par Maral SIMSAR
Une année après la signature de la déclaration accablante mettant fin aux opérations militaires en Artsakh, les Arméniens n’arrivent toujours pas à digérer le choc d’après-guerre et à réapprendre à vivre avec les nouvelles réalités.
Une année après la fin de la guerre, beaucoup de familles attendent toujours le retour des prisonniers de guerre ou des nouvelles concernant les soldats disparus, et certaines continuent de chercher les restes d’un fils ou d’un père tué pendant les combats. Le panthéon de Yerablur reçoit quotidiennement la visite des familles qui viennent se recueillir devant les tombes de leurs proches et font célébrer des cérémonies religieuses pour le repos de leurs âmes.
Une année après la catastrophe militaire et politique, l’Azerbaïdjan menace constamment la sécurité des habitants des zones frontalières de l’Arménie et de l’Artsakh par des opérations portant atteinte à la souveraineté et à l’intégrité territoriale de l’État arménien. Ce n’est un secret pour personne que dans un contexte géopolitique régional extrêmement complexe, l’Arménie subit des pressions de la part de plusieurs pays et puissances de la région dont l’agenda va souvent à l’encontre des intérêts du peuple arménien. Au moment où nous mettons ce numéro sous presse, des informations informelles contradictoires circulent sur les négociations en cours avec la Russie et l’Azerbaïdjan qui pourraient aboutir bientôt à la signature des documents relatifs au tracé des frontières et à la réouverture des voies de communication avec l’Azerbaïdjan au détriment de nos intérêts.
Une année après le traumatisme collectif subi, les forces politiques, tant celles au pouvoir que celles de l’opposition, ont failli à mettre en place à ce jour un agenda politique réaliste visant à sortir le pays du gouffre. En effet, la scène politique interne reste dominée par des reproches et insultes réciproques qui empêchent la tenue d’un débat sain sur l’avenir du pays et de ses citoyens. Les réformes institutionnelles nécessaires à une meilleure gouvernance dans tous les secteurs de l’administration tardent à venir ou se font lentement. D’autre part, la situation sanitaire liée à la pandémie est inquiétante en raison de la hausse des contaminations depuis plusieurs semaines et de la saturation des services réservés aux patients dans les hôpitaux, étant précisé que l’Arménie reste le pays de la région qui affiche le taux de couverture vaccinale le plus bas.
Une année après la guerre, la diaspora reste perplexe devant l’ampleur du malheur et semble avoir perdu ses points de repères. Quelques initiatives telles que The Future Armenian ont été lancées récemment invitant les Arméniens du monde entier à une réflexion collective sur les perspectives d’avenir de l’État arménien et des moyens pour y parvenir. Mais on ne voit pas dans les organisations de la diaspora une réelle volonté de remise en question des priorités et des objectifs en vigueur jusqu’au 27 septembre 2020.
Nous vivons un tournant décisif de notre histoire; c’est un moment crucial, où nous devons mettre de côté nos divergences et réunir toutes nos forces pour soutenir l’État arménien, si fragilisé. La situation actuelle et notamment le climat politique malsain qui règne dans le pays ne peuvent qu’affaiblir davantage la position de l’Arménie sur la table des négociations devant des adversaires déterminés à obtenir de nouvelles concessions de sa part. C’est l’existence de l’Arménie en tant qu’État qui est en jeu. La partie arménienne sera-t-elle capable de résister aux pressions et sauver ce qui peut encore l’être?
01.11.2021