HYESTART, UNE NOUVELLE ASSOCIATION À GENÈVE

Hyestart (www.hyestart.net) est une association fondée à Genève par Alain Navarra et Alexis Krikorian. Créée en 2016, elle promeut le dévelop-pement de la démocratie culturelle en Arménie et dans les pays voisins et souhaite ainsi contribuer au dialogue dans la région. Pour atteindre ce but, Hyestart entend soutenir « une créativité artistique contemporaine qui interroge et qui a du sens comme catalyseur premier » afin de concourir à « l’avènement de sociétés dont la maturité permet d’encourager des débats démocratiques apaisés sur des sujets sociétaux et culturels importants. » (extrait du site web de l’association).

Pour en savoir plus sur les buts et les activités de cette nouvelle organisation indépendante et unique dans son genre, Artzakank a rencontré le co-fondateur Alexis Krikorian.

Qu’entendez-vous par démocratie culturelle et quels sont les moyens que vous allez mettre en place pour sa promotion?

Par démocratie culturelle on entend, de notre point de vue, deux piliers, le premier étant la diversité culturelle et le deuxième la libre participation à la vie culturelle. Les buts de Hyestart sont donc de promouvoir les droits humains en Arménie et dans les pays voisins et de soutenir la création artistique contemporaine qui interroge la société (par ex. les tabous) et qui a un sens politique (c.à.d. qui concerne le citoyen) toujours en Arménie et dans les pays voisins, en mettant l’accent sur les arts visuels et la littérature. Par exemple l’action que nous pourrons commencer à entreprendre sous le pilier de la diversité culturelle, c’est une bourse de traduction littéraire de l’arménien vers le français. Ce projet s’inscrit dans le cadre de la diversité culturelle parce que la traduction est effectuée d’une langue ultra-minoritaire, l’arménien, vers une autre langue qui est importante, mais qui n’est pas l’anglais justement, et qui est celle que l’on parle en Suisse romande. Par ailleurs, cette bourse contribuera à la promotion au plan international de la fiction arménienne contemporaine ayant une résonance politique et/ou sociale. Nous allons sélectionner des œuvres qui apportent quelque chose aux débats, qui  interrogent la société et les tabous, et qui a un intérêt politique dans le sens citoyen du terme. Il s’agit aussi de montrer que cette littérature est belle et bien encore vivante.

Pour soutenir la mise en œuvre de la liberté de participation à la vie culturelle, nous voulons défendre les droits humains en Arménie et dans les pays voisins. Si nous souhaitons pour ce faire mettre l’accent sur les libertés artistiques et d’expression, nous pouvons aussi aller au-delà. Par exemple nous sommes allés en Arménie comme observateurs des élections législatives du 2 avril 2017. Il ne faut pas oublier que le droit à des élections libres et justes est  stipulé dans la Déclaration universelle des droits de l’homme.

Un autre point très important pour nous est la centralité de l’Arménie. L’Arménie n’est pas un cul-de-sac comme on entend souvent dire. Par exemple, un de nos projets est de créer un festival de photojournalisme féminin régional, c’est-à-dire avec des photojournalistes femmes d’Arménie, de Géorgie, d’Iran  et de Turquie, des Turques, des Kurdes, etc. Nous souhaitons que ce festival soit organisé en Arménie, dans la ville de Gumri. Pourquoi Gumri? Parce qu’il y a tout un mouvement pour soutenir la renaissance et le développement de Gumri en tant que ville culturelle et nous aimerions participer, modestement, à ce mouvement. C’est un bon exemple de ce qu’on entend par la centralité de l’Arménie qui peut devenir un acteur central de cette région sur le plan culturel. Parce que, malgré tout, malgré toutes les difficultés, il y a aussi une forme de liberté d’expression. Selon le dernier rapport de Reporters sans frontières sur la liberté d’expression, l’Arménie est mieux classée que la Turquie ou l’Iran, moins bien classée que la Géorgie. Bien entendu, il y a du progrès à accomplir.

Quels sont les actions que vous avez entreprises jusqu’à maintenant?

En septembre 2016, à la demande du comité international de soutien à Sevan Nışanyan (Ndlr: écrivain, linguiste, professeur et hôtelier qui s’est évadé le 14 juillet dernier d’une prison turque où il purgeait une peine de prison de 17 ans depuis décembre 2014), nous avons  diffusé un commu-niqué demandant aux autorités turques sa libération dans les plus brefs délais. Ni les grandes ONG, ni les organisations arméniennes ne se mobilisaient en sa faveur et il fallait maintenir la flamme de sa défense pour qu’il ne tombe pas dans l’oubli. Sur notre site vous trouverez une traduction de ce communiqué en arménien occidental.

En novembre 2016, nous avons lancé un appel au rapporteur spécial des Nations Unies sur la liberté d’expression David Kay, en visite en Turquie, pour demander la libération de l’écrivaine turque Asli Erdoğan.

Le 12 mars 2017, Hyestart a interpellé les procédures spéciales des Nations Unies (notamment les rapporteurs spéciaux sur l’indépendance des juges, le droit à la liberté d’expression, la situation des défenseurs des droits de l’homme et sur la torture) sur les nombreuses violations des droits humains dont Pınar Selek a été la victime depuis près de 20 ans afin qu’elles interviennent directement auprès des autorités turques.

Comme je disais, le 2 avril 2017, j’ai participé en tant qu’observateur aux élections législatives en Arménie dans le cadre de l’initiative « Citizen observer » (voir Artzakank N° 210 mai-juin 2017).

Alain Navarra, Pinar Selek et Alexis Krikorian (29.04.2017)

Le 29 avril 2017, en collaboration avec Dialogai Genève, nous avons organisé une soirée-rencontre sur l’activisme et les droits LGBT en Arménie avec Pınar Selek, sociologue et activiste des droits humains en Turquie, et Alain Navarra-Navassartian, sociologue et historien de l’art, Président de Hyestart. La rencontre a été précédée de la projection du documentaire «Listen to me: Untold Stories Beyond Hatred» dans lequel 10 représentants de la communauté LGBT font courageusement leur coming-out et partagent leur vécu. C’est un documentaire fort et émouvant qui amène à réfléchir. Il faut le voir!

A la suite de cette soirée, le 5 juin 2017, Hyestart a soumis une information à l’expert SOGI (Sexual Orientation and Gender Identity issues) de l’ONU en l’interpellant sur le retard persistant de l’Arménie en matière de droits LGBT. Nous sommes convaincus que nos actions ne pourront aboutir que si elles s’inscrivent dans la durée. Sur ce sujet comme sur d’autres, nous sommes en contact réguliers avec les différentes parties prenantes.

Le 7 juillet, nous avons participé au séminaire sur les droits culturels et la protection du patrimoine culturel organisé par le haut-commissariat aux droits de l’homme de l’ONU. Je vous invite à découvrir notre article sur cette réunion très importante sur notre blog ou page facebook.

Qui sont vos partenaires en Arménie et dans les pays voisins?

Nous pouvons travailler avec des organisations de défense des droits de l’homme et des droits des minorités. J’ai déjà cité Pinkarmenia en Arménie, mais il y en a d’autres. Par exemple, l’agence 4 Plus dont le but est le développement de la photographie documentaire arménienne pour sensibiliser le public aux questions taboues telles que la violence domestique, la communauté LGBT, etc. Leur travail correspond à ce que nous voulons faire: à travers l’art, mettre ces tabous sur la table pour pouvoir en discuter, pour contribuer à faire évoluer les mentalités. Nous pouvons aussi travailler avec le Club des journalistes Asparez (JCA) dont nous avons fait la connaissance pendant notre mission d’observateur pendant les dernières élections législatives. Le but de JCA est la protection de la liberté d’expression y compris la liberté de la presse et de l’information. Nos partenaires sont à la fois les ONG des droits humains mais aussi des acteurs du monde culturel, des écrivains, des éditeurs etc. C’est vraiment tous les gens qui s’engagent pour les droits humains et la culture.

Nous avons aussi des partenaires dans les pays voisins. Par exemple, la Human Rights Association d’Istanbul qui a eu une prise de position incroyable encore le 24 avril 2017: Elle a non seulement demandé à ce que les autorités turques reconnaissent le génocide de 1915, mais aussi qu’elles demandent pardon et fassent des réparations. Et dans le contexte actuel de l’évolution de la Turquie vers une forme de régime dictatorial, cette prise de position est encore plus courageuse que d’habitude. Nous sommes en contact avec des éditeurs turcs qui se sont engagés pour la liberté d’expression. De part mon parcours – dans le passé j’ai travaillé pour des éditeurs – je suis en contact avec des gens du monde de l’édition également en Géorgie et en Iran. Alain Navarra, qui s’intéresse beaucoup à la photographie, a des contacts dans ce domaine dans les pays voisins. Nous allons continuer de tisser des liens avec un maximum d’interlocuteurs clés des cercles littéraires et artistiques d’Arménie et des pays voisins mais aussi avec des diplomates, des think tanks et bien entendu avec des ONG des droits de l’homme.

Alexis KRIKORIAN est un professionnel des droits humains ayant une expérience de plus de 15 ans en tant que militant, défenseur, chercheur, spécialiste de collectes de dons et gestionnaire de projets dans les domaines de la liberté d’expression et de droits humains, à Genève et sur le terrain.

2017-12-01T20:52:41+01:00 17.09.17|ARMÉNIE & ARTSAKH, INTERVIEWS, SUISSE-ARMÉNIE|

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