AGIR AVANT QU’IL NE SOIT TROP TARD!

par Maral SIMSAR

« Le blocus du Haut-Karabagh est une manière de réaliser un nettoyage ethnique dans la région »

« Le blocus écologique vire au nettoyage ethnique dans le Haut-Karabagh »

« 108 ans après le génocide, les Arméniens toujours menacés de disparition »

Voici quelques titres d’articles parus dans la presse ces derniers mois. Les termes de « nettoyage ethnique » et de « génocide » apparaissent aussi régulièrement dans les discours officiels des dirigeants d’Arménie et d’Artsakh. Rien d’étonnant car l’Azerbaïdjan, encouragé par l’impunité et le manque de réaction appropriée de la part des instances internationales, resserre de plus en plus l’étau autour des 120 000 Arméniens d’Artsakh, révélant ouvertement ses intentions diaboliques. En effet, dans une interview accordée aux médias le 18 avril 2023, Aliev a déclaré que les Arméniens devraient « soit accepter la citoyenneté azerbaïdjanaise, soit partir »…

La fermeture du pont de Hakari à la frontière entre l’Artsakh et l’Arménie et l’installation d’un point de contrôle à l’entrée de la nouvelle route du corridor de Berdzor (Latchin), aboutissant à l’encerclement complet de l’Artsakh et à l’isolement de 4 villages coupés de Stepanakert, s’inscrivent dans le cadre de cette politique de l’Azerbaïdjan: Créer des conditions de vie intenables pour les Arméniens d’Artsakh afin qu’ils quittent leurs terres ancestrales, et s’emparer ainsi d’un territoire vidé de sa population arménienne.

Le siège de l’Artsakh, qui dure depuis cinq mois, a déjà causé plus de 230 millions de dollars de dommages à son économie, entraînant un déficit d’environ 26% du PIB. La crise s’aggrave dans tous les secteurs, de la santé à l’agriculture, des transports à l’énergie, l’Azerbaïdjan ayant interrompu l’approvisionnement du territoire en gaz naturel et en électricité. Le nombre de chômeurs établit de nouveaux records. 860 entreprises ont suspendu leurs activités et plus de 50% des employés du secteur privé ont perdu leur travail. Actuellement, seule une quantité très limitée de nourriture et de médicaments arrive en Artsakh par l’intermédiaire des forces de maintien de la paix russes et du CICR, la seule organisation internationale présente dans la région. De surcroît, les habitants des villages sont régulièrement la cible des tirs des forces azéries, qui les empêchent de travailler leurs terres et les privent ainsi de leurs moyens de subsistance.

La situation n’est guère meilleure dans les régions frontalières de l’Arménie, l’Azerbaïdjan ne se gênant pas pour faire de temps en temps de nouvelles incursions et avancer ses positions à l’intérieur du territoire souverain de la République d’Arménie. Aliev ne cache pas son plan de percer un couloir extraterritorial vers le Nakhitchevan dans le sud de l’Arménie et annexer ainsi une partie du Syunik. Dans son élan expansionniste, il qualifie l’Arménie comme l' »Azerbaïdjan occidental » où retourneront ses compatriotes, le moment venu.

La diaspora arménienne se trouve également dans la ligne de mire du régime azéri. En réponse à la résolution du Parlement européen du 15 mars 2023, portant sur les relations UE-Azerbaïdjan, qui demandait notamment la levée du blocus du couloir de Latchin (Berdzor), la Commission des relations internationales du Parlement azerbaïdjanais a adopté une déclaration dans laquelle la diaspora arménienne est décrite comme « une tumeur cancéreuse de l’Europe ». Suite à cette déclaration, 3 ONG – le Centre COVCAS pour le Droit et la résolution des conflits, Hyestart et l’Observatoire d’arménophobie – ont lancé un appel conjoint à l’attention entre autres de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (PACE), l’UE et chacun des États membres, les ONG de défense des droits de l’homme et de lutte contre le racisme, leur demandant notamment de condamner cet appel à la haine par l’Azerbaïdjan.

Le régime d’Aliev fait la sourde oreille aux appels lancés par des États, des institutions européennes et internationales ainsi qu’à l’arrêt de la Cour Internationale de Justice du 22 février 2023, ordonnant à Bakou de « garantir une circulation sans entrave » dans le couloir de Latchin. En l’absence de volonté politique de la part de la communauté internationale de contraindre l’Azerbaïdjan à respecter le droit des Arméniens de vivre sur leurs terres, et compte tenu du déséquilibre considérable entre les moyens et ressources des deux pays, l’on ne peut espérer un dénouement de la situation inextricable dans laquelle se trouve le peuple arménien dans un proche avenir.

Le processus de transition vers un nouvel ordre mondial sur fond de guerre en Ukraine a créé un contexte géopolitique extrêmement dangereux pour les Arméniens, qui sont confrontés à des défis existentiels à relever dans un environnement hostile et hautement explosif. Faute de vrais partenaires puissants et fiables, l’Arménie ne peut compter que sur elle-même pour consolider sa place dans le concert des nations en agissant sur les plans à la fois politique, diplomatique, économique et surtout militaire. Elle doit impérativement renforcer son armée et ses capacités de défense en naviguant contre vents et marées. Et nous devons tous, en Arménie, en Artsakh et dans la diaspora, réunir nos forces et nos ressources pour atteindre cet objectif. Mais il appartient à la classe politique arménienne – celle au pouvoir et l’opposition –  de donner le signal notamment par un comportement responsable et respectueux envers les citoyens et leurs droits. C’est ainsi qu’elle pourra gagner en crédibilité et inspirer la confiance, une condition préalable pour obtenir le soutien des Arméniens du monde entier dans ses efforts à mener le navire à bon port.

Nous vivons un moment charnière de notre histoire et ne voulons certainement pas être les témoins impuissants d’un nettoyage ethnique en Artsakh et de la disparition de l’État arménien.

2023-05-15T22:56:14+02:00 15.05.23|ÉDITORIAL|