Le 6ème Forum « Arménie-Diaspora » intitulé « Confiance réciproque, unité et responsabilité » s’est tenu au complexe Karen Demirchyan à Erevan du 18 au 20 septembre 2017 en présence des présidents d’Arménie et d’Artsakh, Serge Sargsyan et Bako Sahakian, des Catholicos Garegin II et Aram 1er, de nombreux ministres et hauts-fonctionnaires de l’État arménien, d’un nombre important de célébrités ainsi que de plus de 1800 délégués et participants de la diaspora venus de 71 pays différents.
La veille de l’ouverture du Forum, la ministre de la Diaspora Hranush Hakobyan avait donné une grande réception, animée par des chanteurs et des groupes de danse, au complexe luxueux Paravon, à Abovyan. Le clou de cette soirée fut la présence du député au Parlement turc Garo Paylan, qui a eu droit à une standing-ovation du public avant d’être entouré par de nombreuses personnes qui voulaient le féliciter et prendre des selfies avec lui.
Outre les discours officiels, le Forum comportait des panels thématiques sur le développement économique de la mère-patrie, l’agenda de la politique étrangère, de sécurité et de défense de l’Arménie, et la préservation de l’identité arménienne dans la diaspora. Parmi les autres sujets traités, citons la célébration en mai 2018 du 100ème anniversaire de la première République d’Arménie et des batailles de Sardarapat et de Bash Aparan de mai 1918, les investissements de la diaspora dans l’économie arménienne, le développement du tourisme et la création d’un Conseil mondial pan-arménien.
Dans son discours, le président Serge Sargsyan a évoqué entre autres, les problèmes démographiques auxquels fait face l’Arménie et a indiqué que dans les années à venir le gouvernement déploierait tous ses efforts pour accélérer la croissance naturelle de la population dans le pays.« Notre objectif est de faire en sorte que l’Arménie ait au moins 4 millions d’habitants d’ici 2040 » a t-il ajouté. Cet objectif ne pouvant être atteint par la seule hausse du taux de natalité et l’accroissement de l’espérance de vie, le président a invité les organisations de la diaspora à œuvrer en faveur du rapatriement des Arméniens vivant à l’étranger et à diriger vers l’Arménie leur potentiel d’investissement, en contribuant ainsi au développement économique de la patrie.
Dans son intervention vibrante, le Catholicos Aram 1er a aussi abordé la problématique de l’émigration sans mâcher ses mots: « L’Arménie se vide, et la diaspora s’épuise ». « Si le développement de l’économie arménienne est trop lent et si le niveau de vie n’est pas satisfaisant, l’émigration continuera au même rythme, et la pauvreté deviendra source de diverses catastrophes sociales et morales » a-t-il prévenu.
Il convient de noter que selon les chiffres officiels, le nombre d’habitants de l’Arménie est tombé en dessous de 3 millions depuis le 1er Janvier 2016 et la saignée démographique continue avec une baisse de 6200 personnes pour le premier semestre de 2017.
Ce Forum a permis aux participants de la diaspora venus du monde entier de se réunir à Erevan et de vivre des jours intenses pleins d’arménité tout en renouant avec des anciennes connaissances ou en tissant de nouvelles amitiés.
L’évènement a toutefois suscité des réactions mitigées notamment dans les milieux qui ne se contentent pas seulement d’écouter des discours et chants patriotiques, des appels incessants à investir dans la mère-patrie, des réflexions sur le dépeuplement du pays, les menaces azéries ou les problèmes d’assimilation dans la diaspora et se posent des questions sur les résultats tangibles des 5 Forums précédents (1999, 2002, 2006, 2011, 2014).
D’autre part, le choix de l’intitulé du Forum, « Confiance mutuelle, unité et responsabilité »,sous-entend que malgré les nombreuses rencontres pan-arméniennes organisées dans divers domaines au cours des dernières 25 années, la confiance fait encore défaut dans les relations entre l’Arménie et la diaspora. En effet, la confiance ne se décrète pas. Elle se construit sur la justice, l’état de droit et l’égalité de traitement pour tous, et se gagne par des actes réels. Certains participants de la diaspora, interviewés par la presse locale, ont été très clairs à cet égard. Au delà de belles promesses, les investisseurs potentiels ont besoin de garanties qu’ils pourront compter sur le système judiciaire pour défendre leurs intérêts et qu’ils seront traités sur un pied d’égalité avec les autres acteurs sur le marché arménien. D’ailleurs, sur le plan intérieur, les monopoles économiques, la corruption et la défaillance de la justice ne sont-ils pas aussi à l’origine de l’émigration massive qui menace la sécurité de l’État arménien? Pourquoi les causes de ce phénomène et les moyens mis ou à mettre en œuvre pour les combattre n’ont-ils pas été portés à l’ordre du jour du Forum pan-arménien? La sécurité de la mère-patrie n’est-elle pas la priorité numéro un de tous les Arméniens tant en Arménie que dans la diaspora?
D’autres critiques ont été émises au sujet de la représentativité du Forum. Les dirigeants du bloc d’opposition Yelk ont déclaré ne pas avoir été invités au même titre que les députés et dirigeants du Parti Républicain et les représentants des organisations de la diaspora mais en tant qu’observateurs et seulement à la toute dernière minute. Le caractère représentatif des participants de la diaspora a également été remis en question notamment dans le cadre du futur conseil pan-arménien dont la création est prévue en 2018: Les représentants des orga-nisations de la diaspora sont-ils habilités à représenter valablement leurs communautés respectives et prendre des décisions en leurs noms en sachant que la grande majorité des Arméniens de la diaspora restent à l’écart de la vie communautaire?
Après la tenue de six Forums Arménie-Diaspora sur une période de 19 ans, il est grand temps de traduire les belles paroles en actes concrets pour forger enfin des relations de confiance entre l’Arménie et la diaspora.
Maral Simsar
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