UNE REINE ARMENIENNE AU GRAND CŒUR…

Aujourd’hui, je prends ma plume la plus respectueuse possible, afin d’évoquer la vie d’une grande Dame, que tout le monde, je crois, avait dans le cœur. Votre serviteur s’efforcera d’expliquer ce que représentait Violette à ses yeux en se faisant peut-être, et même très certainement, le porte-parole de toutes les personnalités attachantes qui ont croisé sa route durant sa longue vie… trop courte à mon avis.

Commençons, si vous le voulez bien par le courage de cette adolescente débarquant à Genève de son Iran natal, où elle nait le 26 mai 1936 à Téhéran. Oui, courage de quitter sa famille pour venir étudier ce qu’elle aimait le plus au monde: la musique et plus particulièrement le piano! Elle aurait donné son sang pour avoir le privilège de jouer le Roi des instruments.

C’est à Genève en 1951, à 15 ans, qu’elle entre au Conservatoire Supérieur de Musique dans la classe de Maître Hiltbrandt. Comme elle aimait à le dire, cet homme exceptionnel a été pour elle plus qu’un simple professeur de piano. Il l’ouvre à la Musique en général, à la littérature, à l’architecture et à l’admiration des beautés de la Nature. Il l’envoie aux concerts et le Victoria Hall devient vite alors sa seconde maison. Elle entend Clara Haskil qui deviendra pour elle sa Muse et l’expression du chant d’amour dont elle rêvait et auquel elle aspirait.

Hiltbrand lui lègue deux trésors: l’Art de la respiration et le sens de la pédagogie. Alliés à ses origines orientales, c’est avec ce doux mélange de passions, d’amour, de méditation, de spiritualité, de délicatesse et surtout du plus étincelant des talents, que «notre» Violette allait progresser au point d’être remarquée au Concours international de Genève. Sa vie est désormais toute tracée: elle sera concertiste ! Elle a en effet tout pour elle: la beauté, l’intelligence et la faculté à se donner au public avec générosité et simplicité. Pour elle jouer est une nécessité et l’expression de sa propre joie!

Une joie qui sera hélas de courte durée, car interrompue par un malheureux accident de voiture. Un accident qui remet tout en cause! Néanmoins, son mal physique n’empêchera pas la flamme de la volonté à aller de l’avant!

Elle se marie avec Jacques Breguet, ils ont le bonheur de voir naître deux filles. Ah! Ses 2 Filles. Ses deux Cadeaux, ses deux Amours, son chef d’œuvre !

Pour compenser la légitime frustration de ne pouvoir continuer une carrière internationale promise, elle se consacre à sa seconde passion: l’enseignement. Elle étudie la pédagogie de Piaget, associée au bagage extraordinaire que lui a transmis Hiltbrand. Depuis ce moment, une kyrielle de générations de pianistes va la suivre dans son leitmotiv, la colonne vertébrale de sa pédagogie: la respiration. Une respiration phy-sique et musicale servant à merveille l’Art du touché, du phrasé et de l’articulation, en un mot le respect absolu de l’instrument et des compositeurs.

Ses filles sont grandes maintenant, elles sont en âge de se marier. Elle donnera son avis tranché sur ses gendres respectifs. Un avis qui ne souffre d’ailleurs aucune contestation… comme d’habitude : «Ils sont beaux, magnifiques, généreux et ils aiment mes filles. D’ailleurs, comment ne pas aimer mes filles?». Sa fierté et sa prose s’enflammeront encore lorsqu’elle deviendra grand-mère: «Mes petits chéris, ils sont extraordinaires, ce sont mes étoiles. Ils sont tellement expressifs, beaux et doués; mais après tout, c’est normal, avec des mamans et des papas aussi intelligents et charismatiques!»

D’où te vient, chère Violette, ce sens de la vérité en toutes choses, ce sens de l’absolu, celui de la famille et du partage? Mais oui, bien sûr, de tes origines! l’ARMÉNIE. Tu consacreras toute ta vie à aider, à donner de ton temps et de ton énergie pour la cause. Tu as toujours eu depuis ton enfance, une force de caractère qui te permettait de parler à n’importe qui, grand, petit, modeste, célèbre, de la même manière et avec une clairvoyance et une autorité naturelle qui forçait le respect de tous.

Ton engagement pour KASA te permettra d’accomplir ce que tu désirais depuis tant d’années: aller en ARMÉNIE et aider des familles vivant dans des situations plus que précaires.

Un jour, Chère Violette, tu t’es mise au piano et tu as joué pour moi seul une Sonate de Scarlatti. Tu as fait chanter l’instrument, comme Clara Haskil l’aurait fait. Mieux même, si je peux me permettre! Car chez toi, il y avait quelque chose de plus. Quelque chose d’ineffable, d’impalpable. Ce quelque chose qui était toi. Toi l’Arménienne, toi la Cheffe du Clan, toi l’Amie, toi la Guide, toi la Femme de Cœur et d’Honneur, toi la merveilleuse pédagogue, toi l’éternelle petite fille aux yeux d’ange malicieux et affichant un divin et irradiant sourire… Tes yeux et ton sourire, chère Violette, nous ne les oublierons pas! Notre arménité est en deuil aujourd’hui… L’Arménie vient de perdre une main généreuse et talentueuse dont le cœur était aussi grand que l’Ararat.

Alors, pour tout ce que tu as donné, Chère Violette, nous t’adressons un immense merci et te témoignons une infinie et éternelle reconnaissance. Une Reine et un cœur d’or viennent de s’éteindre mais une grande et belle âme s’est désormais envolée au … Paradis.

Un Hommage dédié aux Princesses arméniennes de mon cœur, Anouche et Arminé…

Luc BAGHDASSARIAN

2 juin 2021

 

2021-07-04T17:27:29+02:00 05.07.21|COMMUNAUTÉ, GÉNÉRAL|