Cette année encore, les Arméniens du monde entier ont commémoré l’anniversaire du génocide de 1915 avec des sentiments mitigés et dans une ambiance d’incertitude accrue. Malgré la reconnaissance de cette réalité historique par plus d’une trentaine de parlements et gouvernements au cours des dernières décennies, aujourd’hui la sécurité du peuple arménien sur ses terres ancestrales semble fortement compromise. En effet, depuis la guerre désastreuse de 2020, l’Azerbaïdjan, avec le concours de la Turquie, resserre l’étau sur la République d’Arménie et l’Artsakh et intensifie ses pressions sur les dirigeants arméniens afin d’obtenir des concessions aux conséquences fatales pour la viabilité de l’État arménien. De surcroît, en privant la population d’Artsakh de gas naturel, en tirant sur les agriculteurs pendant qu’ils travaillent dans leurs champs et en terrorisant les habitants des villages frontaliers, l’Azerbaïdjan mène une politique de nettoyage ethnique progressif. Malgré cette menace bien réelle, l’Arménie subit également des pressions internationales pour signer rapidement un accord de paix avec l’Azerbaïdjan en « baissant la barre de ses exigences concernant le statut du Haut-Karabagh », selon les termes du Premier Ministre Nikol Pashinyan.
Sans aucun doute, l’Azerbaïdjan, soutenu par la Turquie, essaie de tirer profit de la guerre en Ukraine pour faire avancer ses pions dans le but de reprendre le contrôle de l’Artsakh et de pousser sa population à l’exode. Malheureusement, dans notre lutte pour la reconnaissance du génocide, nous avons concentré nos ressources sur la mémoire des victimes et n’avons pas assez souligné le lien entre l’extermination des Arméniens dans l’Empire ottoman et la politique menée par l’Azerbaïdjan tout au long de l’époque soviétique et ultérieurement, contre les Arméniens du Nakhijevan et du Haut-Karabagh. Le fait qu’il ne reste actuellement plus aucune trace des Arméniens au Nakhijevan, n’est qu’une des innombrables preuves montrant que le génocide des Arméniens ne s’est pas arrêté et qu’il est toujours d’actualité.
Aujourd’hui, nous sommes arrivés à un tournant de notre histoire où la souveraineté de l’État arménien et la sécurité des habitants d’Arménie et d’Artsakh doivent être notre priorité absolue. Il convient à cet effet de changer de discours et de méthodologie dans nos communications destinées au grand public et à l’attention des interlocuteurs représentant les instances locales et internationales. À cet égard, il faudrait contextualiser la question du génocide dans le cadre des évènements actuels, en mettant l’accent sur l’arménophobie systématique promue par les autorités azerbaïdjanaises, le nettoyage ethnique en cours contre les Arméniens d’Artsakh et le devoir de la communauté internationale de les protéger. Cela demandera naturellement un travail incessant et des efforts concertés entre les institutions compétentes de la République d’Arménie et les organisations de la diaspora.
M.S.