Anna BARSEGHIAN / Stefan KRISTENSEN
Après une École d’été organisée en juillet dernier à Erevan, un projet de Centre de recherche en arts et humanités environnementales est en gestation. Démarrage prévu en septembre 2025, si tout va comme prévu.
Face à l’urgence climatique et à toutes les autres crises environnementales, il est nécessaire de mieux comprendre notre lien avec l’environnement, particulièrement dans le contexte arménien. L’Arménie n’est pas seulement un ensemble d’écosystèmes fragiles; notre conviction est qu’il est nécessaire à l’avenir d’aménager un tel centre pour réfléchir et imaginer le futur de nos relations avec la terre, les lieux et l’héritage de nos écosystèmes. L’Arménie, et les Arméniens, ont une relation spéciale à leur terre, faite d’attachement et de douleurs, de familiarité, de fascination et de violence. Ce centre a le potentiel de devenir un lieu où se développe la pensée environnementale, où les démarches créatives explorent de nouveaux imaginaires du territoire, et où les réf-lexions sur les matières et les flux ouvrent des chemins inédits pour l’avenir du pays.
Le réseau académique ASOF (Armenian Society of Fellows) s’est créé pour contribuer à renforcer le secteur de la recherche et de l’enseignement supérieur en Arménie. Il regroupe plusieurs centaines d’universitaires arméniens du monde entier, organisés par groupes de travail dans différents domaines. L’un de ces groupes de travail a pour projet de créer un centre de recherches dans le domaine des arts et des humanités environnementales.
Notre groupe de travail s’est formé en 2023; il est composé de Marie-Aude Baronian (media studies), Anna Barseghian (pratiques artistiques et curatoriales), Talinn Grigor (histoire de l’art et de l’architecture), Philippe Huneman (philosophie), Stefan Kristensen (esthétique), Armen Marsoobian (philosophie) et Gayané Shagoyan (anthropologie). Notre projet commun se développe en trois pôles: recherche artistique, philosophie environnementale et culture visuelle. L’Université d’Architecture et de Construction d’Arménie s’est déclarée intéressée à accueillir le projet.
Du 18 au 20 juillet dernier, nous avons organisé une École d’été avec plusieurs invités extérieurs: Umut Yildirim (professeure d’anthropologie, Graduate Institute, Université de Genève) à propos de sa recherche sur les dimensions écologiques de la violence génocidaire à l’exemple du destin des jardins partagés de Diyabakir; Marwan Moujaes (maître de conférences en arts plastiques, Université de Strasbourg) sur la manière dont les paysages peuvent porter un deuil et dont l’art permet de percevoir la violence faite à la Terre ; et Patricia Pisters (professeure de media studies, Université d’Amsterdam) sur l’action des éléments fondamentaux dans la communication entre les vivants, en forme d’introduction aux Elemental media studies; et Philippe Huneman (directeur de recherches, CNRS, Paris) sur les enjeux de la philosophie de la vie à travers l’histoire. Environ 30 participants se sont inscrits et les discussions étaient vivantes. Le bilan est positif et confirme le potentiel d’une jeunesse en quête d’opportunités pour développer ses réflexions.
L’objectif à court terme est de créer la structure et de proposer des certificats d’études avancées dans cha-cune de ces trois directions: arts, sciences humaines et environnement. Ces diplômes seront délivrés en partenariat étroit avec l’Université d’Architecture d’Arménie ainsi qu’avec l’Académie des Beaux-Arts; les étudiants de ces institutions pourront également venir y suivre des cours et valider les crédits attachés.
L’approche interdisciplinaire permettra d’aborder les défis environnementaux spécifiques à l’Arménie de manière holistique. En combinant les perspectives artistiques, scientifiques et culturelles, nous visons à développer des solutions innovantes et adaptées au contexte local. Dans un second temps, nous envisa-geons de mettre en place un master ouvrant vers des études doctorales. Ce programme avancé permettra d’approfondir la recherche sur les relations com-plexes entre les Arméniens et leur environnement, en tenant compte de l’histoire, de la culture et des enjeux contemporains du pays. Il offrira également un espace pour explorer de nouvelles approches créatives et scientifiques pour aborder les questions environnementales urgentes.
À l’heure actuelle, nous sommes en passe de créer la structure et de constituer un réseau de collègues internationaux. Cette collaboration internationale enri-chira notre perspective et nous permettra de bénéficier des meilleures pratiques mondiales tout en les adaptant au contexte arménien. Notre objectif est de démarrer le programme des enseignements dès le mois de septembre 2025, offrant ainsi une plateforme unique pour former la prochaine génération de penseurs et d’acteurs environnementaux en Arménie.