URGENCE DE LA RELANCE DU DIALOGUE POLITIQUE

(Crédit photo: factor.am)

par Maral SIMSAR

Dernière semaine d’août 2022: les images déchirantes de l’exode forcé des habitants de Berdzor, de Sous et d’Aghavno se succèdent sur nos écrans. La série noire continue avec l’annexion progressive par l’Azerbaïdjan de localités arméniennes tant en Arménie qu’en Artsakh sous le nez des forces russes de maintien de la paix et dans l’indifférence totale de ce que nous appelons la communauté internationale. Depuis deux ans, nous assistons impuissants à l’affaiblissement des capacités de résistance de l’État arménien et à la perte graduelle de sa souveraineté.

Depuis la signature du cessez-le-feu du 9 novembre 2020 mettant fin à la guerre de 44 jours, l’Arménie et l’Artsakh subissent sans cesse des pressions, des chantages, des provocations et des attaques militaires, diplomatiques et médiatiques dans un contexte international des plus dangereux. L’armée arménienne continue a essuyer des pertes humaines. Les sommets arméno-azéris et d’autres rencontres de haut niveau se multiplient sous l’égide de Moscou ou de Bruxelles visant naturellement à servir les intérêts stratégiques de tous les pays de la région à l’exception de l’Arménie.

Pas besoin d’être un expert en géopolitique pour comprendre que dans ces circonstances, l’Arménie, qui n’arrive toujours pas à surmonter les conséquences désastreuses de la défaite militaire de 2020, n’a pas beaucoup de marge de manœuvre pour négocier au mieux ses intérêts. Par contre sur le plan intérieur, elle peut et doit prendre les mesures nécessaires afin d’assurer la consolidation et l’unité nationales pour faire face aux énormes défis auxquels est confronté le pays.

En effet, il est triste de constater que la classe politique arménienne reste toujours très divisée et incapable d’élaborer un agenda et une vision politiques réalistes. D’autre part, la culture d’une gouvernance efficace et transparente fait terriblement défaut à l’administration publique, ce qui entraîne des répercussions particulièrement graves pour la population. L’exemple récent est l’explosion et l’incendie qui ont eu lieu le 14 août 2022 dans un entrepôt de feux d’artifice situé dans le marché Sourmalu à Erevan faisant 16 morts et 60 blessés. Selon une déclaration du cabinet du procureur général, l’année dernière, les inspecteurs des incendies avaient identifié deux douzaines de violations des règles de sécurité dans ce marché mais n’avaient pas effectué d’inspection de suivi pour voir si les violations avaient été éliminées. Les lacunes dans le fonctionnement des institutions publiques pèsent lourdement sur tous les secteurs de la vie quotidienne.

Par ailleurs, la communication insuffisante de la part des autorités sur les accords conclus avec leurs homologues azerbaïdjanais qui ont une incidence directe sur la vie des citoyens laisse la porte ouverte à toutes sortes de spéculations et de campagnes de désinformation parfois délibérées. Ajoutons à cela les fausses alertes à la bombe de ces derniers mois et tous les désagréments qu’elles ont causés en particulier dans des lieux stratégiques tels que le métro et l’aéroport. Il est évident que ce climat de terreur a un impact psychologique négatif sur la société arménienne et l’empêche de regagner confiance en ses propres forces.

Par contre, de nombreux projets sont lancés en Arménie et dans la diaspora par des individus et groupes déterminés à ne pas baisser les bras et à contribuer à la reconstruction du pays, chacun selon ses moyens et compétences. Ces projets, dont certains sont évoqués dans les pages d’Artzakank, méritent d’être soutenus car ils ont le potentiel d’améliorer le quotidien des citoyens d’Arménie et d’Artsakh et de leur redonner de l’espoir en l’avenir. La situation est certes très compliquée avec les menaces existentielles qui guettent l’Arménie et l’Artsakh mais un État fort sur le plan interne, qui bénéficie du soutien de son peuple a plus de chances de s’en sortir. Par conséquent, l’heure est au dialogue, à l’optimisation de la gestion des institutions publiques et à la mobilisation de toutes nos forces.

2022-09-10T23:18:05+02:00 10.09.22|ÉDITORIAL|