KASA: 20 ANS D’ENGAGEMENT EN ARMÉNIE

KASA (Komitas Action Suisse-Arménie) fête ses 20 ans d’existence! Le bilan impressionnant de cet anniversaire se résume à 17 millions de francs investis et à une cinquantaine de projets réalisés dans plusieurs secteurs en Arménie: humanitaire, constructions,  agriculture, tourisme et formation. Pourtant, rien ne laissait présager une telle réussite à cette association aux débuts modestes.

Monique Bondolfi-Masraff, née en Suisse mais d’origine arménienne, et son époux Dario Bondolfi, originaire des Grisons, respectivement présidente et responsable financier, évoquent avec émotion les différentes étapes de cette belle aventure.

Tout commence en avril 1995 lorsque Monique et Dario, enseignants de profession, décident d’inviter à la fête de leurs 25 ans de mariage l’Atelier Vocal Komitas (AVK), composé des étudiants de Sirvart Kazandjian Pearson au Conservatoire de Lausanne. Dario, complètement emballé par la musique arménienne, intègre la chorale, qui enregistre peu de temps après son CD « Voix d’ici, Musique d’Arménie« . Deux ans plus tard, en octobre 1997, Sirvart emmène en Arménie, avec  30 autres voyageurs, 20 chanteurs de l’AVK qui  donnent  deux concerts à Erevan et y fêtent leurs 10 ans.

Atelier vocal Komitas, 1995, dirigé par Sirvart Kazandjian (au milieu)

Ce premier voyage en Arménie sera déterminant, témoigne Monique : « Nous sommes partis avec beau-coup de valises remplies de vêtements, de matériel médical et scolaire, de jouets, que nous avons distribués à deux internats d’Erevan. Après avoir découvert avec émotion  la difficile réalité locale et notamment la situation abominable de l’Internat n° 11, la chorale a décidé à son retour de créer une association de soutien, nommée  Komitas Action Suisse-Arménie en hommage à l’Atelier Vocal Komitas. Le premier comité comprenait des membres de la chorale, et j’ai accepté d’être la présidente sans bien savoir dans quoi je m’embarquais ».

Pendant la phase de démarrage qui dure jusqu’en 2000, KASA se concentre sur l’action humanitaire en essayant de comprendre la réalité arménienne et de cerner les besoins les plus criants. Elle soutient notamment l’internat n° 11 de Noubarashen pour enfants en difficulté par une aide matérielle mais surtout par un suivi affectif et psychologique des enfants. Cette aide continuera pendant 10 ans malgré le manque de coopération, voire l’hostilité, du directeur de l’internat.Entretemps, elle s’engage dans un deuxième volet humanitaire, le parrainage de familles, à Gumri, à la demande de la SPFA (Solidarité Protestante France-Arménie) qui était active dans cette ville dévastée par le tremblement de terre de 1988. Ces parrainages continuent à ce jour, mais sous la forme d’un accompagnement plus global.

En 1998, l’acquisition d’un appartement à Erevan, grâce au don généreux d’un couple âgé d’Arméniens de Bienne en voyage en Arménie avec KASA, permettra à l’association d’ouvrir son premier bureau en Arménie.

A partir de 2000, KASA se lance dans des projets de construction. « Un peu par hasard », dit Monique.  » Le 7 avril 1999 – la fête des mères en Arménie – nous sommes montés à Gogaran, à 3 km de l’épicentre du séisme. L’ école se tenait  dans un baraquement malsain, avec  des tables cassées, des bouquins bouffés par les rats, bref, l’horreur totale, mais les élèves s’étaient fait tout beaux pour fêter leurs mamans. Nous avons été frappés par le décalage entre la misère noire de ce village et ces gosses qui chantaient avec tout leur cœur et nous offraient des fleurs. Dario, très ému, a dit: « Je suis un enseignant comme vous, mais je vous promets qu’on refera votre école ». De retour en Suisse, il a organisé avec ses collègues du collège de Coppet une fête en faveur de KASA. Nous avons aussi commencé à récolter des fonds par d’autres actions ».

L’Ecole de Gogaran

A la même époque, grâce à une voyageuse, les Bondolfi sont introduits auprès de la fondation Armenianos : une rencontre cruciale pour KASA. Le financement pour la reconstruction de l’école de Gogaran est complété et les travaux peuvent commencer. « C’était notre premier chantier et nous l’avons réalisé avec beaucoup de cœur et d’enthousiasme en dépit de problèmes de tous ordres, matériels, interculturels, etc… L’école a été inaugurée en octobre 2002 et cela nous a valu la confiance d’Armenianos, qui a cofinancé une quarantaine de projets de construction à hauteur de CHF 7 millions. C’est grâce à Armenianos que KASA est devenue ce qu’elle est » résume Monique.

En 2001, KASA est inscrite comme fondation en Arménie sous le nom de KASA FHS (Fondation Humanitaire Suisse) pour pouvoir bénéficier de l’exemption humanitaire de 20%, tandis qu’en Suisse elle garde son statut  d’association.

Les réalisations de KASA dans le secteur des constructions ne se limitent pas à ses propres projets, tels le Centre EspaceS, un B&B à Erevan et le Centre Arevamanuk à Gumri. Elles concernent aussi 12 écoles pour le compte de l’Etat arménien, à Erevan et dans les régions. Par ailleurs, KASA s’implique aux côtés du docteur Ara Babloyan : centre de santé ArBeS de réhabilitation pour enfants handicapés, centre aéré d’Aparan, rénovation  par étapes de l’hôpital pédiatrique Arabkir d’Erevan.

Monique et Dario Bondolfi

Un coup de cœur des Bondolfi  est le village d’Argina, qu’ils découvrent par hasard grâce à l’ONG SHEN engagée dans le développement rural. Un village de réfugiés très pauvre dans la région d’Armavir, qui a repris le nom d’Arkina, résidence d’été du catholicos au Xe siècle, proche d’Ani. Nom que Puzant Masraff, le grand-père de Monique, arrivé d’Egypte à Yver-don-les-Bains dans les années 1920, avait préci-sément donné à la source d’eau minérale d’Yverdon qu’il y avait achetée  et qu’il exploitait…« Avec SHEN, nous avons financé à Argina un séchoir solaire et avons aidé à refaire l’école, à y installer le chauffage, à construire la route, une citerne, des locaux dans la mairie et une fabrication d’abricots confits. D’ailleurs, c’est d’Argina que proviennent les fameux abricots confits que nous vendons en Suisse. Et encore une dizaine d’autres projets : centres culturels, irrigation, frigos et une chapelle », évoque  Monique.

En parallèle aux constructions, KASA s’investit dans l’agriculture pour lutter contre l’exode rural. Un peu à Argina, mais surtout à Gogaran où, après la reconstruction de l’école, elle contribue à la rénovation du réseau d’eau du village (citerne, canalisations) et du gaz puis à la mise en route d’une coopérative, achète des machines agricoles et met en place une bergerie de 200 moutons.

Dès sa fondation en 1997, KASA promeut par ailleurs le développement d’un tourisme durable et solidaire, respectueux de l’environnement et de la population locale. Elle a formé plus de 200 guides et organise des voyages très personnalisés, hors des sentiers battus, à la découverte de l’Arménie profonde, qui allient culture et rencontres, à l’écoute de la réalité vive de ce pays.

A partir de 2012, KASA connaît un grand essor. Monique en explique la raison: « Fin 2011, nous avons nommé une nouvelle directrice, Anahit Minassian, qui a donné une impulsion extraordinaire à la fondation. Elle est partie de l’idée que la fondation arménienne devrait se responsabiliser et se prendre en main en termes de gestion et de recherche de fonds. Actuellement, KASA Arménie trouve la moitié de son financement pour des projets importants à travers les organisations internationales comme l’UNICEF, le HCR, les ambassades et des organisations européennes, ainsi que grâce aux recettes du tourisme et des cours. Par ailleurs l’entrée au Conseil d’administration arménien de Robert Doldourian, ancien directeur de banque, a beaucoup contribué à professionnaliser KASA. Aujourd’hui, nous avons près d’une cinquantaine de collaborateurs salariés répartis entre notre bureau central, le Centre EspaceS à Erevan et notre centre à Gumri, qui gèrent 22 projets. Nous avons eu la chance de bénéficier d’un grand et fidèle soutien de la part des Suisses, ainsi que de la communauté arménienne, notamment dans des moments difficiles, et un beau réseau s’est constitué autour de KASA. Cette aide locale reste indispensable pour compléter les fonds trouvés par les Arméniens.

Les clubs et programmes mis en place dans les deux centres* ont pour but de promouvoir une société de citoyens ouverts, autonomes, acteurs plutôt que consommateurs, qui visent le développement durable de leur pays en s’engageant démocratiquement dans la vie économique, sociale et culturelle de l’Arménie. Elle propose également des plates-formes de développement personnel et professionnel pour encourager l’esprit d’initiative et la création d’emplois.

Les deux projets les plus récent de KASA sont l’aide aux réfugiés syriens** avec le soutien de l’UNHCR, qui comprend l’aide à l’intégration sociale et culturelle à travers la formation, l’encadrement et l’accompagnement par des bénévoles; et le projet REGIO*** dont le but est de former les jeunes venant des régions qui s’engageront ensuite en collaboration avec les collectivités locales en faveur du développement de leurs régions.

Réfugiés syriens et bénévoles de KASA

Quelle est l’approche de KASA?

KASA met l’accent sur la créativité, la formation non-formelle et l’e-learning, les démarches dynamiques qui développent l’esprit d’initiative, les pratiques citoyennes, solidaires et écologiques et le dialogue interculturel ainsi que la francophonie. Elle a élaboré un beau matéirel pédagogique, auquel s’intéresse l’Etat.

Les members et les collaborateurs de KASA sont fiers d’avoir contribué à changer le regard des milliers de jeunes qui ont fréquenté KASA pendant ces 20 ans: « Positivement les jeunes sont devenus plus enthousiastes et désireux de construire leur pays. Mais le décalage entre le haut niveau intellectuel et la précarité économique et sociale reste important, preuve en soit le fait que l’exode continue … Notre engagement garde dès lors pleinement son sens. »

En ce qui concerne l’avenir, Monique pense que « dans ses différents domaines KASA doit à la fois s’enraciner dans la réalité arménienne en gardant les valeurs les plus humanistes et s’ouvrir aux dimensions internationale et interculturelle ».

Quant à Dario, il estime important de miser sur la création d’emplois en s’appuyant sur l’inventivité des Arméniens. « Depuis 20 ans, nous avons essayé de répondre à leurs besoins en partageant avec eux des outils novateurs. Je souhaite que les collaborateurs ainsi formés puissent continuer sur leur lancée pour développer leur pays, tout en sachant compter sur le soutien fidèle de la Suisse et de l’Europe! »

M.S.

Monique vient de publier KASA 20 ans: Une espérance qui fait sens 1997-2017?

Pour commander: monique.bondolfi@kasa.amPrix: CHF 20 + port

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(*) Pour plus d’information sur les projets en cours visitez www.kasa.am

(**) Voir Artzakank N°193 juillet/août 2014 p. 5, L’Arménie devient terre d’accueil! ainsi que Artzakank N° 205 juillet/août 2016 p. 8, Les Arméniens locaux apportent un changement positif dans le travail avec les personnes déplacées

(***) Voir Artzakank N° 209 mars/avril 2017 p. 17, Lorsque les jeunes s’engagent en faveur du développement communautaire

 

2017-12-01T20:50:44+01:00 17.09.17|ARMÉNIE & ARTSAKH, SUISSE-ARMÉNIE|

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