ENSEIGNER ET APPRENDRE LA LANGUE ARMÉNIENNE

UNE FAÇON SINGULIÈRE DE RENDRE HOMMAGE AUX VICTIMES DU GÉNOCIDE

Tous les mercredi soir depuis le début de l’année, Emilie, Aline, Christina, Hagop, Hratch, Simon et Razmig, se réunissent dans les locaux du Diocèse de l’Eglise arménienne de Suisse à Genève pour suivre des cours d’arménien occidental. Une démarche peu ordinaire pour ces Arméniens compte tenu du manque d’intérêt envers cette langue définie par l’UNESCO comme une langue en danger de disparition. Pour certains, cette langue n’a pas été parlée dans leur famille depuis presqu’un siècle, pour d’autres pendant deux générations…

Les cours sont dispensés par Matig Eblighatian, imprimeur-éditeur originaire d’Alep en Syrie, qui est établi à Genève depuis une année et demie.

« Il y a trois ans, j’ai quitté ma ville natale à contre cœur pour assurer la sécurité de ma famille. Pendant trente ans j’ai publié et diffusé des livres en arménien, une activité qui, au delà de l’exercice d’une profession, me procurait un sentiment de satisfaction morale et spirituelle grâce à mon contact quotidien avec notre alphabet « mesrobien » sacré. 

 En sus de tous mes biens meubles et immeubles, mon imprimerie, ma bibliothèque personnelle, et ma collection d’objets culturels arméniens restés à Alep, j’ai dû malheureusement abandonner aussi mes projets de publication de livres qui auraient été dédiés au centenaire du génocide des Arméniens.

 Arrivé à Genève dans un milieu non-familier, j’ai été rassuré d’apprendre de l’existence d’une communauté arménienne et c’est en fréquentant l’Eglise de Troinex que j’ai trouvé le plus grand réconfort.

 Il y a une année, j’ai assisté à la cérémonie de baptême des membres d’une famille originaire de Dersim, qui m’a beaucoup touchée. Ces Arméniens ont commencé à participer à la vie communautaire mais ne parlaient pas notre langue. J’ai proposé alors au conseil paroissial de mettre en place des cours d’arménien pour adultes que je serais prêt à donner à titre bénévole.

En janvier de cette année nous avons commencé les cours avec dix élèves à raison de deux heures par semaine. Nos élèves ne sont pas tous originaires de Dersim ou de Turquie mais également de Suisse, de France, de Belgique, d’Angleterre etc.

 Nous avons consacré les trois premiers cours à l’apprentissage de l’alphabet et à l’écriture. Actuellement, mes élèves apprennent des groupes de mots tels que les mois et les jours de la semaine, les prépositions, les parties du corps, les vêtements etc. Nous commencerons bientôt des petits dialogues mettant en scène des situations de la vie courante. Nous n’avons pas un système d’évaluation mais le progrès dépendra bien évidemment de l’effort personnel de chacun en dehors des cours. »

La rencontre avec ces élèves pleins d’entrain et d’enthousiasme est un réel plaisir. Leurs motivations pour apprendre notre belle langue sont très variées:

« Je veux apprendre la langue de mes grands-parents pour pouvoir renouer avec mes origines. Cela m’ap-porte une certaine fierté. Il est important pour moi de pouvoir la pratiquer avec mon ami et sa famille. »

 « Je veux conserver les valeurs familiales et les transmettre aux futures générations. »

 « Je chante tous les dimanches à l’église et j’ai besoin de lire le texte du « badarak » (la messe) plus fa-cilement. J’aimerais aussi pouvoir parler l’arménien. »

 « Je m’intéresse aux langues et j’ai constaté que l’arménien a eu une influence sur certaines langues orientales. J’ai décidé de l’apprendre aussi afin que cette langue riche ne disparaisse pas. »

 « Je trouve que c’est important de parler la langue de son pays. J’ai appris l’arménien à l’école en Belgique et j’ai vécu quelque temps en Arménie mais j’espère améliorer mes connaissances orales et écrites. »

« J’ai pris des cours d’arménien oriental en Allemagne pendant six mois. Mais, étant né en Arménie occi-dentale, je voulais apprendre l’arménien occidental. Il est important de préserver la langue que mes arrière-grands-parents ont parlée. C’est à notre génération de prendre les mesures, avant qu’il ne soit trop tard, afin que cette langue ne disparaisse ».

 « Le but du génocide n’était pas seulement de nous anéantir physiquement mais aussi d’éradiquer notre langue et notre culture. Mais nous reviendrons à nos origines en réappropriant notre langue et renaîtrons de nos cendres. C’est ainsi que je compte lutter contre les conséquences du génocide! »

 Matig Eblighatian se réjouit de pouvoir aider ces femmes et hommes dans leur apprentissage de la langue arménienne. En tant que descendant de res-capés originaires de Hadjen et d’Istanbul, il estime qu’il est de son devoir de transmettre cette langue à ceux et celles qui n’ont pas eu la possibilité de l’apprendre dès leur jeune âge et d’ajouter:

« En ce faisant je contribue à ma façon à la commémoration du centenaire du génocide ! »

Maral Simsar

 Les cours reprendront à la rentrée de l’année scolaire genevoise 2015-2016, tous les mercredis de 19h à 21h,au 3, Place des Vingt-Deux- Cantons

Renseignements: 0774118932

2017-12-01T23:15:48+01:00 15.05.15|COMMUNAUTÉ|

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