Birthright Armenia / Depi Hayk a été fondé en 2003 par Edele Hovnanian, présidente de la fondation Hovnanian des Etats-Unis, avec l’idée que chaque Arménien a le droit non seulement de visiter l’Arménie, mais aussi d’y vivre une expérience enrichissante qui changera sa vie. Le programme s’adresse à des jeunes Arméniens de 21 à 32 ans* qui s’engagent à faire au moins 30 heures de bénévolat par semaine. Ils ont la possibilité de vivre dans une famille d’accueil locale, d’améliorer leurs connaissances de l’arménien, de rencontrer et d’interagir avec d’autres participants du monde entier. A travers les forums et les réunions ainsi que les excursions organisées chaque week-end, les participants peuvent acquérir des connaissances sur le pays et sa culture.
Les responsables de Birthright Armenia ont pour mission de renforcer les liens entre la mère-patrie et les jeunes de la diaspora. Avec ce programme, ils visent à multiplier le nombre de jeunes de la diaspora attachés à leur patrie, dotés d’une meilleure compréhension de ses problèmes sociaux, culturels, économiques et politiques. Les participants constitueront ainsi la nouvelle génération des leaders dans leurs communautés respectives et encourageront d’autres jeunes à participer au développement de l’Arménie.
Depuis sa fondation, 2400 jeunes de la diaspora ont participé au programme, dont 300 se sont installés en Arménie après avoir reçu des offres d’emploi. En effet, l’organisation collabore avec plus de 1300 partenaires privés et publics auprès desquels les participants peuvent faire des stages et se familiariser avec le milieu professionnel arménien.
Plusieurs jeunes de la communauté arménienne de Suisse et de France voisine ont déjà tenté cette expérience unique. Nous présentons dans ce numéro les témoignages de trois d’entre-eux et sommes prêts à en publier d’autres. Merci d’avance aux personnes qui s’annonceront en écrivant à: artzakank@yahoo.com
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Marie WURRY: « Nous avons formé des liens et une solidarité sans limites, sans frontières, sans barrière de langue »
Après avoir réalisé diverses missions humanitaires en Arménie, j’ai profité de la fin de mes études universitaires pour partir sur une plus longue durée avec Santé Arménie. C’est au cours d’une discussion avec Armen Garibian, mon ami d’enfance, que j’ai entendu parler pour la première fois de Birthright Armenia et ai décidé d’y participer.
Trois jours avant mon départ, la guerre a pris une autre tournure, ce qui a remis en question ma mission. Après réflexion et échanges avec des membres de la communauté arménienne, ainsi que Santé Arménie, j’ai maintenu mon projet. Ces évènements tragiques ont donné un autre sens à cette mission.
Dans un premier temps, j’ai effectué l’audit de la pharmacie de l’hôpital Arabkir et du circuit du médicament afin de réduire les erreurs d’administration ainsi que de créer des formations ciblées pour développer la pharmacie hospitalière. J’ai également accompagné des infirmiers suisses de l’hôpital du Jura, avec la fondation SEMRA Plus, venus évaluer les infirmières des urgences, admissions et de dialyse qui avaient effectué un stage au sein de leurs équipes. Enfin, je me suis rendue au Ministère de la Santé à propos de l’enregistrement des licences d’employés et volontaires de Santé Arménie.
Au mois d’octobre se tenait la mission ACT de l’UGAB. Il s’agit d’un programme qui consiste à préparer et à distribuer des colis alimentaires ainsi que des produits d’hygiène, et à proposer des activités sociales aux familles déplacées d’Artsakh. Chaque jour, nous nous sommes rendus dans différentes provinces pour remettre en main propre chaque colis.
La firme Azad Pharmaceuticals m’a également accueillie pour un stage de recherche et développement en chimie analytique et de synthèse de molécules thérapeutiques. J’étais plongée dans la recherche en laboratoire dans une entreprise privée, un milieu que je n’avais jamais côtoyé en Arménie.
En parallèle aux journées de volontariat, j’ai intégré la troupe de danse Karine. A ma surprise, la danse folklorique est aussi différente que semblable à la danse traditionnelle arménienne. La danse ainsi que la vie en famille d’accueil, proposée par Birthright, m’ont permis une immersion complète au sein de la culture arménienne locale.
Pour conclure, cette expérience en Arménie m’a permis de rencontrer des Arméniens du monde entier. Ce séjour était l’occasion d’apprendre sur moi-même où je me suis découverte une grande capacité d’adaptation. J’ai fait des rencontres qui m’ont bouleversée, certaines qui ont changé ma vie. Nous avons formé des liens et une solidarité sans limites, sans frontières, sans barrière de langue. Enfin, cette aventure reste une belle leçon de vie inestimable et je ne peux qu’encourager les jeunes de la diaspora arménienne à y participer.
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Armen GARIBIAN: « Le plus marquant restera pour moi mon stage chez les sauveteurs rattachés au Ministère des situations d’urgence où j’ai eu l’occasion de m’intégrer à leur vie en caserne »
C’est ma mère qui m’a appris l’existence de Birthright Armenia. J’étais appelé à faire mon service militaire suisse en hiver et je cherchais un projet pour combler les quelques mois séparant la fin de mon Bachelor et le début de l’école de recrue. L’idée du programme m’a tout de suite attirée et cerise sur le gâteau, les restrictions Covid qui sévissaient en Europe à ce moment-là étaient beaucoup plus souples en Arménie.
Au total j’y suis resté quatre mois. J’en ai passé deux à Gyumri puis deux à Erevan, à chaque fois dans une famille d’accueil.
Dans la capitale, l’atmosphère est plus multiculturelle. Il y a évidement une plus grande quantité de volontaires et une large variété de possibilités de volontariat. J’en ai fait plusieurs, tel que travailler dans le jardin botanique en tant que conservateur, ou encore faire un bref passage à la Croix Rouge. Mais le plus marquant restera pour moi mon stage chez les sauveteurs rattachés au Ministère des situations d’urgence où j’ai eu l’occasion de m’intégrer à leur vie en caserne.
A Gyumri, tout est plus intime. Comme nombre d’autres volontaires, j’ai principalement donné des cours au Youth Palace CNCO. Il s’agit d’une organisation parascolaire où les enfants viennent après les cours pour suivre des activités de leurs choix telles que la musique, l’anglais ou encore la science de l’environnement. J’y ai passé huit semaines formidables pendant lesquelles j’ai enseigné les sciences sur des sujets aussi variés que les mathématiques, les différents systèmes physiologiques du corps humain, la biologie cellulaire ou encore l’histoire géologique de la terre. En parallèle, une fois par semaine, nous avons effectué des réparations dans une école primaire avec toute l’équipe des volontaires de Gyumri. Un travail physique, mais qui m’apportait une satisfaction toute particulière. Décaper les murs, démonter le parquet, mélanger et couler du ciment à la main, plâtrer, peindre, rien ne nous à échappé et chaque vendredi nous y retournions, avec le sourire, pour rénover, accompagnés de chants et de danses arméniennes, ces salles de classe vétustes.
La ville de Gyumri est un peu plus isolée et il est vrai que l’on y peut ressentir le manque d’infrastructure par rapport à Erevan. Mais cela ne nous empêcha pas de passer de bonnes soirées que ce soit dans un café ou même simplement assis devant l’église. De plus, il est toujours possible de passer les week-ends à la capitale et c’est pourquoi l’effervescence coutumière de Erevan ne m’a pas manquée.
J’ai été également bien entouré, le groupe de volontaires ainsi que le staff étaient incroyables et ma famille d’accueil, une grand-mère vivant seule, m’a tout de suite adopté. Nous avons passé de nombreuses soirées ensemble à se raconter nos histoires respectives. Elle a bien évidemment essayé (et un peu réussi, soyons bon joueur) à me nourrir bien au-delà du raisonnable mais c’était un tel délice que je me suis laissé vaincre avec plaisir.
De toute cette expérience je ne garde que des souvenirs magiques et des amitiés solides. Essayez!
Si le sujet vous intéresse, n’hésitez pas à me contacter: armen@garibian.ch
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Lerna BAGDJIAN: « Au travers des rencontres et des visites, je suis rentrée en Suisse avec peut-être une plus large vision du pays, notamment après le séjour de 4 jours chargés d’émotion et d’histoire en Artsakh »
La découverte de Birthright Armenia s’est effectuée pour ma part d’une manière quelque peu différente que le parcours habituel. Il se trouve que j’étais déjà en Arménie et que je savais déjà ce que j’allais faire chaque jour lorsque j’ai procédé aux postulations.
Dans le cadre d’un voyage humanitaire en Arménie en 2017, nous avons organisé des visites culturelles dont une rencontre avec les responsables de Birthright Armenia pour découvrir le programme. Sevan Kabakian, le directeur général, nous a expliqué la vastitude du programme. Ce n’est qu’à la fin de sa présentation que j’ai réalisé qu’une de mes cousines avait participé à ce programme cinq ans auparavant.
J’ai été séduite par l’un des panels que propose le programme, les fameux «havak» («rassemblement» en arménien), qui consistent en des discussions autour de thématiques actuelles avec des intervenants de qualité. Une semaine plus tard, je commençais un stage de quatre mois au sein d’une agence d’architecture à Erevan. Séduite par ce concept de «havak», je me suis renseignée sur la possibilité de me greffer au programme uniquement les soirs de havak. Sevan me répondit que ce n’était pas possible si je ne faisais pas partie du programme, et me proposa donc un entretien pour la semaine d’après. La condition pour que j’effectue mon stage dans le cadre de Birthright était que je travaille bénévolement. Dix jours après, je rejoignais le programme.
Durant mon stage, j’ai eu l’occasion de travailler sur de nombreux projets, allant du design à l’échelle urbaine, avec une équipe très dynamique. C’était sur-tout pour moi l’occasion d’enfin expérimenter l’Arménie d’un point de vue professionnel, malgré un vocabulaire en arménien du champ architectural limité. Précisions pour le lecteur: ne pas confondre «Khoghovag» (le tuyau) avec «khorovats»…
Rapidement, une petite routine hebdomadaire s’est installée: cours de danse les lundis, mardi, jeudi et vendredi soir; au sein d’une troupe de danse locale qui m’a accueillie les bras ouverts et avec qui je me suis rapidement liée d’amitié. Les weekends, c’était l’occasion de sortir de la capitale pour découvrir mieux le pays, que ce soit avec les excursions du samedi organisées par Birthright, qui permettaient de sortir des sentiers traditionnels touristiques, ou par des road trips / voyages en stop avec des amis du programme. Le weekend se clôturait souvent avec un passage chez Papken, le libraire situé tout à droite à l’entrée du Vernissage, qui savait me dénicher des joyaux sur l’architecture arménienne et soviétique, ou sur la calligraphie arménienne.
Ce que je retiens des quatre courts mois de programme, ce sont avant tout de fortes amitiés avec des Arméniens situés aux quatre coins du monde, mais aussi des discussions enflammées sur l’Arménie, avec des personnes ayant différents rapports avec le pays. Au travers des rencontres et des visites, je suis rentrée en Suisse avec peut-être une plus large vision du pays, notamment après le séjour de 4 jours chargés d’émotion et d’histoire en Artsakh. J’ai certes pu me rendre compte d’avantage des plaies ouvertes du pays, mais ai surtout pu réaliser le potentiel inouï de la jeunesse du pays, travailleuse, créative et énergique; désireuse d’une Arménie florissante.
On parle souvent en diaspora de «ce qu’on doit faire pour enrichir l’Arménie», mais malheureusement pas assez de ce que l’Arménie a à nous offrir et enseigner!
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(*) Pour les non-arméniens ou les personnes au-delà de 32 ans, il existe Armenian Volunteer Corps (AVC), (armenianvolunteer.org) une organisation sœur de Birthright Armenia (birthrightarmenia.org).