin de mode Hay-Hay (Zurich), Raffi Chilingirian, joueur de duduk (Liban), Collectif Medz Bazar, ensemble comprenant des musiciens issus des cultures arménienne, turque, française et américaine (Paris, Erevan, Ankara, Porto), Gulene Der Boghossian, sculptrice (Liban), Maral Der Boghossian, peintre (Liban), Agnès Avagyan, caricaturiste et illustratrice (Lucerne), Vic Lepejian, céramiste (Jérusalem), Saro Emirze, acteur (Berlin), Gor Ghalmukyan, percussionniste (Zurich), Aren Emirze, auteur chanteur (Frankfurt), les danseurs, danseuses et chorégraphes Alina Babayan (Barcelone), Roubina Meguerditchian (Liban), Artur Alexanyan, Edgar Nikolyan, Svetlana Alexanyan, Ariana Drewing de Transclassics Dance Company (Los Angeles) et Michal Leah Poladian (Aarau), cette dernière étant aussi l’organisatrice du Festival. Ces artistes ont également tenu des ateliers interactifs associant plusieurs disciplines. En marge du Festival, Armine Gmyur – Karabetyan, psychologue et psychanalyste (Arménie) et Miriam Victory Speigel, thérapeute familiale (Zurich, New York) ont animé un séminaire intitulé « From Trauma to Dignity ».

Comme un tapis arménien, le projet vise à connecter un ensemble d’artistes, de formes d’art, de générations, de milieux culturels et politiques afin de créer un espace pour de nouvelles rencontres positives.

 L’un des objectifs principaux du projet est de jeter des ponts entre les Arméniens de la diaspora et de Hayastan et de les sensibiliser davantage aux différences culturelles existant entre eux.

 Le Festival souhaite également ouvrir les portes et accueillir des personnes de différents horizons pour comprendre les sujets liés aux Arméniens, la culture et l’histoire, tout en se concentrant sur l’identité arménienne aujourd’hui.

(Extrait de la brochure publiée à cette occasion)

Pour en savoir plus, Artzakank a rencontré Michal Leah Poladian, fondatrice de Armenian Artists Network, qui a été la force motrice derrière cette manifestation sans précédent en Suisse.

Quels sont les buts du Réseau des Artistes arméniens que vous avez créé?

Mon but est de créer un nouveau dialogue artistique entre les artistes de la diaspora et de l’Arménie en travaillant ensemble pour développer des projets et organiser des manifestations collectives avec une nouvelle approche et loin des stéréotypes. Notre peuple a beaucoup de ressources de qualité dispersées dans le monde et si nous arrivons à les réunir, nous pouvons créer des œuvres artistiques exceptionnelles.

Comment avez-vous eu l’idée d’organiser ce festival Armenian Art Experience Switzerland ? Comment avez-vous sélectionné les artistes?

L’idée n’a pas surgi du jour au lendemain. Il y a trois ans, j’ai participé au séminaire « Transmission transgénérationnelle des traumatismes post-génocidaires – le cas arménien » organisé par Haritun Kurtcuoglu à Winterthur. Les interventions de Janine Altounian et de Miriam Victory Speigel, grandes spécialistes du sujet, m’ont profondément marquées. A cette occasion, j’ai remarqué aussi que les Arméniens de différentes générations étaient encore très touchés par le trauma du génocide. J’ai commencé à comprendre beaucoup de choses liées à ma propre famille et j’ai décidé de visiter les lieux où mes grands-parents maternels, originaires de Marash, avaient séjourné après le génocide avant d’arriver aux Etats-Unis. Une fois sur place, j’ai réalisé des interviews en discutant avec les Arméniens que j’ai rencontrés. Petit à petit j’ai commencé à penser à une création artistique sur l’identité arménienne aujourd’hui, un évènement regroupant des artistes qui expriment, à leur façon, leur vision de l’identité arménienne. Les artistes avec lesquels j’ai partagé cette idée se sont montrés très enthousiastes et m’ont dit qu’ils étaient prêts à travailler ensemble sur un tel projet. Puis, il y a eu la révolution de velours qui m’a beaucoup touchée et j’ai cherché à travers des amis des artistes qui ont vécu cet évènement historique pour les intégrer au projet. Outre la diversité des disciplines et des pays de provenance dont j’ai tenu compte dans mon choix des artistes, c’était mon souhait également d’avoir des représentants de plusieurs générations. En effet, la perception de l’identité est très complexe et il était important de la montrer dans toutes ses nuances d’autant plus que le festival était adressé à tout le monde et non pas seulement aux jeunes.

Michal Leah Poladian interprète sa danse-théâtre « Land in me »

Qu’en est t-il de l’aspect financier? Comment avez-vous financé ce grand évènement?

Cela a été très dur. J’ai reçu des fonds de la part de quelques fondations suisses, d’une fondation arménienne à Londres et d’une fondation juive. Mais le festival m’a laissé un grand déficit.

Quel bilan tirez-vous de cette première expérience?

Le bilan est très positif, tant du côté des artistes que du public. Les artistes venant de pays différents, qui avaient suivi la préparation du festival depuis deux ans, ont pu se retrouver ensemble à Aarau, pour raconter leurs histoires, aborder des sujets dont on ne parle pas souvent – n’oublions pas que beaucoup d’Arméniens ont grandi dans le silence quant à leur identité – et surtout pour créer ensemble. Pour vous donner un exemple, nous avions une exposition de sculpture et de peinture et c’est dans le même espace que nous avons présenté un spectacle avec un acteur récitant des textes et des danseuses présentant des danses arméniennes. Pour monter ce spectacle j’ai travaillé via Skype avec Sevana Tchakerian du Collectif Medz Bazar. Nous avons préparé les textes et développé la musique. C’était une expérience formidable et le résultat était très spécial. Ces trois jours vécus ensemble dans une ambiance décontractée presque familiale ont permis aux artistes de nouer des liens étroits entre eux, d’avoir des échanges enrichissants et d’observer le travail des uns des autres. Je suis très contente d’avoir lancé et mené à bien ce projet.

Quel sont vos projets d’avenir dans le cadre du Réseau des Artistes arméniens?

Mon prochain projet sera certainement plus petit. Je souhaite connecter les artistes arméniens vivant en Suisse en organisant des rencontres pour favoriser les échanges d’idées, la coopération artistique et peu à peu commencer à créer des liens entre les différentes organisations et les Arméniens de Suisse à travers des projets artistiques. Pour moi, il est important aussi de nouer un dialogue avec les artistes de Hayastan. Nous avons tellement de choses à apprendre des uns des autres. On pourra envisager de travailler ensemble sur des projets à présenter en Suisse ou à Hayastan.

Renseignements:

http://www.armenian-artists-network-switzerland.org

armenianartistsnetwork@gmx.ch

(Photos de la page Facebook de Armenian Artists Network)

* * *

Née près de Aarau (Argovie) d’une mère arménienne des Etats-Unis et d’un père suisse,  Michal Leah Poladian est une danseuse-chorégraphe et actrice formée à Constanz (Schule für Tanz-Theater.-Gestaltung (Allemagne) et à Zurich ZTTS. Elle a fait plusieurs stages a Paris, New York, Barcelone, Erevan, Cuba etc., pour se perfectionner et apprendre plusieurs styles de dance. Elle a également un diplôme de jardinière d’enfants. Sa grande passion pour la danse-théâtre et les formes d’art interdisciplinaire et interculturelle l’ont amenées à créer des productions et projets avec des professionnels et des non-professionnels. Elle s’est produite en Suisse et dans plusieurs pays européens en performance solo ou en tant que soliste dans des troupes de danse.

A partir de 1997, Michal Leah Poladian a commencé à développer un centre des arts du spectacle, Tanzpalast-Aarau (Palais de danse, Aarau), où avec son équipe elle enseigne la danse et créé des spectacles. Avec sa compagnie de danse pour les enfants (9-14 ans), elle prépare les jeunes talents à une éventuelle carrière professionnelle.

Le festival Armenian Art Experience Switzerland a été son travail de diplôme en arts et coopération internationale de l’Université des Arts de Zurich qu’elle a reçu en février 2020.

2020-05-24T00:53:27+02:00 24.05.20|COMMUNAUTÉ, GÉNÉRAL, INTERVIEWS, SUISSE-ARMÉNIE|

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