par Maral SIMSAR
Nous laissons derrière nous une autre année marquée par l’épidémie de Covid-19 avec ses défis et conséquences dans tous les secteurs de la vie. 2021 fut particulièrement éprouvante pour l’Arménie qui peine à gérer la situation d’après-guerre face à des adversaires menaçants, dans un contexte géopolitique régional peu favorable aux intérêts arméniens.
Une des questions les plus sensibles sur le plan humanitaire est le sort des captifs arméniens toujours détenus dans les geôles azerbaïdjanaises. Certains d’entre-eux ont été condamnés à de longues peines de prison pour actes de « sabotage » au terme de pseudo-procès mis en scène par le régime d’Aliev. L’Azerbaïdjan a continué de faire fi des appels en faveur de la libération de tous les prisonniers, en permettant le rapatriement au compte goutte d’une partie seulement des militaires faits prisonniers durant les prises d’assaut des positions arméniennes en 2021 et cela, contre la remise par l’Arménie des cartes de champs de mines. Si cette attitude de l’Azerbaïdjan était prévisible, les déclarations inappropriées prononcées au plus haut niveau du pouvoir arménien et l’instrumentalisation de ce dossier douloureux par certains milieux politiques sont incompréhensibles et complètement inadmissibles.
L’année 2021 s’est caractérisée également par des atteintes graves à la sécurité et à la souveraineté de l’État arménien. Après avoir franchi la frontière et progressé dans le territoire de la République d’Arménie dans la région du lac noir (Syunik) le 12 mai 2021, les troupes azerbaïdjanaises ont, à des dates ultérieures, pris le contrôle de plusieurs positions militaires arméniennes et se sont infiltrées sur le sol arménien notamment dans les provinces de Syunik et Gegharkunik. Ces opérations ont coûté la vie à une dizaine de soldats arméniens et ont laissé un nombre de villages frontaliers sans défense à quelques centaines de mètres des positions de l’armée azerbaïdjanaise. Par ailleurs, l’Azerbaïdjan a déployé des postes de contrôle douanier sur une section de la route nationale Goris – Kapan passée sous son contrôle. En conséquence, les habitants des villages situés sur cette route sont confrontés à l’isolement et à des problèmes humanitaires. Une route alternative a récemment été mise en service et la construction d’autres routes secondaires est en cours mais la situation reste difficile pour ces habitants.
Sur le plan interne, même si après les élections anticipées de juin 2021, un certain apaisement a été enregistré, la scène politique est malheureusement restée dominée par des luttes intestines et des échanges d’accusations stériles entre les représentants du pouvoir et de l’opposition. Ce climat malsain a entravé la mobilisation des ressources et des compétences permettant d’élaborer une stratégie réaliste pour faire face aux menaces existentielles qui pèsent sur l’État arménien et l’Artsakh.
L’Arménie devra mener des négociations très ardues avec ses adversaires et d’autres acteurs régionaux, déterminés à faire avancer leur agenda concernant en particulier l’ouverture des voies de communication, naturellement au détriment des intérêts arméniens. Il est évident que l’Arménie d’après-guerre n’a pas beaucoup de marge de manœuvre face à ses interlocuteurs puissants. Par contre, les autorités arméniennes peuvent et doivent assurer une meilleure gouvernance à l’intérieur du pays, en mettant en œuvre des valeurs défendues par la révolution de 2018, et en faisant preuve de compassion et d’humanisme à l’endroit de la population touchée fortement par les conséquences de la guerre.
S’agissant de la diaspora, l’année 2021 n’a pas vu d’activités significatives au niveau institutionnel. Il est probable que la pandémie y soit pour quelque chose mais il est urgent d’entamer un débat franc et ouvert visant l’élaboration de nouvelles priorités et méthodes de travail en phase avec le nouveau statu quo autour de l’Arménie et de l’Artsakh.
En revanche, on observe de plus en plus d’initiatives individuelles lancées par des jeunes de la diaspora en faveur des personnes touchées par la dernière guerre. Grâce à ces initiatives, les échanges se multiplient entre les jeunes de la diaspora, de l’Arménie et de l’Artsakh, ce qui favorise le partage des compétences et du savoir-faire dans tous les domaines. D’autre part, le Haut-commissariat aux affaires de la diaspora réalise le programme i-Gorts de recrutement et de placement d’un certain nombre de jeunes de la diaspora dans l’administration pour une durée d’une année. Le premier groupe de 50 personnes est arrivé en Arménie en septembre 2020. La moitié de ces personnes ont trouvé du travail au terme de leur contrat et ont décidé de rester en Arménie.
Ces initiatives modestes ne peuvent certes pas contrebalancer les répercussions négatives de la dernière guerre mais ouvrent peut-être une nouvelle voie dans les relations entre l’Arménie et la diaspora. Restons optimistes et gardons la foi!
Notre rédaction souhaite une Bonne Année 2022 et une excellente santé à ses lecteurs et lectrices.