La falsification scandaleuse de l’histoire
Artzakank a réalisé une interview avec le professeur Ashot Melkonyan, directeur de l’Institut d’Histoire de l’Académie Nationale des Sciences d’Arménie (ANSA), sur la problématique de falsification de l’histoire.
Quels sont les principaux domaines de falsification de l’histoire par les historiens turcs et azéris ? Comment les milieux académiques réagissent-ils ?
A l’époque de l’Empire ottoman, l’historiographie et les milieux officiels ottomans utilisaient le terme batı Ermenistan (Arménie occidentale) comme il ressort des nombreuses cartes géographiques publiées par l’imprimerie du Sultan. Après le génocide de 1915, lorsque l’Arménie occidentale fut vidée de sa population arménienne, qui d’ailleurs fut le but principal du génocide, les Turcs ont trouvé un nouveau terme pour se référer à l’Arménie, un terme artificiel et ridicule à savoir, Doğu Anadolu (Anatolie de l’Est). Le mot Anatolie vient du grec et signifie «de l’Est» ou «de l’Orient». Un territoire ne peut pas s’appeler «Orient de l’Est».
La Société d’histoire turque (Turk Tarih Kurumu), créée en 1930, a reçu des ordres directs de Mustafa Kemal de réécrire l’histoire de manière à prouver que les Turcs ont toujours vécu dans cette région. Au début, les historiens turcs se contentaient de l’histoire de l’époque seldjoukide, la période après le 11e siècle. Puis, ils ont commencé à découvrir des éléments ethniques turcs dans le plateau arménien et se sont appropriés l’histoire d’Ourartou. Mais ils n’en sont pas restés là : en s’appuyant sur l’œuvre de Moïse de Khorène, ils ont soutenu que leur ancêtre était Tork Angegh. Ainsi, Tork serait l’équivalent de Turc et Angegh signifierait laid, puisque les Arméniens qui, a priori n’aimaient pas les Turcs, auraient appelé leur ancêtre laid. Ils ignorent cependant qu’Angegh signifie «de la maison d’Angegh». Selon cette historiographie, tout au long de leur histoire, les Arméniens auraient toujours vécu dispersés en Arménie occidentale, ne constituant jamais une majorité. Parmi ces faux historiens, je citerai notamment Esat Uras et son livre Tarihte Ermeniler ve Ermeni Meselesi (Les Arméniens dans l’Histoire et la Question arménienne) paru en 1950.
A partir des années 1960, les Azéris ont commencé à suivre la même politique dont la principale figure fut l’académicien Ziya Buniadov. Selon ce dernier, les origines du peuple azéri remonteraient à l’Aghbanie ou l’Albanie du Caucase (Aghvank en arménien) et vu que l’alphabet aghbanien a été crée par Mesrop Mashtots, les inscriptions découvertes en Artsakh ne seraient pas en arménien mais en langue oudine. De surcroît, les khatchkars (Croix de pierre) seraient des monuments aghbaniens qui s’appelleraient «Xaç daş», et les Azéris seraient la synthèse entre les Aghbaniens et les Turcs.
Puis, ils se sont appropriés également l’histoire de l’Atropatène (Atrpatakan en arménien) en Iran du Nord, d’où provient le nom d’Azerbaïdjan. Après la chute de l’Union soviétique, le cynisme et l’insolence des historiens azéris a dépassé toutes les bornes. Des manuels scolaires ont été publiés dans lesquels on prétendait que les origines du peuple azéri remontaient à l’époque des Sumériens et des Akkadiens. De surcroît, en 2005, lors de la séance dédiée au 60ème anniversaire de l’Académie des Sciences d’Azerbaïdjan, le chef de l’Etat Ilham Aliyev a déclaré ouvertement qu’il était prêt à payer les historiens azéris afin qu’ils prouvent que le Karabagh est un territoire historiquement azerbaïdjanais et cela, quel que soit le prix demandé. Ces ordres ont été suivis et les historiens azéris se sont mis à produire des ouvrages dans lesquels ils soutiennent que l’Artsakh (Karabagh), le Syounik et même la plaine d’Ararat seraient des territoires azerbaïdjanais, qu’Irivan (Erevan) aurait été offert à l’Arménie qui manquait de villes dignes d’une capitale et que l’Arménie orientale serait en fait l’Azerbaïdjan occidental. Ils n’ont pas oublié le Saint Siège d’Etchmiadzin, qui s’appellerait Üç Kilise et serait un centre spirituel et culturel aghbanien.
Cela est tellement grotesque que toute personne instruite peut comprendre qu’il s’agit d’une tromperie. Mais l’on ne peut pas rester les bras croisés car à force de répéter un mensonge, il finit par s’ancrer dans l’esprit des gens. Lorsque nous avons remporté la victoire militaire, nous nous sommes sentis soulagés d’une certaine manière et avons pensé qu’il n’était plus nécessaire de lutter sur le plan idéologique. Mais les Azéris, qui avaient été vaincus, ont utilisé leurs pétrodollars pour lancer une campagne de propagande anti-arménienne au niveau mondial. Finalement avec un retard de 5 ou de maximum 10 ans, nous avons commencé à rétablir l’équilibre dans ce domaine. Plusieurs sites internet ont été créés avec des milliers de pages en russe et en anglais pour démasquer les historiens azerbaïdjanais. Le site de notre Institut comprend aussi plusieurs ouvrages qui réfutent cette tromperie au niveau étatique. Certains historiens russes, européens et américains ont commencé à réagir. Nous sommes intervenus activement lors des séances de l’Association des historiens des pays de la CEI pour faire inscrire à l’ordre du jour la déformation de l’histoire en Azerbaïdjan et demander la tenue d’un colloque à ce sujet. Mais les historiens de ce pays ont refusé d’y assister et se sont retirés de l’Association. Cela a été une grande victoire.
Les historiens turcs et azéris sont-ils les seuls à travestir les faits historiques par rapport à l’histoire de l’Arménie ?
Pour donner plus de crédibilité à leurs allégations mensongères, les Azéris engagent des historiens à l’étranger et tout naturellement, le facteur financier joue son rôle. Parmi les falsificateurs des faits historiques, citons le théologien Martin Tamcke, de l’Université de Göttingen, qui lance ses invectives contre les preuves matérielles du génocide. En effet, les preuves tangibles les plus solides du génocide des Arméniens sont les photos prises par l’infirmier militaire allemand Armin Wegner, témoin direct qui rassembla des documents, preuves et photographies des déportations et des massacres. D’après le prof. Tamcke, Armin Wegner, en sa qualité d’officier allemand, aurait contribué aux massacres des Arméniens, se serait emparé des tapis et des bijoux appartenant aux réfugiés arméniens et aurait reçu un pot de vin des Arméniens pour écrire son livre Der Weg ohne Heimkehr (Un chemin sans retour). Or, Manushak Markosyan, une chercheuse de notre Institut, a découvert qu’en traversant la frontière entre la Turquie et la Bulgarie, Wegner eut des problèmes à la douane à cause des 5 tapis qu’il transportait, ce qui dépassait le nombre autorisé. En se basant sur ce fait, le prof. Tamcke qualifie Wegner de pillard, qui aurait volé de nombreux tapis et de bijoux aux déportés arméniens. Pour ce qui est du pot de vin, Tamcke s’appuie sur une lettre du Catholicos Vazgen Ier de 1963 ou 64 adressée à Wegner, par laquelle Sa Sainteté lui exprime ses remerciements pour sa lutte en faveur du peuple arménien et lui fait un don de 1000 dollars, étant précisé qu’à cette époque Wegner vivait dans l’extrême pauvreté. Rappelons qu’Armin Wegner est le seul témoin à s’incliner devant le mémorial du génocide de Tsitsernakaberd lors de sa visite en Arménie en 1968. Il s’avère ainsi que Wegner aurait empoché 1000 dollars dans les années 1960 pour écrire un livre en 1919. Il est évident que la distorsion des faits n’a pas de limites. J’ai écrit à plusieurs reprises à la direction de l’Université de Göttingen pour signaler ces faits mais je n’ai pas reçu de réponse.
Lorsque j’ai appris que Martin Tamcke était parmi les intervenants de la conférence intitulée Genozid und Literatur : Franz Werfel in armenisch-jüdisch-türkisch-deutscher Perspektiv (Génocide et littérature : Franz Werfel dans la perspective arménienne, juive, turque et allemande), organisée par Lepsiushaus de Potsdam en mars de cette année (2013), avec l’aide de nos amis de la diaspora nous avons trouvé les moyens pour que je puisse y participer. Pendant trois jours on ne m’a pas donné la parole en faisant fi de la pratique courante dans les milieux académiques et malgré ma qualité de directeur de l’Institut d’Histoire de l’ANSA. Le dernier jour j’ai pu m’exprimer en tant que simple participant. Après avoir réfuté les fausses allégations du prof. Tamcke, j’ai mis en garde tous les chercheurs allemands travaillant sur la question du génocide des Arméniens contre tout travestissement de l’histoire en ajoutant que les falsificateurs seront considérés comme des complices de l’Etat turc négationniste. M. Tamcke a essayé de se justifier sans succès et j’ai déclaré fermement que j’allais dire toute la vérité sans me gêner de mon attitude orientale quelque peu rude car il avait blessé le peuple arménien dans son cœur. Après la conférence j’ai reçu plusieurs lettres de solidarité non seulement de la part de nos compatriotes mais également des Allemands qui y étaient présents. Ces derniers me remerciaient de les avoir éclairés sur les thèses infondées de Tamcke.
Quels sont les moyens de lutte de votre Institut contre ces falsificateurs ?
Il y a un moyen efficace : En 2001, j’ai donné une interview au journal turc Cumhuriyet. Après avoir répondu aux questions du jeune journaliste, je lui ai demandé son avis sur le génocide. Il a coupé le micro et m’a répondu : « votre tâche est facile ; vous devez prouver que le yaourt est blanc alors que nous devons prouver qu’il est noir ». A ma question de savoir s’il pouvait publier cette phrase, il m’a répondu par la négative. Puis, je lui ai demandé s’il publierait mes réponses telles quelles et il m’a dit que cela dépendrait de ses supérieurs. Finalement l’interview n’a pas été publiée. Les choses ont changé depuis. Je pense que petit-à-petit la vérité éclate. Souvent, on nous reproche de ne pas réagir aux allégations selon lesquelles Erevan serait une ville azerbaïdjanaise. Vous savez, si par exemple, quelqu’un prétend que je ne m’appelle pas Ashot Melkonyan mais Poghos Petrosyan, je ne vais pas écrire des articles pour prouver que c’est une erreur et que je suis bien Ashot Melkonyan. Si l’on accepte de débattre de cette question, cela implique qu’il existe un doute et l’on se retrouve dans une situation ridicule. Par contre, il est important de participer à des conférences ou colloques qui nous concernent. Depuis quelques années, nous avons formé une équipe de jeunes spécialistes qui maîtrisent différentes langues et qui peuvent participer aux colloques importants. Chaque fois que nous sommes informés de la tenue d’un colloque avec un programme qui pourrait faire l’objet d’un «show» turc ou azéri, nous faisons tout pour trouver les finances, en Arménie et dans la diaspora, afin d’assurer notre présence. Depuis quelques années, l’aspect financier ne constitue plus un obstacle car nous estimons que c’est une question très importante.
A la veille du centenaire du génocide arménien de 1915, quelle est votre appréciation du combat mené à ce jour par le peuple arménien dans sa quête de justice ?
En 1965, les Arméniens ont envahi les rues d’Erevan pour protester contre l’oubli et revendiquer nos terres. Toutes les manifestations qui ont eu lieu à Erevan le 24 avril 1965 avaient un seul mot d’ordre: «nos terres, nos terres». Presque 50 ans après, nous parlons encore de reconnaissance. Pourquoi ce revirement de situation? Parce que les Turcs ont adopté une politique très rusée basée sur le négationnisme et nous avons concentré tous nos moyens et efforts, tant en Arménie que dans la diaspora, sur la lutte pour la reconnaissance du génocide. Ainsi, nous avons mené ce combat pendant 50 ans non pas pour la patrie dont nous avons été privés à cause du génocide mais contre le négationnisme turc. Nous nous sommes enthousiasmés chaque fois que le président d’un pays prononçait le mot génocide et avons dénoncé celui qui, une fois devenu président, ne tenait pas ses promesses de le reconnaître. Finalement, au milieu des années 2000, nos autorités ont compris que ce n’était pas une question de reconnaissance et que la poursuite de notre lutte sur cette voie ne nous mènerait nulle part. Nous avons perdu une patrie, des biens matériels, des églises et des moyens financiers considérables. Comment nous seront-ils restitués? Il existe le précédent de Nuremberg et l’Allemagne, à commencer par Konrad Adenauer et jusqu’à Angela Merkel, a payé et continue de payer des milliards en réparation à l’État d’Israël. Quant à nous, nous attendons toujours que la Turquie fasse son mea culpa et reconnaisse qu’un génocide a bel et bien eu lieu. Si nous pensons que le but de notre combat est d’entendre des excuses de la bouche de M. Erdogan, nous nous trompons. Notre peuple n’a pas besoin de ces mots mais de se faire restituer ce qui lui a été enlevé. Dernièrement, lors de la deuxième conférence internationale des juristes Arméniens qui a eu lieu à Erevan sous l’égide du ministère de la Diaspora (ndlr: 5-6 juillet 2013), le procureur général de la République ainsi que le défenseur des droits de l’homme, le Ministre de la Justice et le président de la Cour constitutionnelle se sont tous exprimés en faveur d’une justice réparatrice et de la nécessité d’un passage du domaine historique au domaine juridico-politique, dans le but de saisir la Cour internationale de justice. Si nous ne le faisons pas, les Turcs le feront très probablement. En effet, les Turcs ont menacé de nous poursuivre devant ladite Cour pour diffamation et atteinte à leur bonne réputation pendant toutes ces années.
La Commission d’Etat chargée de la coordination des manifestations consacrées au 100ème anniversaire du génocide poursuit ses travaux sous l’égide du Président de la République. J’aurais souhaité que plus de spécialistes en fassent partie mais malheureusement, il n’y a personne de notre Institut, ni de l’Université d’État d’Erevan. Si nous allons commémorer ce centenaire par des manifestations habituelles comme tous les ans, il vaudrait mieux de ne pas le faire. Nous devons nous présenter à ce centenaire bien armés d’une stratégie étatique.
Quel serait l’incidence des protocoles signés entre l’Arménie et la Turquie en 2009, sur les efforts de la partie arménienne à la veille du centenaire concernant l’élimination des conséquences du génocide?
J’ai toujours eu une position catégorique à ce sujet et continue d’insister que la diplomatie du football a été un désastre. Les protocoles contiennent des points inadmissibles: Les parties reconnaissent mutuellement la frontière qui existe entre les deux pays, ce qui signifie que l’Arménie renonce officiellement à l’Arménie occidentale. Les parties reconnaissent l’intégrité territoriale des pays tiers, ce qui comprend notamment l’Azerbaïdjan par rapport à l’Artsakh; l’Arménie accepte de débattre au niveau des sous-commissions des problèmes historiques existant entre les deux pays. Enfin, chaque partie s’engage à lutter contre les organisations qui poursuivent des activités hostiles contre l’autre partie. Autrement dit, si un historien arménien déclare que Van et Erzurum sont des territoires arméniens, les autorités pourraient considérer sa déclaration comme un acte hostile et le sanctionner en vertu des protocoles. Si ces protocoles avaient été ratifiés, nous aurions rencontré tous ces problèmes. La partie arménienne les a gelés mais ne les a pas retirés de son agenda. Pour cela, nous devons remercier les Loups Gris en Turquie ainsi que les autorités d’Azerbaïdjan et leur politique ultranationaliste. J’ai fait appel au président de la République à plusieurs reprises lors des rencontres, et en sa présence, de nous retirer de ce processus. En effet, si nous avons gelé les protocoles en déclarant que nous y reviendrons lorsque la Turquie les aura ratifiés, cela implique que le jour où la Turquie convaincra l’Azerbaïdjan de rester à l’écart, car ces protocoles lui seront bénéfiques et les ratifiera, nous devons aussi les ratifier comme nous l’avons promis. Je me demande alors, le Parlement arménien est-il une annexe du Parlement turc? N’a-t-il pas sa propre politique? C’est pourquoi, en tant qu’Arménien, je lutterai dans la mesure de mes possibilités, pour que notre Parlement ne ratifie jamais ces protocoles. Je peux qualifier le résultat obtenu par la diplomatie du football de la manière suivante: le match est terminé et nous avons été battus tant à Erevan qu’en Turquie ainsi que sur le plan diplomatique. L’arbitre a sifflé et le temps est épuisé. Nous sommes à un point de pénalité et le jeu est suspendu. Mais lorsqu’il reprendra, le point de pénalité se traduira par un but. Dans ces conditions, nous devons renoncer à la diplomatie de football. Si les protocoles sont ratifiés nous nous retrouverons dans une situation désastreuse.
A votre avis quelle devrait être la ligne de conduite des Arméniens, en Arménie et dans la diaspora, à la veille du 100ème anniversaire du génocide de 1915?
Il est important pour nous d’avoir une stratégie d’État pan-arménienne. Nous devons réunir tous les juristes, historiens et politologues arméniens du monde pour mettre en place cette stratégie. Dans un de ses articles, Alfred-Maurice de Zayas* soutient que sur la base des conditions actuelles de droit international, si les Arméniens devaient saisir la Cour International de Justice de La Haye, leurs chances de réussite seraient de 50%. L’ex-ministre des Affaires étrangères Vartan Oskanian m’avait dit une fois que les journalistes turcs lui demandaient incessamment si la question serait réglée au cas où le gouvernement turc reconnaissait le génocide. Bien sûr que non! C’est pourquoi je disais à M. Oskanyan qu’en tant que Ministre, il ne pouvait pas réclamer des terres. Par contre, il pouvait demander l’élimination des conséquences du génocide, chose qui n’a pas été faite à ce jour. Nous avons perdu les deux tiers de notre peuple. Si le génocide n’avait pas eu lieu, l’Arménie serait aujourd’hui un pays de 30-35 millions d’habitants. Notre existence en tant que nation est en danger car l’Arménie se vide de sa population à cause du blocus. Pourquoi le Traité de Sèvres avait t-il prévu un accès à la mer noire pour l’Arménie? Parce que le peuple arménien risquait de disparaître. Aujourd’hui, l’existence des Arméniens occidentaux est menacée par l’assimilation dans la diaspora.
Quel rôle la diaspora peut-elle jouer dans ce combat?
La diaspora a été privée de sa patrie et de ce fait elle est la partie concernée par les conséquences du génocide. Aujourd’hui, aucun fonctionnaire de la République d’Arménie n’a le droit de déclarer que nous n’avons pas de revendications territoriales envers la Turquie. Cela n’entre pas dans ses compétences. Les Arméniens de la diaspora en leur qualité d’ayants-droit de la patrie qui leur a été enlevée doivent continuer la lutte pour la justice. La république turque est un État multiethnique, dont la partie Est est habitée par les Kurdes. Si le facteur ethnique s’ajoute aux problèmes d’ordre social qu’a connus le pays dernièrement, un éclatement de l’État pourrait se produire. La question est de savoir si nous, en tant que peuple et État, serions prêts à y faire face. A l’occasion du centenaire du génocide, il nous appartient de réunir toutes nos forces dans le but de nous réapproprier notre patrie. Sinon, sur le plan psychique, nous resterons un peuple de victimes, de survivants et de dépossédés tant que nous n’avons pas obtenu réparation. Il ne faut pas oublier que la victoire remportée contre l’Azerbaïdjan pendant la guerre du Karabagh (1991-94) a beaucoup changé notre manière de voir les choses. Elle a prouvé que rien n’est impossible et que nous sommes tout à fait capables de gagner. A l’instar des Juifs qui ont fini par réaliser après 2500 ans leur rêve «l’année prochaine à Jérusalem», nous devons faire revivre notre mot d’ordre «l’année prochaine à Van».
(Propos recueillis et traduits de l’arménien par Maral Simsar)
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(*) Historien, juriste et écrivain américain, Alfred-Maurice de Zayas est depuis 2012 expert indépendant des Nations Unies pour la promotion d’un ordre international démocratique et équitable. Il est expert, entre autres, du génocide des Arméniens.
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