RETROUVONS L’ESPRIT DU MOUVEMENT KARABAGH

(© archives.am)

par Maral SIMSAR

Il y a 35 ans, le peuple arménien vivait une des pages les plus tragiques et horrifiantes de son histoire récente. Du 27 au 29 février 1988, dans la ville de Sumgaït, des meurtres, des tortures et d’autres atrocités ont été commis contre la population arménienne de la ville par des groupes de voyous bien armés, dans l’indifférence générale des forces de l’ordre locales et avec l’instruction des autorités azerbaïdjanaises. Le but de ces actions était de créer un climat de terreur et de réprimer les revendications pacifiques des Arméniens du Haut-Karabagh, suite à la décision historique du 20 février 1988 adoptée par l’assemblée législative de cette région autonome de l’Azerbaïdjan, demandant son rattachement à l’Arménie. Plus tard, le même scénario allait se reproduire à Bakou et dans d’autres villes d’Azerbaïdjan ainsi que dans le nord de l’Artsakh, suivi de la déportation du reste de la population arménienne. L’idéologie anti-arménienne, mise en œuvre par ces actes barbares, allait devenir, au cours des décennies suivantes, la politique d’État de l’Azerbaïdjan, pour aboutir à la guerre de 44 jours avec ses conséquences désastreuses que nous connaissons. Nous sommes arrivés à un stade où, encouragé par l’indifférence de la communauté internationale et bénéficiant de l’impunité totale, l’Azerbaïdjan ne cache pas ses intentions génocidaires envers les Arméniens.

Aujourd’hui, le risque de répétition des horreurs de Sumgaït plane sur les têtes des Arméniens d’Artsakh comme une épée de Damoclès. Malgré les nombreux appels des dirigeants du monde politique international et de diverses instances, le couloir de Berdzor reste toujours (au moment où nous mettons ce numéro sous presse) bloqué depuis mi-décembre 2022, par des pseudo-activistes écologistes azéris, provoquant une crise humanitaire insoutenable pour les 120’000 Arméniens pris en otage. Par ailleurs, l’ordonnance de la Cour Inter-nationale de Justice (CIJ), la plus haute juridiction de l’ONU siégeant à La Haye, du 22 février 2023, demandant à l’Azerbaïdjan de « prendre toutes les mesures à sa disposition pour assurer la circulation sans entrave des personnes, des véhicules et des marchandises le long du couloir de Latchin (Berdzor) dans les deux sens », reste pour le moment, lettre morte. Tant que cette ordonnance et les appels ne sont pas assortis de mesures concrètes, telles que des sanctions, pour obliger l’Azerbaïdjan à mettre fin au blocus, ce dernier poursuivra sa politique d’épuration ethnique contre les Arméniens d’Artsakh. Cela représente la première phase du programme panturquiste du président Aliev visant à ouvrir un corridor reliant l’Azerbaïdjan au Nakhijevan et à la Turquie sur le territoire souverain de l’Arménie, qu’il considère comme l’Azerbaïdjan occidental!

Cette année marque également le 35ème anniversaire de la naissance du Mouvement Karabagh, qui a incarné l’aspiration collective de notre peuple à restaurer la justice historique, et réaliser les droits du peuple d’Artsakh de vivre librement dans sa patrie. Il a été le symbole du renouveau de notre esprit national, de l’unité et de la consolidation de tous les Arméniens à travers le monde.

Le monde traverse une période de grands bouleversements où la sécurité et la souveraineté des États comme l’Arménie sont mises à rude épreuve. Il est difficile de suivre les développements géopolitiques fulgurants qui affectent l’Arménie et ses voisins, où se croisent les intérêts des puissances régionales, mais nous sommes tous conscients des risques existentiels qui guettent l’Arménie et l’Artsakh.

Serons-nous capables de surmonter ces défis et de prendre en main le destin de notre État, seul garant de la pérennité du peuple arménien? Serons-nous capables de dépasser tous les clivages internes et retrouver l’esprit rassembleur d’antan du Mouvement Karabagh?

2023-03-12T19:11:53+01:00 12.03.23|ÉDITORIAL|