Nous sommes souvent consternés par l’insuffisance, voire l’absence de couverture médiatique de l’actualité arménienne dans la presse et les médias audio-visuels grand public suisses. La situation alarmante des Arméniens et le risque d’épuration ethnique qui pèse sur l’Artsakh ne bénéficient pas de l’attention qu’ils méritent. D’autre part, l’Azerbaïdjan mène une offensive totale contre le peuple arménien sur tous les fronts, y compris médiatique, en y consacrant des moyens considérables. Ce constat suscite une profonde déception ainsi que des sentiments d’incompréhension, et d’impuissance chez les Arméniens. Alors que pouvons nous faire?
Artzakank a demandé conseil à un ami des Arméniens, actif dans le domaine des médias, que nous remercions vivement. Voici ces réponses:
Pourquoi les médias grand public suisses et les médias internationaux de manière générale ne s’intéressent pas à ce qui se passe dans le Caucase du Sud?
Avant toute chose, je pense qu’il faut se départir de l’idée qu’il existerait un «complot anti-arménien» chez les médias. La réalité, c’est que la place (journaux) ou le temps (radio, télévision) sont limités, ce qui implique des choix.
Afin de sélectionner les sujets retenus pour publication ou diffusion, il y a plusieurs critères (liste non exhaustive). Les médias s’appuient en grande partie sur le travail des agences de presse qui fournissent un fil de dépêches en continu. Elles-mêmes dépendent de leur réseau de correspondants et doivent également faire des choix. Et là, c’est une règle générale – applicable également aux médias – qui prédomine: l’ampleur et la proximité d’un événement déterminent s’il fera l’objet d’un article / d’un reportage ou non. La guerre en Ukraine en est un parfait exemple. On parle en revanche beaucoup moins des violences qui agitent l’est du Congo.
Mais il y a une autre réalité qui limite la possibilité de parler de l’Arménie dans les médias. Ces derniers sont sous pression financière depuis des années et les effectifs fondent. Les équipes, souvent très réduites, ne sont pas toujours en mesure de prendre le temps nécessaire pour évoquer des sujets qui demandent beaucoup de préparation. En outre, la rubrique internationale n’est pas toujours prioritaire au sein des médias qui privilégient l’actualité régionale et suisse.
Enfin, les Arméniens manquent souvent d’outils pour bien communiquer.
Justement, que peuvent faire les membres de la communauté arménienne pour attirer l’attention des médias?
Ne pas se décourager! Cela prend du temps d’attirer l’attention des médias sur les problématiques liées à l’Arménie et aux Arméniens. Il ne faut pas hésiter à prendre contact avec les rédactions, en expliquant pourquoi ces sujets sont importants. Et lorsqu’un article est publié ou un reportage diffusé, ne pas hésiter à remercier les médias concernés.
Prenons le cas de l’Artsakh: ce conflit ne concerne pas seulement Arméniens et Azerbaïdjanais, mais a des dimensions géopolitiques qui vont largement au-delà du Caucase. Pensons notamment à l’antagonisme Occident-Russie ou à la position de l’Iran. Ce sont des aspects qui méritent d’être abordés dans les médias en Suisse.
Autre conseil: lorsque c’est possible, souligner le lien avec la Suisse. Il y a des hommes et femmes politiques impliqués dans la cause arménienne, tout comme des organisations (Société pour les peuples menacés, entre autres). Il est important de le mentionner. Sans oublier la pétition adressée au groupe Migros pour qu’il cesse toute collaboration avec Socar.
Comment réagir à des publications anti-arméniennes ou contenant des erreurs?
Du point de vue du contenu, il faut argumenter de manière factuelle, en évitant tout discours de victimisation. Il est indispensable de ne pas se perdre dans les détails, d’aller à l’essentiel dès le début du texte. Ne pas hésiter à faire référence à des organisations internationales qui dénoncent des discriminations à l’égard des Arméniens (Amnesty International, Institut Lemkin, etc.). Certaines images peuvent être parlantes, comme celle d’une démocratie (l’Arménie) qui résiste courageusement face à des dictatures expansionnistes. La communication du gouvernement ukrainien peut être une bonne source d’inspiration.
Concernant le format, se renseigner au préalable auprès du média concerné sur la longueur maximale du texte. Cela tourne en général autour de 1400-1600 signes, espaces compris. Ce n’est pas beaucoup, d’où l’importance d’aller à l’essentiel.