COMMÉMORATION DU CENTENAIRE DU TRAITÉ DE LAUSANNE

« De 1923 à 2023 – Commémorations du centenaire du Traité de Paix signé entre les Puissances alliées et la Turquie à Lausanne le 24 juillet 1923 » est le titre d’une série de manifestations organisées par la Ville de Lausanne du 24 avril au 8 octobre 2023 (https://www.lausanne.ch/portrait/carte-identite/histoire/traite-lausanne.html).

Ce Traité signé au Palais de Rumine à Lausanne entre les représentants du Royaume-Uni, de l’Italie, du Japon, de la Grèce, de la Roumanie et du royaume des Serbes, Croates et Slovènes d’une part, et la Turquie, représentée par son Premier ministre Ismet Inönü, d’autre part, a redessiné les frontières de la Turquie après la chute de l’Empire ottoman, en annulant les dispositions du Traité de Sèvres (10 août 1920) qui instituait une Arménie indépendante et un Kurdistan autonome.

Ce centenaire nous rappelle la polémique autour de la table sur laquelle le Traité avait été signé. En effet, le 11 novembre 2008, lors de son voyage en Turquie, M. Pascal Couchepin, alors président de la Confédération, avait fait cadeau, à son homologue Abdullah Gül, de cette table, en suscitant la colère des Arméniens et des Kurdes entre autres. Il s’agissait de la première visite officielle en Turquie d’un président de la Confédération et les relations entre les deux pays se sont notablement resserrées depuis cette date. M. Couchepin expliquera plus tard que cette table avait une grande valeur historique pour la Turquie, mais pas pour la Suisse.

Le 19 décembre 2008, Ueli Leuenberger, conseiller national, co-président du Groupe parlementaire Suisse-Arménie à l’époque, a déposé au Conseil national une interpellation cosignée par 23 parlementaires et intitulée « Cadeau empoisonné à la Turquie ».

En soulignant le fait que « le Traité de Lausanne a signé la mort de la création du Kurdistan et entériné la fin d’une Arménie indépendante, alors même qu’un génocide avait décimé plus de la moitié de sa population. », les signataires demandaient au Conseil fédéral s’il était conscient du poids symbolique très lourd que pouvait représenter un tel cadeau pour les minorités qui ont été déchues de leurs droits et/ou massacrées.

Dans son avis du 13 mars 2009, le Conseil fédéral considérait que ce cadeau « était à la hauteur de l’évènement » et ajoutait: « C’est grâce au Traité de Lausanne que la Turquie moderne et laïque a pu affirmer son existence aux yeux du monde occidental. Plus tard elle a rejoint le Conseil de l’Europe, l’année même de sa création en 1949, et quelque temps après, en 1952, elle est devenue membre de l’OTAN. On sait qu’elle est actuellement en pourparlers avec l’Union européenne en vue d’y adhérer. Elle s’efforce en outre d’entretenir des relations exemptes de tensions avec tous ses voisins. La Suisse, qui avait par exemple fourni à la jeune république turque le modèle de son Code civil, ne désire pas cacher sa relation à l’histoire turque, mais bien plutôt rappeler les faits. C’est cette même Turquie laïque et démocratique qui a vu le jour sur cette table qui s’engage aujourd’hui, aidée par des Etats amis, sur la voie du dialogue au sujet de son propre passé et sur celle du respect des ressortissants d’autres nations et des droits des minorités. Mais en Turquie, cette table rappelle que le Traité qui a été conclu à Lausanne a, à l’instar d’autres conventions internationales, causé une grande souffrance à d’innombrables habitants de la Turquie d’alors. »

Beaucoup d’eau a coulé sous les ponts depuis lors notamment dans ce pays qualifié de « laïque et démocratique » mais le Conseil fédéral a-t-il changé sa politique de promotion du dialogue entre les agresseurs et les victimes, en encourageant implicitement les premiers à poursuivre leurs crimes en toute impunité?

M.S.

2023-05-15T17:38:04+02:00 12.03.23|ARMÉNIE & ARTSAKH, GÉNÉRAL, SUISSE-ARMÉNIE|