ANNIVERSAIRES QUI NOUS INTERPELLENT

Alors que les regards du monde entier sont tournés vers l’Ukraine où se joue l’avenir de l’ordre mondial et le destin des peuples de toute la région, la prudence semble de mise en Arménie, partenaire stratégique de la Russie. Contrairement au président de la République d’Artsakh Arayik Harutyunyan, qui a salué la reconnaissance par la Russie de Donetsk et de Lougansk en tant que républiques indépendantes, les dirigeants d’Arménie sont restés circonspects jusqu’à présent. En effet, le bras de fer entre l’Occident et la Russie, fortement exacerbé après l’invasion de l’Ukraine par cette dernière, pourrait avoir des conséquences désastreuses en particulier pour l’Arménie, très fragilisée après la guerre de 44 jours.

C’est sur fond de cette crise mondiale que les Arméniens ont commémoré le 2 mars 2022 le 30ème anniversaire de l’adhésion de la République d’Arménie à l’Organisation des Nations Unies. Un anniversaire qui revêt une importance particulière dans le contexte actuel où la souveraineté et la sécurité de l’Arménie sont mises à rude épreuve. Peu de temps avant, le 28 janvier 2022, l’Arménie avait commémoré le 30ème anniversaire de la création officielle des forces armées nationales. Compte tenu des lourdes pertes subies par l’armée arménienne pendant la guerre de 2020 – 3809 morts et 191 disparus selon les derniers chiffres officiels – les dirigeants politiques et militaires ont commémoré cet anniversaire sans évènements festifs.

Le calendrier du mois de février nous rappelle deux autres anniversaires que nous avons marqués avec beaucoup d’amertume. Le premier est la Journée de la renaissance d’Artsakh, qui fait référence au vote historique du 20 février 1988 par le soviet du Haut-Karabagh en faveur de son rattachement à l’Arménie. Aujourd’hui, la sécurité précaire de ce qui reste de l’Artsakh dépend entièrement des forces de paix russes déployées le long de la ligne de contact et sur la route Goris-Latchin, seule voie reliant les deux républiques. L’autre anniversaire est celui des pogroms contre la population arménienne de la ville de Sumgaït du 27 au 29 février 1988, qui se sont poursuivis plus tard à Bakou, à Kirovabad et dans d’autres villes d’Azerbaïdjan, entraînant le meurtre de centaines d’Arméniens et le déplacement forcé de milliers d’autres. Plus de 30 ans après, dans la continuité de cette politique, les forces armées azerbaïdjanaises ont procédé à un nettoyage ethnique complet de toutes les localités arméniennes passées sous leur contrôle suite à la guerre de 44 jours.

Notre vécu de ces évènements marquants de notre histoire contemporaine, au vu de la gravité de la crise mondiale autour de l’Ukraine, appelle une appréciation globale sérieuse de la situation géopolitique dans laquelle se trouvent l’Arménie et l’Artsakh et des risques qu’ils encourent. L’heure est au pragmatisme et à la vigilance, en faisant abstraction des conflits internes qui ont envenimé la scène politique d’après-guerre. Ce n’est pas un secret que la reconstruction et la réforme de l’armée sont une priorité pour l’État arménien après la défaite de 2020. Les menaces persistantes que l’Azerbaïdjan profère à l’endroit du peuple arménien et les discussions que l’Arménie vient d’entamer avec la Turquie en vue d’une normalisation des relations diplomatiques entre les deux pays, nécessitent une plus grande solidarité et une mobilisation intense des ressources panarméniennes.

M. S.

2022-03-08T18:15:52+01:00 08.03.22|ARMÉNIE & ARTSAKH, ÉDITORIAL|