CRÉATION À EREVAN DE L’ORATORIO « LE CHANT DE L’ARMÉNIE » D’ALEXANDER BRINCKEN

Alexander Brincken Oratorio

INTERVIEW AVEC LE COMPOSITEUR RUSSO-SUISSE ALEXANDER BRINCKEN

Le 30 avril 2016, la Salle de concerts Aram Khatchatourian à Erevan a accueilli la création mondiale de l’Oratorio « Le chant de l’Arménie » du compositeur russo-suisse Alexander Brincken. Cette œuvre, basée sur les poèmes de Taniel Varoujan, Siamanto, Avetik Isahakyan et Vahagn Davtyan, est dédiée au peuple arménien en mémoire des victimes du génocide perpétré en Turquie entre 1894 et 1923. Elle a été interprétée par l’Orchestre philarmonique national d’Arménie sous la direction d’Eduard Topchyan, le Chœur académique de l’Arménie sous la direction de Hovhannes Chekijyan, et l’Ensemble des instruments nationaux, avec la participation du ténor Perch Karazyan et  des récitants Silva Yuzbashyan (en arménien oriental) et Sargis Najaryan (en arménien occidental).

Pour en savoir plus, nous avons pris contact avec Monsieur Brincken et quelle ne fut pas notre surprise de constater qu’il parle, lit et écrit parfaitement la langue de Machtots! Pour les lecteurs d’Artzakank, nous avons réalisé cette interview, qui s’est déroulée, tout naturellement, en arménien!

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Alexander Brincken

Comment en êtes-vous arrivé à vous intéresser à l’Arménie et à la langue arménienne?

A partir des années 70, j’ai visité l’Arménie à de nombreuses reprises en tissant des liens avec des musiciens locaux. Etant fasciné par la culture arménienne et vouant une profonde sympathie envers le peuple arménien, j’ai commencé à apprendre l’arménien oriental. Par la suite, au milieu des années 90, après mon installation à Lucerne, je me suis intéressé à l’arménien occidental et à l’orthographe classique, notamment à travers la lecture du journal Nor Haratch (précédemment Haratch) auquel je suis abonné. (Ndlr: le 18 février dernier, il y a signé une critique en arménien du livre Den Ararat vor Augen – Leben in Armenien de Amalia van Gent & Christina Leumann, paru aux éditions Kolchis Verlag en 2015)

Pourquoi et comment avez-vous composé votre Oratorio « Le chant de l’Arménie »?

Dans les années 80 je vivais à Saint-Pétersbourg et j’avais de bons amis arméniens. C’est à travers ces derniers que j’ai pu me familiariser avec l’histoire de la tragédie du Metz Yeghern et de là, a germé en moi l’idée de composer un grand oratorio sur ce thème. Déjà à l’époque je souhaitais que l’œuvre soit jouée pour la première fois à Erevan dans le cadre des commémorations du 100ième anniversaire du géno-cide. Cependant, vu la complexité de la tâche, le projet a traversé une longue période de mûrissement. De plus, j’ai été occupé par d’autres projets et n’ai pas pu me concentrer sur cette œuvre. Entretemps, j’ai réalisé les esquisses, me suis procuré les œuvres des poètes arméniens et j’ai travaillé sur le fond littéraire. Entre 2009 et 2011, j’ai finalement pu travailler de manière systématique et compléter la composition. Depuis 2010, je me rends régulièrement une à deux fois par année en Arménie, où j’ai noué des contacts avec le ministère de la Culture et l’Orchestre philharmonique. Curieusement, la salle de concerts Aram Khatchatourian à Erevan était en rénovation au moment de la commémoration du 100ième anniversaire du génocide et la création de l’oratorio n’a pu avoir lieu qu’une année plus tard, en avril 2016.

Pourriez-vous nous décrire l’œuvre?

Mes œuvres de musique sacrée comprennent des chants orthodoxes et une messe catholique latine. Mais pour mon Oratorio je me suis aligné consciemment au style arménien parce que je suis un grand admirateur de Komitas, que j’ai pris comme modèle. J’aime aussi la musique populaire arménienne, celle qui est pure et authentique et qui est jouée avec des instruments traditionnels. J’ai une phonothèque d’une certaine importance qui comprend des enregistrements de cette musique arménienne et je me suis inspiré de la messe de Komitas. Le style de l’Oratorio est donc influencé tant par la musique populaire que par la musique médiévale arméniennes. Je dois dire que le résultat est une synthèse intéressante entre le style mélodieux arménien et la polyphonie allemande. Rappelons que Komitas a été formé dans cette école allemande à Berlin. Ainsi les éléments arméniens et allemands existent côte à côte dans cet Oratorio.

Existe-t-il des projets pour présenter « Le chant de l’Arménie » en dehors de l’Arménie et notamment en Suisse?

Bien entendu, je souhaiterais qu’il soit présenté surtout dans les grands centres de la diaspora arménienne tels la France, les Etats-Unis, le Canada. Mais c’est une question d’organisation et de financement. En effet, l’Oratorio est composé pour un grand orchestre de plus de 100 instrumentistes, un chœur mixte d’autant de chanteurs, sans compter l’ensemble des instruments populaires, le soliste et les récitants. La représentation d’une telle œuvre nécessite des fonds importants. Je me suis déjà adressé à quelques connaissances de la diaspora arménienne et attends leurs réponses.

(Propos recueillis et traduits de l’arménien par Maral Simsar)

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Compositeur, pianiste et organiste, Alexander Brincken est né en 1952 à Saint-Pétersbourg de parents aux origines multiples: allemande, polonaise, russe et géorgienne. En 1976, il a obtenu un diplôme en composition et musicologie et en 1982, un doctorat en beaux-arts du Conservatoire de Saint-Pétersbourg. Entre 1980 et 1992, il a enseigné la musique et a travaillé en tant que rédacteur dans une maison d’édition musicale. Depuis 1992, il vit à Lucerne avec son épouse Margrit Brincken-Schuler, organiste. Il donne des cours de piano dans deux écoles et tient les orgues dans une église catholique dans le canton de Nidwald.

Outre l’Oratorio « Le chant de l’Arménie », il est l’auteur d’un ballet « La reine des neiges » d’après le conte d’Andersen, de 4 symphonies, d’une messe latine et d’une série d’œuvres de musique de chambre et de chant choral.

Alexander Brincken a enregistré 3 CD aux éditions Ars Produktion (extraits à écouter sur www.brincken.ch):
– Werke für Streicher (Œuvres pour instruments à cordes), Allemagne, 2006
– Geistliche Chorwerke (Œuvres chorales religieuses), Allemagne, 2008
– Russich-Orthodoxe Gesänge (Chants orthodoxes russes), Allemagne, 2010

2017-12-01T21:28:12+01:00 15.07.16|INTERVIEWS, SUISSE-ARMÉNIE|

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