VISITE D’UNE DÉLÉGATION DU GROUPE PARLEMENTAIRE SUISSE-ARMÉNIE À EREVAN

MM. Dominique de Buman et Sarkis Shahinian à Erevan

Interview avec Sarkis Shahinian

Une délégation du Groupe parlementaire Suisse-Arménie (GPArm) a visité Erevan du 24 au 26 juin 2016 pour participer aux cérémonies organisées dans le cadre du pèlerinage du Pape François en Arménie. La délégation était composée de l’actuel 2e vice-président de l’Assemblée fédérale et co-président du GPArm conseiller national Dominique de Buman ainsi que du Secrétaire général Sarkis Shahinian. En marge de cette visite, la délégation, accompagnée par l’ambassadeur de Suisse en Arménie S.E . M. Lukas Gasser et le Président du Groupe parlementaire d’amitié Arménie-Suisse, le député à l’AN d’Arménie M. Ara Babloyan, a eu plusieurs rencontres au niveau institutionnel: une avec les deux Vice-ministres de l’Agriculture, MM. Robert Makaryan et Armen Harutyunyan; une autre avec le Ministre de l’Economie M. Artsvik Minassian, le premier Vice-ministre M. Garegin Melkonyan, le directeur de l’Agence de développement de l’Arménie M. Karen Mkrtchian et des hauts-fonctionnaires de ce ministère; ainsi qu’une rencontre informelle avec le Vice-ministre des Affaires étrangères, Monsieur Karen Nazarian.

Pour en savoir plus sur les objets de ces rencontres et les relations économiques arméno-suisses, nous avons réalisé cette interview avec Sarkis Shahinian.

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Quel est actuellement le niveau des échanges commerciaux entre la Suisse et l’Arménie et quels sont les secteurs économiques qui intéressent les investisseurs suisses?

En 2015, le bilan s’élevait à quelques 30 millions de USD d’exportations suisses vers l’Arménie et de 6 millions de USD de l’Arménie vers la Suisse. Les secteurs d’intérêt de la Suisse sont actuellement la taille des pierres précieuses, les machines, les produits pharmaceutiques et l’horlogerie. L’Arménie a exporté des composants horlogers, des textiles, des métaux précieux et des bijoux.

Quels efforts ont été entrepris dans le passé pour promouvoir la coopération économique entre les deux pays et pourquoi ces efforts n’ont pas eu le résultat escompté?

En juin 2006 a eu lieu le premier grand événement en Suisse ou l’Arménie comptait parmi les invités d’honneur. Karen Chshmaritian, alors ministre de l’économie, avait visité la Confédération à la tête d’une importante délégation, mais ce séjour n’a pas été suivi par des pas concrets du côté arménien. En 2008, lors de la première visite du Groupe parlementaire Suisse-Arménie à Erevan, le Ministère du Tourisme confiait à la société Tigerdev SA de Verbier un mandat d’étude pour un plan directeur de la ville de Djermouk, comprenant une vaste étude sur le développement régional de la région de Siounik dans le Sud, y compris les concepts de récupération des eaux usées, l’utilisation des sources  d’énergie alternative et le développement régional des transports. Le plan a été mis au vote au Parlement, qui l’a approuvé, mais depuis lors nous n’avons aucune information sur les étapes suivantes. La rencontre avec le Ministre Minassian n’a pas apporté de réponses à ce propos bien que la question lui ait été posée. Finalement, en juin 2014, une délégation de haut rang du SECO, dirigée par l’Ambassadeur Livia Leu, effectuait une première visite officielle en Arménie. Plusieurs rencontres avec les ministères-clé sur le plan économique ont eu lieu, mais elles étaient caractérisées par une passivité inexplicable du côté arménien, probablement due à la relation privilégiée que l’Arménie devait obligatoirement cultiver avec la Russie. Deux mois plus tard nous allions apprendre par la presse qu’Erevan avait dû battre en retraite en matière d’accords bilatéraux avec l’Union européenne en faveur de l’Union douanière eurasienne avec Moscou. Toutefois l’aspect politique dicté par la Russie n’explique pas tout. Un manque de vision important concernant la diversification, les transports (y compris et surtout le secteur cargo), le développement des innovations, met en évidence la difficulté de développer la ressource première de l’Arménie qu’est le tourisme.

Que pouvez-vous nous dire au sujet de la rencontre de la délégation suisse avec le Ministre arménien de l’Economie (les personnes pré-sentes, les sujets abordés, les engagements de part et d’autre, etc.)?

 Avec le Ministre Minasyan notre délégation a abordé avant tout le problème de la libéralisation du marché. Le Vice président de l’Assemblée fédérale de Buman a insisté sur le fait que seul l’abolition du «de facto» monopole du marché en Arménie, l’augmentation de la concurrence et de la qualité, l’échange du know-how et des connaissances dans les services ainsi que la création d’une confiance mutuelle avant tout dans l’économie interne du pays, et par conséquent avec les potentiels partenaires extérieurs, permettrait le développement du potentiel économique, de l’infrastructure et de l’éducation, pourtant présents dans ce Pays. La même approche a été adoptée, d’ailleurs, lors de la rencontre avec les représentants du Ministère de l’agriculture. M. de Buman a insisté sur l’importance de créer des opportunités dans l’industrie légère, les technologies de l’information, l’innovation et justement le tourisme. Pour conclure, il a souligné l’importance du “Generalized System of Preferences” (GSP: concept développé en 1968 pour les pays en voie de développement par la Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement, prévoyant les trois principes suivants: augmenter les recettes d’exportation, favoriser l’industrialisation et accélérer le rythme de la croissance économique). La rencontre, avec le ministre Minasyan, à vrai dire, nous a donné l’impression d’avoir à faire à un professionnel conscient des défis qui l’attendent. Nous espérons pouvoir mettre sur pied une collaboration prolifique, notamment lors du relancement de la Chambre de Commerce Suisse-Arménie prévu cet automne.

Existe-il un vrai intérêt de la part des entrepreneurs suisses pour investir en Arménie compte tenu des difficultés existantes (blocus, manque d’infrastructure et de routes de transit, marché restreint, conflit d’Artsakh, corruption etc.)? Si oui, quels sont les domaines prometteurs?

Il existe toujours un intérêt d’investissement au moment ou il y a une perspective réelle. Mais pour qu’elle puisse être tangible, il faut que la partie ayant un intérêt à attirer ces investissements fasse ses devoirs. Dans le domaine des montées mécaniques, par exemple, il y a un potentiel privilégié en Arménie, mais il faut cesser de voir les choses de façon univoque. Le développement des transports aériens ainsi que de l’infrastructure routière et ferroviaire est fondamentale pour ce pays, aussi d’un point de vue stratégique. Le développement des services est fondamental pour la fidélisation des clients, que ce soit dans le domaine du tourisme ou de l’industrie alimentaire ou dans toute autre branche. Il faut un changement de la mentalité que la crise engendrée par la guerre de quatre jours et l’attaque armée du groupe «Enragés de Sassoun» (Sassna Tsrer) ont mis à nu. Le vrai problème que nous avons senti c’est le manque d’une vrai leadership technique, soit dans les rangs du Gouvernement, soit dans l’opposition, ce qui permettrait de transformer ce pays en un vrai marché concurrentiel, avec des infrastructures, en commençant par la formation professionnelle, en gardant et développant le potentiel intellectuel et entrepreneur de l’Arménie. Il est vrai, on ne peut pas prétendre de créer tout en un seul jour. Mais l’Arménie s’approche maintenant à son 25e anniversaire et nous pensons que le temps est venu pour faire une analyse sérieuse de la situation. Ce n’est pas le rôle de notre Groupe parlementaire de le rappeler, mais il est inévitable de se demander, chaque fois qu’on est en train de passer à côté des opportunités, pourquoi des réformes de base n’ont pas été accomplies. Il s’agissait quand-même de notre quatrième voyage en Arménie et nous aurions souhaité qu’au moins une partie de nos conseils, donnés dans le passé, aient pu être, je ne dis pas nécessairement suivis, mais au moins pris en considération. De toute façon, nous allons continuer à œuvrer pour que l’Arménie puisse avoir se développer d’une manière positive.

2017-12-01T21:25:29+01:00 15.09.16|INTERVIEWS, SUISSE-ARMÉNIE|

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