SOMMET MONDIAL ARMÉNIEN 2024
La deuxième édition du Sommet mondial arménien (Global Armenian Summit), qui s’est déroulée à Erevan du 17 au 20 septembre 2024, a rassemblé plus de 1000 participants de l’Arménie et de la diaspora. Ce rendez-vous, organisé par le Bureau du Haut-Commissaire aux Affaires de la Diaspora, avait pour but de servir de plateforme pour des discussions sur les défis actuels auxquels sont confrontés les Arméniens. Les séances étaient centrées sur trois domaines thématiques clés: sécurité & résilience, développement durable & engagement de la diaspora, communautés de la diaspora & rapatriement. Ces thèmes ont été explorés en profondeur au cours de 6 conférences-débats, 22 sessions simultanées, une table ronde, un atelier et 3 expositions thématiques. Au total, 180 intervenants et modérateurs de 25 pays dont l’Arménie ont participé à ces discussions.
Plusieurs ministres ont pris part au Sommet pour présenter le paysage actuel et les perspectives de leurs domaines respectifs. Le Haut-Commissaire aux affaires de la diaspora a, quant à lui, parlé du rôle crucial d’une diaspora orientée vers l’État dans le contexte sécuritaire de l’Arménie. Notons que l’intervention du Premier ministre Nikol Pashinyan, consacrée à la sécurité intérieure et extérieure de l’Arménie, a suscité des réactions mitigées. En effet, la notion de «l’Arménie réelle» que M. Pashinyan met en avant ces derniers temps et la photo du mont Aragats projetée sur l’écran de la salle au lieu de celle du mont Ararat ont laissé beaucoup de participants perplexes. La nécessité de mener une politique réaliste est certes compréhensible. Cependant, en l’absence d’un débat public franc et ouvert sur la signification de ce terme, les questionnements sur les buts visés restent légitimes.
Nous étions une dizaine de membres de la communauté de Suisse à assister à cet évènement très bien conçu et organisé avec beaucoup de soins. Le haut niveau des intervenants comprenant des personnalités arméniennes éminentes du monde politique, économique, culturelle, artistique et académique, des journalistes, des juristes et d’autres experts, ainsi que les thématiques et les formats choisis ont assuré la réussite de ce Sommet. Il est regrettable que l’Église apostolique et plusieurs organisations panarméniennes n’y aient pas participé en raison de leur opposition à la politique du gouvernement arménien.
Le programme complet du Sommet, la liste des intervenants et une grande partie des retransmissions live des débats sont disponibles sur : globalarmeniansummit24.am
*****
Au cours du Sommet, le Haut-Commissaire aux affaires de la diaspora Zareh Sinanian a présenté les commissaires aux affaires de la diaspora dans différents pays. Ces derniers, nommés par le Premier ministre de la République d’Arménie, ne sont pas rémunérés et n’ont pas d’horaire de travail standardisé. Leur rôle est de fournir des conseils professionnels dans les domaines de la coopération entre l’Arménie et la diaspora et de soutenir les activités du Haut-Commissaire dans ses relations avec la diaspora. Selon M. Sinanian, le processus de nomination dans différents pays du monde se poursuit.
Les 16 commissaires nommés à ce jour ont été reçus par le Premier ministre Nikol Pashinyan. Ce dernier a indiqué que l’objectif de son gouvernement en créant l’institut du Haut-Commissaire aux affaires de la diaspora était «de rendre les relations entre l’Arménie et la diaspora plus institutionnalisées et orientées vers l’État, et d’essayer de former un système qui sera capable de communiquer avec nos communautés de la diaspora au nom de la République d’Arménie, ainsi que de présenter institutionnellement et systématiquement les problèmes, les ordres du jour, les préoccupations, les questions de la diaspora au gouvernement de la République d’Arménie».
*****
Artzakank s’est entretenu avec M. Mike Baronian, récemment nommé Commissaire aux Affaires de la Diaspora en Suisse.
Artzakank: Monsieur Baronian, le comité d’Artzakank vous félicite à l’occasion de cette nomination et vous souhaite plein succès dans l’accomplissement de votre mission. Quelles sont les tâches dont vous êtes chargé à ce titre?
Mike Baronian: Les commissaires n’ont pas été chargés de tâches spécifiques. Sur la base de ce que j’ai entendu, je pense que la tâche la plus importante sera d’améliorer la communication entre le gouvernement et les communautés de la diaspora. La deuxième tâche sera de faciliter le rapatriement. Je n’ai pas beaucoup d’information à ce sujet et il faudra que je me renseigne. La troisième tâche concerne la promotion des investissements en Arménie. Le niveau des investissements depuis la Suisse est déjà assez élevé. Mon rôle sera d’essayer d’accroître ce niveau autant que possible et de faciliter le flux d’investissements.
A: Effectivement, la Chambre de Commerce Suisse-Arménie (SACOC) que vous présidez est très active dans la promotion des investissements. D’ailleurs, lors de sa présentation des commissaires, M. Sinanian a mentionné le Business Promotion and Inno-vation Day 2024, que la SACOC organise à Tsakhkadzor du 18 au 19 novembre 2024 en collaboration avec la Chambre de Commerce Internationale (ICC). Pour revenir à la communication, quels sont les défis qui se posent actuellement au niveau des relations entre l’Arménie et la diaspora?
M. B.: Un certain nombre de membres de notre communauté sont contre la politique du gouvernement d’Arménie et parfois leur mécontentement se manifeste par des comportements agressifs comme nous avons vu lors de la dernière visite de M. Sinanian en Suisse. D’autre part, certaines déclarations du Premier ministre et de son équipe prêtent à confusion de sorte que personne ne comprend la position du gouvernement arménien sur des questions sensibles comme l’avenir de la population arménienne d’Artsakh et l’ouverture d’une route dans le Syunik reliant l’Azerbaïdjan au Nakhijevan.
Il y a pas mal de questionnements sur différents sujets. Par exemple, pourquoi les citoyens arméniens ne peuvent pas voter à l’étranger? Cette question a été posée pendant le Sommet mais nous n’avons pas entendu une réponse claire de la part des dirigeants arméniens. De même, une des questions qui nous tourmente tous c’est pourquoi nous avons perdu l’Artsakh. Était-ce à cause de la politique du gouvernement actuel ou de ce qui n’a pas été fait pendant les 10, 20 ou 30 années passées? Le gouvernement avait-il d’autres choix dans un contexte où il n’y a eu aucun soutien international? Ces questions nécessitent des réponses claires et compréhensibles.
Un autre problème qui me gêne beaucoup c’est la tension entre l’Église et le Premier ministre. Dans la diaspora, l’Église est au centre de chaque communauté. C’est autour des églises que se réunissent les membres de la communauté. Il faut absolument trouver un moyen d’apaisement. J’ai été très content de voir le Premier ministre, son épouse, le Président et d’autres responsables assister à la cérémonie d’inauguration de la Cathédrale d’Etchmiadzin après sa rénovation. Pour moi, c’était un premier geste nécessaire et j’espère que la situation va s’améliorer.
A: Quel type de collaboration envisagez-vous avec la communauté et ses structures existantes?
M.B.: Je vais commencer par des réunions avec un certain nombre de membres actifs de la communauté dans différentes régions pour entendre leurs avis, leurs griefs et leurs besoins. Puis, je vais transmettre le résumé de mes rencontres à M. Sinanian. Je constate que d’une part, la communication du gouvernement arménien sur des sujets qui nous préoccupent tous n’est pas toujours claire et, d’autre part, l’information est manipulée par certains milieux pour leurs propres intérêts. Il est important que les informations que le gouvernement arménien souhaite communiquer à la diaspora soient explicites et sans ambiguïté.
A.: La désignation des commissaires dans différents pays suscite des controverses. L’institut des commissaires est perçu par certains comme un outil qui sera utilisé par le gouvernement d’Arménie pour contrôler les communautés de la diaspora. Le fait que les commissaires soient nommés par le Premier ministre d’Arménie au lieu d’être élus par leurs communautés respectives est aussi sujet à critique. Que pensez-vous de ces reproches?
M.B.: Je peux dire très clairement que je ne suis pas un «agent» du gouvernement arménien ni son porte-parole. Je pense que nous sommes des personnes assez sages pour ne pas accepter un tel rôle. Le rôle des commissaires est de servir de pont entre le Bureau du Haut-Commissaire aux affaires de la diaspora et les communautés. En ce qui me concerne, je vais travailler pour mon pays et ma communauté. Quant à la manière de sélection des commissaires, j’aurais moi aussi souhaité qu’il y ait une élection. Malheureusement, ce n’est pas moi qui ai décidé ainsi. Ce n’est qu’un début, il faut commencer à travailler. Peut-être que dans quelques années cela va changer et la communauté aura la possibilité de voter en faveur d’un candidat à qui elle fait confiance.
A: Quel est votre message à la communauté ?
M.B.: L’Arménie est un tout petit pays qui a perdu une grande partie de son territoire et nous devons tout faire pour la protéger, chacun à sa façon. Nous voulons tous avoir une Arménie complètement indépendante, solide militairement, capable de protéger ses frontières et son peuple, pas seulement en Arménie mais aussi dans le monde entier. Elle n’a pas encore cette capacité mais nous devons toujours garder cette idée à l’esprit. Nous pouvons être critique envers le gouvernement arménien sur beaucoup de points mais il faut que nous trouvions un moyen pour travailler ensemble.
(Propos recueillis par M.S.)