par Sarkis SHAHINIAN
Tous les quatre ans, le Groupe parlementaire d’amitié Suisse-Arménie et la Communauté arménienne de Genève invitent les candidats genevois à un débat politique, pour que le public ait la possibilité de discuter avec eux en vue des prochaines élections. Toutefois, cette année l’argument ne se limite pas à un simple débat politique avec les élus: cette fois-ci, il s’agit de la survie du peuple arménien et de ce que le Parlement Suisse peut faire concrètement pour empêcher cette catastrophe. Le spectre de 1915 se faufile à l’horizon.
Cet été les vacances des parlementaires ont été courtes et celles des membres du Groupe parlementaire d’amitié Suisse-Arménie encore plus. L’Azerbaïdjan, profitant de la pause estivale, a mis sur pied une tactique qui s’est avérée payante, pour conclure une fois pour toutes sa politique d’épuration ethnique au Haut-Karabagh. Les élus suisses ont été actifs pendant toute la législature et en particulier depuis le début de l’année en cours, sollicitant le Conseil fédéral sur ses activités au sein du Conseil de sécurité de l’ONU, ou la Suisse siège depuis le début de 2023, pour empêcher une catastrophe humanitaire, voire un nouveau génocide à l’encontre des Arméniens autochtones du Haut-Karabagh. Toutefois, le Conseil fédéral et le DFAE ne sont jamais allés au-delà des déclarations de circonstance, sans appeler un chat un chat, c.à.d. de nommer clairement l’Azerbaïdjan comme le seul et l’unique responsable du blocus et maintenant de la famine comme instrument génocidaire, et surtout sans mettre sur pied – ou au moins contribuer à le faire – aux niveaux européen et international, comme ils l’ont fait pour l’Ukraine, un système de sanctions. Une des options toujours valables est d’intervenir derrière les rideaux au sein du Conseil de Sécurité, justement pour ne pas permettre l’accomplissement d’un génocide et la coopération avec la Russie aurait été tellement important en ce moment de crise. Mais la carte de la neutralité a été déjouée avant même de pouvoir penser à l’utiliser. Seulement des sanctions concrètes, touchant directement le portefeuille de l’Azerbaïdjan, pouvaient en amoindrir les effets néfastes. L’action conjointe avec les politiciens et les ONG suisses MigroliNOTsocar avait montré que c’était possible. Mais là, c’est le gouvernement arménien qui porte une grande responsabilité pour n’avoir pas su suivre la voie, pourtant si bien tracée en la matière, pour en tirer les profits. L’autre possibilité est de motiver la direction du CICR, dont le siège est à Genève et avec qui le Conseil fédéral renoue des liens directs privilégiés et constants, pour organiser un pont aérien humanitaire Erevan-Stepanakert, comme demandé dans la lettre que la Commission des affaires extérieurs du Conseil des États avait demandé de faire au Conseil fédéral dans sa lettre du 9 janvier de cette année.
Tous les candidat.e.s, sans exception, ont été invité.e.s à participer à un débat qui se tiendra le mardi 3 octobre 2023 à la Grande salle du Centre arménien de Troinex, à 19h30. Six ont répondu de façon affirmative à notre invitation et nous ont envoyé leur prises de position écrites, pour publication.
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Carlo Sommaruga, Parti socialiste, Conseiller aux États sortant et coprésident du Groupe parlementaire d’amitié Suisse-Arménie
Dans l’indifférence occidentale, l’Azerbaïdjan non seulement occupe illégalement une partie du territoire de l’Arménie et son armée commet des crimes de guerre, mais il a en plus déclenché un processus de génocide à l’encontre des Arméniens de l‘Artsakh. Avec les autres co-présidents du Groupe parlementaire Suisse – Arménie, nous avons certes déjà interpellé le Conseil fédéral et organisé plusieurs débats au parlement. Mais vu l’urgence actuelle, je demande au Conseil fédéral de condamner rapidement les graves violations du droit international commises par l’Azerbaïdjan et j’attends du Conseil des États qu’il se positionne fermement en défense du peuple arménien.
Lisa Mazzone, Les Verts suisses, Conseillère aux États sortante, 2ème vice-présidente du Conseil des États et coprésidente du Groupe parlementaire d’amitié Suisse-Arménie
La Suisse doit s’engager avec beaucoup plus de détermination pour faire immédiatement cesser le blocus du Haut-Karabagh, qui mène vers une épuration ethnique. Cela devrait aussi passer par des sanctions économiques, alors que SOCAR continue de générer des milliards au profit du gouvernement azerbaïdjanais en Suisse.
Simone de Montmollin, Parti libéral radical, Conseillère nationale sortante
La situation humanitaire au Haut-Karabagh est préoccupante et le rétablissement du libre passage le long du corridor de Latchine est une priorité pour prévenir une crise humanitaire. La Suisse doit s’engager fermement en faveur de la paix entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan. Un dialogue constructif et la mise en œuvre des accords sur le terrain sont nécessaires, basés sur le respect de la souveraineté, de l’intégrité territoriale et des droits des minorités. Je souhaite que la Suisse s’engage, par son soutien diplomatique, à favoriser la désescalade, la normalisation des relations et un traité de paix menant à une résolution pacifique du conflit. Elle doit faire tout ce qui est en son pouvoir pour obtenir la levée du blocus du corridor de Latchine, qui viole le droit international.
Michel Matter, Les Verts libéraux, Conseiller national sortant et membre du Groupe parlementaire d’amitié Suisse-Arménie
Médecin, conseiller national, habitant à Genève, ville internationale de paix et des droits de l’Homme, j’ai pu me rendre en octobre 2022 sur la zone frontière entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, dans la zone de Djermuk, côté arménien. J’y ai vu un peuple debout, fier et prêt à défendre sa terre et sa population. La situation au Haut-Karabagh n’est pas acceptable, ni du point de vue des droits de l’Homme, ni de celui du droit à l’autodétermination. Un nouveau génocide se prépare. Un étranglement tant territorial qu’humain se déroule, sous nos yeux. Nous ne pouvons nous taire. L’Arménie est une nation de grande culture, aspirant à la paix. Le silence est assourdissant. La Suisse se doit d’agir de tout son poids politique et diplomatique.
Vincent Maître, Alliance du Centre, Conseiller national sortant et membre du Groupe parlementaire d’amitié Suisse-Arménie
Alors que les résidents du Haut-Karabagh sont privés de leurs biens essentiels et que la crise humanitaire ne cesse de s’accentuer, il est urgent de mettre fin au blocus dont l’Azerbaïdjan est le seul responsable, se rendant ainsi coupable de violations répétées du droit international humanitaire. Il est important que la Suisse se mobilise pour débloquer la situation et entreprenne au Conseil de Sécurité de l’ONU les démarches nécessaires pour que la sécurité des arméniens du Haut-Karabagh soit pleinement garantie.
Pablo Cruchon, Ensemble à Gauche, Député au Grand Conseil genevois
L’occupation du territoire souverain de l’Arménie depuis septembre 2022 par le régime dictatorial, nationaliste et belliciste de l’Azerbaïdjan en violation du droit international doit cesser immédiatement. La Suisse et l’Europe doivent tout faire pour mettre fin à cette occupation et au blocus du Haut-Karabagh, une région habitée par près de 120’000 personnes, en majorité arméniennes, qui manquent aujourd’hui de nourriture, de médicaments et de carburant. Cette situation est dramatique et un contrôle azéri du Haut-Karabagh impliquerait la destruction de ses institutions politiques, mais aussi le «nettoyage ethnique» des Arméniens de cette région. Face à cela, il faut que le DFAE prenne publiquement position et condamne ce blocus illégal et dangereux. Nous demandons aux autorités suisses d’intervenir au Conseil de sécurité pour exiger la levée du blocus. Enfin nous devons soutenir toute action de solidarité avec le peuple arménien. Votre combat est le nôtre.
N.B. Ces prises de position ont été reçues le 23 août 2023.