SALON INTERNATIONAL DU LIVRE ET DE LA PRESSE DE GENÈVE 2015

Le stand arménien sous le slogan «Je me souviens et je revendique»

C’est dans le contexte de la commémoration du centenaire du génocide des Arméniens, que s’est tenu cette année le stand arménien au Salon international du livre et de la presse de Genève. Cela fut une belle occasion de véhiculer le slogan officiel du centenaire «Je me souviens et je revendique» à travers des intervenants exceptionnels et une riche collection de livres, choisis avec le concours de Nevrig Azadian, et dont certains ont été présentés au public par leur auteur.

Un comité d’organisation composé de: Vahé Gabrache, Annie Mesrobian, Alain Navarra Navassartian, Vicken Cheterian, Alexis Krikorian et Meda Khachatourian avait mis sur pied un programme ambitieux à l’initiative de et grâce au soutien de la Fondation H.D. Topalian avec le concours d’autres organisations arméniennes. Durant cinq jours, le stand arménien fut le point de rencontre d’une panoplie de spécialistes prestigieux, d’auteurs de livres et de témoignages, d’intervenants de tous horizons. Le programme des conférences en marge du Salon, concocté intelligemment par le comité d’organisation, a attiré un public curieux et très attentif. Le stand comprenait également un coin restauration séparé de l’espace conférences et livres, où l’on pouvait continuer les discussions passionnantes sur les thèmes traités par les conférenciers ou passer simplement des moments agréables entre amis rencontrés sur place.

Quel message porte le slogan «Je me souviens et je revendique» aujourd’hui et comment nous permet-il de nous projeter vers l’avenir? Les organisateurs ont bien entendu donné une place importante à la mémoire, à l’histoire, à l’art, aux hommages, en offrant un cadre aux revendications et aux réflexions sur ces dernières et en se penchant sur le concept de justice, notamment de justice internationale. Mais ils se sont proposés aussi de tourner vers l’avenir en s’interrogeant sur les initiatives soutenant la culture et la créativité, y compris dans le domaine du livre, en Arménie, en Turquie et en Diaspora.

La partie « souvenir et revendications » comprenait entre autres les travaux des historiens spécialistes du génocide des Arméniens, tels que Mémorial du génocide des Arméniens de Raymond Kevorkian et Yves Ternon, présenté par ce dernier, et ceux des intellectuels qui se sont battus avec courage, parfois au prix de leur liberté, pour la (re)connaissance de ce crime en et par la Turquie. Parmi ces derniers l’éditeur nommé au Prix Nobel de la Paix Ragip Zarakolu, qui a été récompensé par la médaille du mérite de la Fondation H. D. Topalian au nom de la communauté arménienne de Suisse. C’est M. Rémy Pagani, conseiller administratif de la ville de Genève, qui lui a remis cette médaille le samedi 2 mai 2015 en remerciement de toutes ses actions pour le rétablissement de la vérité et son combat pour les droits humains. Le même jour, la sociologue turque Pinar Selek a présenté son dernier ouvrage Parce qu’ils sont arméniens, un récit personnel et engagé très touchant de sa prise de conscience de la question arménienne. L’intervention de Özcan Yilmaz, chargé d’enseignement à l’Université de Genève, avait pour thème le rapport des Kurdes au génocide des Arméniens et plus particulièrement l’évolution de leur regard sur le rôle qu’ils ont joué pendant le génocide et leur prise de conscience des souffrances des autres minorités.

En solidarité avec les victimes d’autres génocides, les organisateurs avaient invité des survivants des autres génocides à témoigner et le Professeur Joseph Yacoub de l’Université catholique de Lyon, qui a parlé du génocide des Assyro-Chaldéens. Dans ce même esprit d’ouverture aux génocides du 20ième siècle, le programme hors les murs a proposé L’image manquante de Ritty Panh, un documentaire sur le génocide cambodgien, qui a été diffusé en partenariat avec le Festival international du film sur les droits humains (FIFDH) et l’association « Invitation au savoir ».

« Comment vivre avec l’héritage d’un génocide? » était le thème de deux débats intéressants l’un entre des descendants de rescapés (S. Haroutunian, A. Krikorian, A. Navarra Navassartian, S. Nigolian, C. White et M. Kahraman) et l’autre entre les psychanalystes Hélène Piralian, Nellie Hogikyan et Irène Nigolian. Par ailleurs, Valentina Calzolari (Professeure d’Arménologie, UNIGE) a fait une présentation intitulée « L’écriture de la Catastrophe: comment dire l’indicible? ».

Le journaliste indépendant Guillaume Perrier, co-auteur avec Laure Marchand de La Turquie et le fantôme arménien, fruit d’une vaste enquête sur la mémoire du génocide dans la Turquie d’aujourd’hui, a partagé son analyse de la situation actuelle. Le fantôme arménien est aussi le titre d’une bande dessinée documentaire des mêmes auteurs avec Thomas Azuélos, parue récemment aux éditions Futuropolis, qui retrace le premier voyage en Turquie d’un Arménien de France. Ce récit a fait l’objet d’un film, Le Printemps des Arméniens de Gilles Cayette, qui a été diffusé dans le programme hors les murs.

La politique suisse et la question arménienne ont été débattues par Sarkis Shahinian (président d’honneur de l’Association Suisse-Arménie) et Romaine Clivaz (journaliste, RTS) alors que le Prof. Alfred de Zayas (historien et juriste de droit international) a parlé des réparations que le gouvernement turc doit à l’Arménie et aux Arméniens.

L’avenir de la culture et de la créativité arméniennes en Arménie, en Turquie et dans la Diaspora a été discuté par des spécialistes et des représentants des centres innovateurs à Erevan. Ara Koçunyan (journaliste et directeur du journal Jamanak d’Istanbul) et Manoug Pamokdjian (PDG de FINECO) ont ainsi parlé des initiatives pour faire vivre la culture arménienne dans le berceau historique des Arméniens et en Diaspora alors que Aram Gyumishyan (TUMO Center for Creative Technologies), Audrey Selian Matian (Impact Hub Yerevan), Laurent Delifer (AltCity Ultralight Hackathon Yerevan) et Monique Bondolfi (KASA) ont exposé les projets et les réalisations des initiatives remarquables visant à encourager la culture et la créativité arménienne contemporaine.

Il convient de relever l’organisation irréprochable du programme des conférences et la qualité des interventions, gages de réussite de cet événement, sans oublier le rôle du modérateur Alain Navarra Navassartian qui a géré les interventions du public avec beaucoup de tact et d’humour. Félicitations à toute l’équipe pour le travail admirable accompli et nous nous donnons rendez-vous l’année prochaine!

Maral Simsar

(Photos © Demir Sönmez)

 

2017-12-01T23:13:15+01:00 15.07.15|COMMUNAUTÉ|

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