Le 23 juin 2017, un communiqué de presse a été diffusé par un groupe d’associations de médias en Arménie à l’occasion du deuxième anniversaire de la répression musclée du mouvement « Electric Yerevan ».
« Le 23 juin 2015, la police a procédé à la dispersion des manifestations organisées contre la hausse du prix d’électricité sur l’avenue du Maréchal Baghramyan avec une cruauté sans précédent. A cette occasion, 13 journalistes et cameramen ont subi des violences physiques et 11 autres ont été empêchés dans l’exercice de leur fonction notamment par la destruction ou l’endommagement intentionnel de leur appareils photo et vidéo, la confiscation des cartes mémoires et par d’autres moyens.
Selon le service de presse du Service d’investigation spéciale (SIS), des procédures pénales ont été ouvertes et 22 représentants de la presse ont été reconnus en qualité de victimes. Cependant seuls quatre policiers ont été inculpés et condamnés à ce jour alors qu’il existe de nombreuses vidéos sur la toile montrant clairement plusieurs dizaines de membres des forces de l’ordre se livrant à des actes de violence. Il est significatif que ces quatre personnes ont été inculpées au lendemain d’une autre série de violences de grande envergure contre les représentants des médias dans la nuit du 29 au 30 juillet 2016 lorsque le Président de la République a présenté ses excuses publiquement aux journalistes.
Pourtant, si les évènements du 23 juin 2015 avaient fait l’objet d’une enquête appropriée et tous les coupables avaient été condamnés, les violences policières contre les représentants des médias ne se seraient peut-être pas reproduites une année plus tard.
Nous les soussignés, exprimons une nouvelle fois notre indignation quant aux opérations des forces de l’ordre du 23 juin 2015 à l’avenue Baghramyan et du 17 au 30 juillet 2016 à la rue Khorenatsi et à Sari Tagh à Erevan. En constatant que les mesures d’enquête entreprises dans le cadre de ces évènements et les résultats obtenus ne sont pas compatibles avec l’ampleur des actes de violence, nous réitérons nos demandes adressées aux autorités à savoir, faire preuve d’une attitude impartiale vis-à-vis des procédures pénales en cours, assurer leur efficacité et engager des poursuites contre les coupables indépendamment des fonctions qu’ils occupent. »
Rappelons que dans un communiqué du 10 août 2016, des organisations suisses-arméniennes avaient fait état de leur profonde préoccupation face aux évènements choquants qui s’étaient produits à Erevan suite à la prise d’assaut par le groupe « Sasna Tsrer » d’une station de police dans la capitale arménienne (voir Artzakank N° 206, p. 3). Choqués de constater que « la police arménienne a eu recours à une force excessive et disproportionnée, à la violence, à l’intimidation et à d’autres actions illégales contre des manifestants et des journalistes pacifiques qui ont entraîné des violations massives des droits de l’homme », les signataires avaient appelé les autorités à mettre fin à l’impunité concernant ces violences, à libérer sans condition tous les manifestants pacifiques et personnalités de l’opposition arrêtés arbitrairement dans le contexte de ces évènements et à lancer sans délai des réformes fondamentales et globales dans toutes les sphères de la vie politique et économique.
Selon la présidente de l’ONG Protection of Rights Without Borders Haykuhi Harutyunyan, trois requêtes de journalistes victimes de violences policières de juillet 2016 sont enregistrées à l’heure actuelle auprès de la Cour européenne des droits de l’homme et d’autres requêtes y seront déposées par la suite.
L’Arménie occupe la 79ème place parmi 180 pays au classement mondial de la liberté de la presse 2017 selon un rapport de Reporters sans frontières, alors qu’elle occupait la 74ème position en 2016. Cette régression est due principalement à l’impunité des violences policières contre les journalistes.
Le 28 juin 2017, dans son rapport présenté devant le Parlement, Arman Tatoyan, l’ombudsman (défenseur des droits de l’homme) d’Arménie, a déclaré qu’en 2016, son bureau avait reçu 631 plaintes mettant en cause les services de la police. Ce chiffre se situe en tête du tableau récapitulatif des plaintes adressées à l’institution en 2016, celles impliquant les établissements pénitentiaires, au nombre de 307, occupant la deuxième position.
Récemment, celles et ceux d’entre nous qui suivent le procès des membres du groupe armé « Sasna Tsrer » ont été scandalisés par le traitement inhumain infligé à ces derniers. La violence a atteint son paroxysme le 28 juin lorsque cinq d’entre eux ont été sauvagement battus par une quinzaine de policiers dans les sous-sols du bâtiment du tribunal et selon des témoins leurs cris étaient entendus dans la salle où se trouvaient leurs proches et le public, venus assister au procès.
Ces nouvelles alarmantes démontrent que malgré les promesses du nouveau gouvernement, aucun changement notable n’est encore visible en matière du respect des droits fondamentaux. L’usage de la violence ne se justifie en aucun cas et doit être banni sous toutes ses formes surtout dans un pays comme l’Arménie qui se réclame d’une civilisation millénaire.
Les violations des droits de l’homme en Turquie et en Azerbaïdjan occupent une place prépondérante dans les médias arméniens de la diaspora. En effet, nous sommes consternés à juste titre par le harcèlement et l’arrestation de journalistes et d’intellectuels et la répression des voix dissidentes dans ces deux pays. Mais curieusement nous ne manifestons pas la même sensibilité à l’égard des pratiques anti-démocratiques choquantes de certains représentants des autorités arméniennes malgré l’abondance des preuves. L’indignation ne peut pas être sélective et il est de notre devoir de faire entendre notre voix haut et fort pour exiger du gouvernement arménien qu’il mette fin à la violence et à l’impunité policière et qu’il assure la justice et l’équité pour tous ses citoyens.
Maral SIMSAR
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