Le 29 avril 2014, une trentaine de membres de l’Association Ubuntu-Action étaient réunis au Centre Œcuménique du Bois-Gentil de Lausanne pour commémorer le premier génocide en Afrique des Grands lacs commis dans le silence contre les Hutus de Burundi en 1972. En effet, le régime militaire de l’époque, dirigé par le capitaine Michel Micombero a orchestré les arrestations, l’exécution et la disparition des hommes et des femmes de tous âges, dont l’unique crime était d’être né de l’ethnie hutue. Des centaines de milliers d’innocents, dont la mémoire est savamment occultée, reposent dans des fosses communes. Les chiffres varient selon les sources entre 300 000 et 500 000 morts et près d’un million de réfugiés errant au Zaïre (RDC Congo), en Tanzanie et au Rwanda.
Dans la petite chapelle, après une émouvante cérémonie de recueillement menée par le théologien laïc Roger Mburente, les participants allument à tour de rôle 42 bougies placées sur l’autel, pour chaque année passée depuis l’«Ikiza», un terme populaire, signifiant «grande calamité ou fléau» en kirundi, employé par les Burundais. Quelle ressemblance frappante avec le «Medz Yeghern» utilisé dans la littérature arménienne pour désigner le génocide de 1915 !
En ce jour de deuil, je suis invitée à présenter un exposé sur le génocide des Arméniens à une poignée de survivants ou de descendants de survivants, pour la plupart témoins directs de ce qui est arrivé à leurs proches. Je n’ose pas imaginer ce qu’ils ont dû vivre … Je vois des dizaines de feuilles posées sur plusieurs tables avec des tableaux contenant les noms de centaines de victimes, leur profession, lieu de résidence ainsi que les noms des bourreaux, dont certains sont toujours en vie. Par ce douloureux travail de mémoire de longue haleine, l’Association Ubuntu-Action mène son combat visant à tirer de l’oubli ces morts sans sépulture, victimes de la barbarie.
Les questions qui me sont posées ont pour objet notamment le négationnisme et les moyens de le combattre. Éclipsé dans l’opinion publique internationale par le génocide rwandais survenu en 1994 et largement médiatisé, le génocide des Hutus de Burundi en 1972 n’est toujours pas reconnu et la lutte pour la reconnaissance et la justice s’annonce longue et ardue.
La soirée continue autour d’une verrée conviviale, accompagnée de spécialités burundaises. Les échanges sur les expériences vécues et la similitude des ressentis sont fort enrichissants. Il est vrai que les plaies sont encore ouvertes, mais cela n’a pas empêché mes hôtes burundaises d’assister à cette commémoration, revêtues de leur habit traditionnel, qui donne une touche festive à la soirée. Ne serait-ce pas une belle façon de montrer la détermination des survivants à se reconstruire et à continuer le combat pour la justice sans relâche?
M.S.
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