THÉNIE KHATCHATOUROV – PORTRAIT

RENCONTRE

par Lerna BAGDJIAN

Au travers d’un éventail de créations aux formes, textures et matériaux différents, l’atelier Thénie K. propose des fragments d’imaginaires uniques nous faisant voyager en Arménie et traverser les siècles. Ses pièces sont tantôt céramiques, peintures ou illustrations, mais toutes se réfèrent à un même fil rouge: celui de renouer avec la tradition de manière contemporaine. La jeune artiste Thénie Khatchatourov, suisse d’origine arménienne, nous dévoile son monde intérieur.

Thénie n’a jamais suivi d’éducation formelle artistique, mais retranscrire son imaginaire sur papier a toujours fait partie de son quotidien. Elle obtient son bachelor en sciences économiques et sociales à l’Université de Genève, puis un master en Design et développement de produits et services innovants à la HES en partenariat avec l’ECAL. Elle décide de se consacrer plus amplement à l’art suite à deux ans passés en Arménie, durant lesquelles elle a pu “prendre conscience de la richesse des Arts Arméniens”. L’architecture et la sculpture sont des sources d’inspiration majeures pour son travail. Ses nombreuses visites aux prestigieux musées de Erevan et ses déambulations les yeux grands ouverts l’ont familiarisée avec l’histoire, le travail de la matière, les enluminures et manuscrits, lui faisant découvrir l’ornement et la symbolique arménienne. “On découvre une ethnie au travers de ses ornements” précise-t-elle. Thénie s’initie également à la céramique à Erevan.

Désormais établie à Genève, sa créativité se base sur la constante découverte de ce patrimoine arménien. Un équilibre parfait entre éléments anciens et modernité, le jeu subtil de la réinterprétation des formes et du sacré par ses mains aboutissent à une abstraction symbolique envoûtante, une invitation au voyage. “On devrait continuer à se raconter nos grandes épopées », ajoute-t-il.

Thénie puise son inspiration parmi les grands sculpteurs et peintres arméniens, notamment les sculptures de divinités et héros arméniens et les bas-reliefs d’Ara Harutyunyan. Les couleurs vives de ses illustrations font écho aux toiles du grand maître Martiros Saryan. “L’utilisation des couleurs primaires m’est très chère, elles constituent la Genèse de la polychromie, c’est comme évoquer l’Arménie millénaire, un retour aux racines.” Elle trouve également l’inspiration au travers des vibrations du trait de Van Gogh, des grands noms de la Sécession Viennoise, mais également dans la nature ; le corps humain et la flore.

Au commencement de la guerre qui a fait rage en Artsakh, Thénie s’est rendue directement en Arménie et a consacré ses journées à l’éveil créatif auprès des enfants, une forme d’ʻʻArt Therapy”. Avec des amis, elle monte un atelier itinérant pour les plus jeunes, création de masques et ateliers de dessin pour raviver les âmes.

Thénie a également pris part à l’exposition d’affiches de charité “We Stand” organisée par Nvard Yerkanian et Nairi Khatchadourian, mise en place dans le cadre du 17e Festival international du film Golden Apricot Erevan avec l’objectif de rassembler des artistes arméniens d’horizons différents pour réfléchir à la notion de paix dans leurs œuvres en réponse à la guerre à grande échelle dans la République d’Artsakh, tous les bénéfices ont été reversés à des projets humanitaires œuvrant pour l’Artsakh. Récemment, ses illustrations étaient présentes au pop-up store à Paris de Cadeau engagé, une initiative qui propose sur son site internet des produits issus de l’artisanat et de l’art dont les recettes sont reversées aux associations actives en Arménie, notamment  en faveur des réfugiés d’Artsakh.

Créations manuelles, mais pas que: la jeune artiste est à l’initiative du premier podcast francophone consacré à la poésie arménienne, intitulé “Entre nous et le Ciel”. À découvrir sur instagram sous le nom de “nova_republika”, les premières odes de Sayat Nova, troubadour arménien du XVIIIe siècle, traduites en français par Elisabeth MOURADIAN et Serge Venturini et narrées par Thénie elle-même. Par la création de ce compte, elle tend à remettre en lumière la poésie arménienne et ses grandes figures irréductibles.

Thénie porte une grande importance sur la connaissance du patrimoine arménien, aussi bien matériel qu’immatériel. “Pour moi, le vrai patriotisme, c’est lorsque l’on connaît sa culture et que l’on est capable de la transmettre, c’est en la connaissant réellement que l’on prend connaissance de ce que l’on peut perdre.”

Dès le 30 juin et jusqu’à la fin du mois d’août, il sera possible de découvrir les peintures de Thénie dans le cadre de son exposition à Genève à l’espace galerie Fenêtre sur Cadre (rue Joseph-Girard 10 – 1227 Carouge Genève).

“Peindre, c’est avant tout un plaisir, mais aussi une manière de vivre, d’actualiser mon identité arménienne, de ne plus seulement la faire tourner uniquement autour du passé et de la question génocidaire. L’art évoque le développement, la construction; c’est important pour moi de continuer à créer à partir de ce que mes ancêtres ont fait, car inventer, c’est continuer à vivre.”

Évoquant l’amour, la passion, la tendresse, la force, la résistance ; les fragments d’imaginaires de Thénie sont le témoignage d’un art arménien qui tend à perpétuer, et à se réinventer en se basant sur sa riche histoire.

Atelier Thénie K.: https://www.theniekhatchatourian.com

Instagram : https://www.instagram.com/thenie_k/

2021-07-04T19:56:34+02:00 05.07.21|AUTRES, COMMUNAUTÉ|