Le 3 mars 1992, un décret du premier président de la nouvelle République d’Arménie annonçait la création d’une structure pan-arménienne sous le nom de Fonds arménien Hayastan (Հայաստան Համահայկական Հիմնադրամ) pour permettre à toutes les composantes de la nation d’œuvrer dans un cadre commun à la réalisation de projets vitaux pour le développement de l’Arménie et de l’Artsakh. Dans son communiqué du 16 mai 1992, le Conseil des gouverneurs de cette structure composée de 24 membres – dont les présidents d’Arménie et d’Artsakh, les chefs spirituels des églises, les représentants des partis politiques et des organisations pan-arméniennes et des bienfaiteurs importants – déclarait:

« Un tremblement de terre dévastateur, des milliers de réfugiés sans abri, une situation désespérée pour la population arménienne de l’Artsakh, une économie en ruines: ces difficultés ne peuvent être surmontées que par la mobilisation synergique des ressources et des efforts de toute la nation arménienne et par un travail uni et harmonieux. Le fait de soutenir activement le développement et le renforcement de l’Etat arménien, qui est la condition principale pour la survie et la prospérité du peuple arménien, et de contribuer au développement économique, scientifique, éducatif, spirituel et culturel de la patrie doivent être un honneur et une question de devoir pour chaque Arménien. »

Aujourd’hui, 25 ans après son lancement, le Fonds Arménie ou le Himnadram compte 25 filiales dans 22 pays à travers le monde et a investi USD 330 millions à ce jour pour la réalisation de 1100 projets vitaux. Ces projets, financés par plus de 700’000 donateurs, ont transformé la vie d’environ 500’000 personnes en Arménie et en Artsakh. Tous les ans depuis 1996, le Fonds Arménie organise des téléthons et des phonéthons qui mobilisent des centaines de bénévoles et réunissent les Arméniens autour d’un objectif, d’une vision et d’un rêve communs qui peuvent être concrétisés grâce à la contribution de chacun.

Le bilan des réalisations de ce quart de siècle: la construction de plus de 605 km de routes dont Goris-Stepanakert et Vardenis-Martakert reliant l’Arménie à l’Artsakh, des réseaux de distribution d’eau (580 km) et d’approvisionnement en gaz (149 km) et en électricité (70 km); la construction ou la réhabilitation de 359 écoles et jardins d’enfants, de 500 logements, de 75 établissements de santé, de 75 centres culturels et sportifs; la réalisation de projets agricoles (380), éducatifs, culturels et scientifiques (169).

Notre petite communauté de Suisse a été parmi les premières à répondre présente à l’appel venant de la mère patrie. En effet, le comité suisse du Himnadram fut constitué le 17 janvier 1993 avec la partici-pation de toutes les associations. Le premier bureau exécutif était présidé conjointement par le feu Révérend Aharon Sapsezian (Genève) et M. Gaydzag Magdassian (Lugano). Ils ont été succédés par le Dr. Mihran Yeromian et le regretté M. Kegham Yeretsian. Depuis 1999, c’est M. Avedis Kizirian qui assure la présidence du bureau exécutif et il gère actuellement les affaires du comité suisse avec l’aide de MM. Noubar Geudelekian (secrétaire) et Vanik Baghramian (trésorier).

Entretien avec M. Avedis Kizirian à l’occasion du 25ème anniversaire de la création du Himnadram

Vous êtes le président du comité suisse du Himnadram depuis plus de 18 ans et vous avez été décoré de la médaille de « Reconnaissance » par le président d’Artsakh, Bako Sahakyan, en 2009. Quel bilan tirez-vous des activités du Fonds arménien en Suisse?

 Tout d’abord je voudrais remercier l’équipe d’Artzakank d’avoir soutenu les activités de notre comité tout au long de ces années par la publication volontaire de nos communiqués, les présentations de nos projets et les comptes-rendus de nos réalisations.

Notre communauté se distingue par le nombre élevé des participants par rapport à sa taille. Par ailleurs, le Conseil des gouverneurs du Fonds compte deux membres de Suisse: MM Dikran Izmirlian et Albert Boghossian. Je précise que le feu M. Berdj Misirlian aussi en a fait partie avant son décès. Durant ces 25 ans, le comité suisse a récolté environ CHF 1’300’000 en dons qu’il a transférés en Arménie.

 La première année, alors que la population d’Arménie et d’Artsakh subissait de plein fouet les conséquences du blocus azéri, nous avons participé à l’opération hiver 94. Par la suite, les dons de la communauté ont contribué à la construction de la « Route de la vie » Goris-Stepanakert et de la « Route dorsale » Nord-Sud, réalisées par les dons provenant du monde entier.

A partir de 2000, nous avons décidé de parrainer des projets adaptés à notre budget. Nous avons ainsi rénové les dortoirs, la chaufferie, la petite centrale électrique et la blanchisserie de l’orphelinat de Gavar dans la province de Gegharkunik. En collaboration avec les fonds arméniens de France et d’Allemagne, notre comité a réalisé la reconstruction de l’école du village de Khashtarak dans la province de Tavush. L’école a été dotée de classes spacieuses, des laboratoires de physique-chimie, d’une salle informatique et d’une salle de théâtre qui sert toute la région.

Notre projet suivant a été la reconstruction de l’hôpital de Noyemberyan, le seul dans la province de Tavush qui sert 30’000 résidents de la ville et des villages avoisinants. Cette initiative, cofinancée par les branches allemande, australienne, suisse et libanaise du Himnadram, comprenait le réaménagement des bâtiments pour les rendre conformes aux normes sanitaires modernes, le remplacement du toit, du revêtement de sol, des portes et des fenêtres ainsi que l’installation d’un système de communication rénové.

Nous nous sommes attelés par la suite à la tâche de modernisation des conditions d’éducation de l’école de musique Tchaïkovski d’Erevan. Le projet comprenait le remplacement des instruments de musique, des ordinateurs, des CD, DVD ainsi que l’établissement d’une salle d’audio-vidéo.

Notre avant-dernier projet a été la construction d’une piscine thérapeutique couverte et l’installation d’un petit laboratoire de biochimie à l’orphelinat Gyumri Children’s Home, la seule institution en Arménie qui offre des soins à des enfants handicapés physiques et mentaux âgés de 0 à 6 ans. Dernièrement nous avons participé aux travaux de rénovation du lycée Olimpus d’Erevan en prenant en charge le remplacement des portes et des fenêtres d’un étage. Nous avons aussi participé à quelques actions ponctuelles.

Durant toutes ces années vous avez organisé la collecte des dons et assuré le suivi d’un nombre de projets. Lequel de ces projets vous tient-il le plus à cœur et pourquoi?

Tous, mais je m’attache surtout à des projets pour enfants comme les écoles, les orphelinats etc. Dans mon discours prononcé à l’occasion de l’inauguration de l’hôpital de Noyemberyan qui se trouve à quelques kilomètres de la frontière avec l’Azerbaïdjan, j’ai exprimé le souhait que les personnes qui seront admises dans cet hôpital ne viennent que pour les accouchements. Et le premier bébé né dans cet hôpital après sa reconstruction a été prénommé Avedis selon le souhait des parents qui étaient présents le jour de l’inauguration.

La transparence, la bonne gestion et la prévention des risques de détournement de fonds et de matériel sont les gages de la réussite de toute action impliquant des récoltes de dons. Quels sont les mécanismes et les mesures qui vous permettent – à vous et aux représentants des autres communautés – d’assurer un bon contrôle des projets sur place?

Les projets sont fixés par l’assemblée générale annuelle sur proposition du comité exécutif. Tous les projets font l’objet d’appels d’offres publics suivant les règles et normes de la Communauté Européenne et les travaux sont contrôlés par des cabinets spécialisés. Nous assistons à la séance d’ouverture des plis d’offres concernant nos projets et choisissons, ensemble avec les membres de la commission, les entreprises à mandater. Le comité exécutif du Himnadram nous envoie des rapports mensuels sur l’avancement des travaux pour chaque projet en fonction desquels nous effectuons les virements en plusieurs tranches. Je dois dire qu’actuellement, les entreprises qui travaillent sur les projets du Himnadram respectent scrupuleusement les normes, les délais et fournissent un travail de grande qualité. C’est pourquoi j’invite toutes les personnes et organisations désireuses de réaliser des projets en Arménie et en Artsakh de passer par les canaux du Himnadram qui a la logistique et l’expérience requises pour mener à bien leurs projets.

L’utilisation des fonds fait l’objet d’un contrôle à deux niveaux: Deux contrôleurs internes représentant l’Arménie et la Diaspora, et un audit externe réalisé par le Cabinet Grant Thornton (audit comptable et audit de réalisation). Les comptes et les rapports d’audit sont à la disposition de tout donateur. Les personnes intéressées peuvent me contacter en envoyant un courriel à: avedis_kizirian@hotmail.com

Quels sont les futurs projets de la branche suisse du Fonds Arménie?

Le Fonds attache une importance majeure au développement rural. Grâce aux canaux d’irrigation et d’autres structures qu’il a financés à ce jour, plus de 15’000 hectares de terres ont été réaffectées à l’agriculture. La nouvelle initiative lancée en Artsakh comprend le forage d’une centaine de puits, d’un diamètre de 200 à 400 mm et d’une profondeur jusqu’à 150 m, et la construction d’un nouveau système d’irrigation dans les zones rurales. Notre comité s’est engagé à financer un puits dont les coûts s’élèveront à USD 46’440. Ce prix inclut, en sus des frais de forage, l’installation d’une ligne électrique (10kW) et d’un poste de transformation ainsi qu’un système d’irrigation (canalisations en polyéthylène). A noter que chaque puits permettra d’irriguer de 15 à 25 hectares de terres et de créer jusqu’à 40 emplois supplémentaires.

Je tiens à féliciter notre communauté et ses organisations à l’occasion du 25^ème anniversaire du Himnadram et les remercier de leur soutien durant toutes ces années. Je suis convaincu que les membres de notre communauté continueront de contribuer généreusement aux projets du Himnadram qui a la vocation particulière de construire les infrastructures indispensables au développement socio-économique de l’Arménie et de l’Artsakh avec la participation de tous les Arméniens.

(Propos recueillis par Maral SIMSAR)