par Maral SIMSAR
Les Arméniens ont voté le 20 juin dernier lors des législatives anticipées convoquées par le Premier ministre sortant Nikol Pashinyan dans l’espoir de résoudre la crise politique déclenchée par la défaite militaire humiliante face à l’Azerbaïdjan en automne 2020. Les électeurs étaient appelés à choisir entre 25 formations politiques dont 21 partis et 4 alliances et c’est le parti « Contrat civil » du Premier ministre qui a largement remporté le scrutin (53.91%), le taux de participation étant de 49,4%. Les deux autres formations qui seront représentées dans le nouveau parlement sont les alliances « Hayastan » de Robert Kocharyan (21.09% des votes) et « Pativ ounim » de Artur Vanetsyan – Serge Sargsyan (5.22% des votes).
Depuis la signature du cessez-le-feu qui a mis fin à la guerre de 44 jours, l’Arménie a connu une période particulièrement tumultueuse marquée par des manifestations de rue, des appels à la violence, des accusations mutuelles et surtout l’absence d’une réflexion sérieuse sur la situation critique dans laquelle se trouvent l’Arménie et l’Artsakh. Au lieu de consolider les forces de la nation pour essayer de sortir le pays du gouffre, les différents acteurs politiques étaient occupés à mener une guerre politico-médiatique les uns contre les autres sans se gêner d’instrumentaliser les conséquences désastreuses de la guerre, la question des prisonniers de guerre ainsi que l’avancée des troupes de l’armée azerbaïdjanaise à l’intérieur des frontières de l’Arménie dans les régions de Siounik et de Gegharkunik depuis le 12 mai 2021.
La campagne électorale menée par une ribambelle de partis et groupements se disputant les sièges du parlement n’a guère été meilleure. Elle s’est caractérisée par des accusations mutuelles, des échanges d’insultes et de menaces, des attaques contre la vie privée, le tout amplifié par les médias à sensation, ne laissant pas de place à un débat de fond sur les positions de chacun par rapport aux multiples défis auxquels fait face le pays.
Malgré le climat honteux de haine et d’intolérance créé par les milieux politiques, les citoyens arméniens ont fait preuve de retenue et se sont abstenus d’actions susceptibles de provoquer des émeutes, voire une guerre civile. Cette attitude responsable de la part d’une population traumatisée, qui n’a pas encore pansé ses blessures, mérite notre admiration et notre plus grand respect.
Maintenant que les électeurs ont tranché, il appartient aux partis et alliances politiques représentés dans le nouveau parlement de mettre de côté leurs différends et de travailler ensemble dans le meilleur intérêt de l’Arménie et de l’Artsakh. Rappelons que ces trois formations ont été au pouvoir pendant plus de 20 ans et portent d’une manière ou d’une autre la responsabilité de la catastrophe qui nous a frappée. Le travail qui attend le nouveau gouvernement s’annonce ardu avec un agenda comprenant le retour des prisonniers de guerre, le renforcement des régions frontalières de l’Arménie, le retrait des forces azerbaïdjanaises infiltrées à l’intérieur du territoire arménien, la reconstruction et le développement de l’Artsakh, la réinsertion des réfugiés ainsi que les enjeux des territoires perdus et le statut de l’Artsakh.
D’autre part, on observe la mise en place d’un nouvel ordre régional dans lequel les intérêts des grandes puissances se croisent, souvent au détriment des intérêts arméniens. Le processus s’accélère et nous n’avons pas de temps à perdre. Il est nécessaire de mettre fin aux disputes internes et de se rallier derrière le gouvernement arménien, indépendamment de nos préférences politiques, afin de l’aider à faire face aux pressions des acteurs principaux de la région visant à obtenir des concessions qui mettraient en péril la souveraineté de l’Arménie.
L’avenir de l’État arménien dépendra de notre capacité à réunir toutes nos forces pour mettre de l’ordre dans nos affaires et défendre nos intérêts nationaux.