2016 peut être considéré comme une année charnière pour les Arméniens sur plusieurs plans. L’année a été riche en évènements qui ont éveillé les consciences tant en Arménie qu’en Diaspora sur les problèmes et les facteurs qui pourraient ébranler les fondements de l’Etat arménien.
L’évènement le plus marquant de l’année a sans doute été la guerre des 4 jours au début d’avril avec son lourd bilan en pertes humaines et les 800 hectares de terres occupés par les troupes azéries près de Talish et de Martakert en Artsakh. Les crimes de guerre commis par l’Azerbaïdjan à cette occasion nous montrent bien ce qui attend les Arméniens si jamais Artsakh ou une de ses régions devait retourner sous le contrôle de ce pays. Malgré ce constat, certains dirigeants arméniens et les représentants du Groupe de Minsk continuent de parler des concessions territoriales du côté arménien contre un statut transitoire vague pour l’Artsakh.
Un autre évènement choc de l’année a été la prise d’un poste de police à Erevan par « Sasna Tsrer » (Enragés de Sassoun), un groupe de vétérans de la guerre du Karabagh, qui a causé la mort de 3 policiers, ainsi que les violences policières insoutenables exercées à Sari Tagh en marge de cette opération.
Ces développements ont mis en évidence la vulnérabilité de l’Etat arménien face aux agressions venant de l’extérieur mais aussi découlant de maux internes qui ont élargi le fossé entre le peuple et ses dirigeants. C’est sur cette toile de fond que l’Arménie et l’Artsakh ont célébré en septembre 2016 le 25ème anniversaire de leur indépendance.
Cet état plus qu’alarmant a poussé le président Serj Sargsyan à nommer Karen Karapetyan nouveau Premier ministre et à procéder à un remaniement ministériel à six mois des élections parlementaires prévues en avril 2017.
Dans la Diaspora, les développements cités ci-dessus ont suscité une prise de conscience de la situation intenable dans laquelle vivent nos compatriotes et des voix de plus en plus nombreuses se sont élevées pour dénoncer les monopoles, la corruption et les fraudes électorales. En même temps, l’idée que la Diaspora devrait s’engager davantage dans la vie de l’Etat arménien a fait son chemin.
Le 28 octobre, dans une lettre ouverte intitulée « Le futur des Arméniens du monde, c’est maintenant » et signée par un groupe d’éminents Arméniens de la Diaspora à l’occasion du 110e anniversaire de l’UGAB a paru dans le New York Times (voir le texte dans Artzakank N° 207). Le groupe considérait que les Arméniens du monde entier pouvaient jouer un rôle clé dans le développement d’un pays démocratique, prospère et sûr. Pour cela, ils devaient « accroître leur niveau d’engagement, que ce soit en termes d’impact social, d’investissements commerciaux, d’innovation, d’expertise ou de participation actives. »
Une autre initiative – « Justice en Arménie » – a été lancée en septembre par l’actrice Arsinée Khanjian, son mari le cinéaste Atom Egoyan, le musicien de rock Serj Tankian, le comédien Vahé Berberian et d’autres personnes. Le groupe a appelé le gouvernement arménien à mettre en œuvre des réformes radicales dans les domaines politique, social et économique du pays et a demandé aux Arméniens du monde entier de venir en Arménie lors des élections parlementaires en tant que témoins et observateurs.
Par ailleurs, l’initiative « Citoyen-Observateur » (www.citizenobserver.am) regroupant plusieurs ONG qui opèrent en Arménie a lancé le 6 décembre un appel à la Diaspora pour mobiliser 4000 observateurs dans le but de surveiller les quelques 2000 bureaux de votes pendant les élections législatives.
2017 sera une année test pour le gouvernement arménien: sera-t-il capable de mettre en œuvre les réformes annoncées dans les différents ministères et lutter efficacement contre la corruption, les monopoles, les injustices, et l’impunité des criminels? Aura-t-il la volonté d’organiser des élections libres et régulières? Assurera-t-il des procès équitables pour les membres de « Sasna Tsrer »?
Quant à nous dans la Diaspora, répondrons-nous « présent » aux appels qui nous sont lancés? Sommes-nous prêts à nous engager davantage en faveur d’un Etat démocratique, stable et viable?
L’avenir dépend des réponses que le gouvernement arménien et chacun de nous donneront à ces questions. En effet, ce n’est pas un secret que seul un Etat fort sur le plan interne, jouissant du soutien indéfectible de ses citoyens sera capable de surmonter les offensives militaires et les pressions politiques venant de l’étranger.
M.S.
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