par Maral SIMSAR
L’annonce par le gouvernement arménien, en décembre dernier, de la suppression du ministère de la Diaspora dans le cadre de son plan d’optimisation structurelle a suscité des réactions virulentes principalement de la part d’un nombre de représentants des organisations traditionnelles arméniennes de la diaspora. Certaines critiques ont interprété cette décision comme une régression dans les relations entre l’Arménie et la diaspora et d’autres ont déploré le fait que cette dernière n’ait pas été préalablement consultée. Par contre, les Arméniens qui n’ont pas de liens avec les structures communautaires, c’est-à-dire la majorité, et qui n’avaient pas bénéficié de l’attention de ce ministère pendant ses 10 ans d’existence, ne se sont pas sentis concernés par la décision du gouvernement arménien.
Dans le cadre du programme de restructuration de son gouvernement, le Premier ministre Nikol Pashinyan a annoncé le 8 février que le nombre de ministères de son cabinet sera réduit de 17 à 12. S’agissant de la suppression du ministère de la Diaspora, il a expliqué lors de la session parlementaire du 12 février que ce ministère remplissait certaines fonctions effectuées déjà par d’autres ministères notamment dans les domaines de l’éducation, de la culture et de la jeunesse. En revanche, d’autres fonctions importantes en matière de relations entre l’Arménie et la diaspora n’étaient pas effectuées. C’est pourquoi, le gouvernement a décidé de remplacer ce ministère par un haut-commissaire pour les questions de la diaspora. Ce dernier sera rattaché au personnel du Premier ministre et sera chargé de mener à bien, au nom et sur instruction du Premier ministre, la politique du gouvernement vis-à-vis de la diaspora, de coordonner le travail des différents ministères à cet effet et d’assurer un niveau adéquat dans les relations entre l’Arménie et la diaspora. Le 21 février 2019, dans une interview donnée à 1in.am, le Vice-ministre de la Diaspora par intérim Babken Ter Grigoryan a déclaré que le haut-commissaire sera la représentant du Premier ministre pour les questions de la diaspora et a ajouté: « L’office du haut-commissaire travaillera principalement dans 4 directions: rapatriement et intégration; préservation de l’identité et soutien aux communautés arméniennes; formation de l’agenda pan-arménien; et utilisation judicieuse du potentiel de la diaspora pour le développement de l’Arménie. […] La diaspora devrait être perçue comme un réseau et non pas comme un phénomène pyramidal. Et ce réseau, en particulier au XXIesiècle, représente ungrand potentiel. La diaspora a certes un potentiel financier et économique mais je mettrai l’accent plutôt sur les potentiels humain et professionnel qui peuvent être utilisés non seulement à travers le rapatriement mais aussi par sa mise en réseau au profit de l’Arménie sur les plans politique et économique. »
Pour atteindre ces objectifs, il est nécessaire de dresser un répertoire du potentiel de la diaspora. « Nous ne savons pas quel type de potentiel existe dans quel pays et quelle est son influence. Par conséquent, tout ce système n’est pas suffisamment organisé et la création d’un réseau pan-arménien occupe une place particulière dans le plan d’action du gouvernement. Nous disposerons d’un système qui contiendra de brèves informations actuelles sur notre potentiel dans la diaspora et sur le type de coopération possible avec le gouvernement pour élever le niveau politique, économique et sécuritaire de l’Arménie. Bien entendu, la République d’Arménie a des engagements et des devoirs envers la diaspora et nous devons tout mettre en œuvre pour les assurer de manière appropriée. » a déclaré M. Pashinyan lors de la présentation du programme de son gouvernement au Parlement.
Mais la question la plus importante sur l’agenda du nouveau gouvernement, selon M. Pashinyan, est la création d’une structure unique représentant la diaspora – une tâche d’une très grande complexité – pour avoir un interlocuteur légitime dans les débats sur des sujets d’importance pan-arménienne. La diaspora compte des milliers d’organisations et même si le gouvernement arménien arrivait à discuter avec toutes ces organisations il y aurait toujours une partie de la diaspora qui se sentirait isolée et écartée des débats. « Nous comprenons tous qu’il s’agit là d’un défi de taille et d’un problème sérieux, car vous savez que la diaspora est très complexe avec toutes ses relations et contradictions. »a-t-il déclaré et d’ajouter:« Aujourd’hui nous avons également une situation où une partie importante des Arméniens de la diaspora se trouve en dehors du cadre traditionnel bien connu de l’organisation de la diaspora et notre objectif est de consolider ce potentiel et de créer pour les relations entre celui-ci et la République d’Arménie une plateforme, une adresse précise. Lorsque nous aurons mené des discussions sur une question avec cette plateforme, nous aurons le droit légitime de dire que celle-ci a été discutée et convenue avec la diaspora. »
Après la révolution de velours, qui incarne des valeurs citoyennes, il devient impératif de repenser le système d’organisation de la diaspora, de revoir ses objectifs et priorités ainsi que de promouvoir la transparence et la démocratie participative dans la prise de décisions, tant dans les affaires communautaires que dans les relations avec l’Arménie.
Aujourd’hui, la création d’une structure unique représentative de la diaspora est plus que jamais d’actualité malgré toutes les difficultés que cela comporte. En effet, il est évident qu’actuellement aucune organisation de la diaspora, indépendam-ment du nombre de ses membres, de ses ressources financières ou de sa réputation, ne peut prétendre de représenter seule les intérêts et les aspirations de la diaspora ou d’une communauté. De surcroit, ce n’est pas un secret qu’une partie des comités qui gèrent les nombreuses organisations opérant dans la diaspora n’est même pas élue en assemblée générale.
La nouvelle Arménie est une source d’inspiration pour beaucoup de jeunes de la diaspora dont les potentiels humain et professionnel peuvent jouer un rôle majeur dans le champ d’action du futur bureau du haut-commissaire pour les questions de la diaspora. La plupart de ces jeunes se trouvent en dehors du cadre des organisations communautaires, qui ne sont plus en phase avec les nouvelles réalités, et constitueront le noyau du réseau qui se mettra en place au profit des objectifs pan-arméniens. Le passage du système pyramidal à la mise en réseau du potentiel de la diaspora et la création d’une plateforme représentative unique de la diaspora sont les grands défis que l’Arménie et la diaspora devront relever ensemble ces prochaines années.
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