par Maral SIMSAR
Ces dernières semaines, les images choquantes des prisonniers arméniens jugés à Bakou, diffusées par les médias azéris, ont provoqué la colère et l’indignation dans les milieux arméniens et arménophiles du monde entier. Les anciens dirigeants de la République d’Artsakh visés par un procès fictif, orchestré et mis en scène par le régime d’Aliev, y apparaissent très affaiblis et méconnaissables. En particulier, le visage de l’ex-ministre d’État d’Artsakh, le philanthrope Ruben Vardanian, en sa deuxième grève de la faim, porte visiblement des traces de torture et de maltraitance.
Dans un communiqué du 28 février dernier, le ministère des Affaire étrangères d’Arménie (MAE) a tiré la sonnette d’alarme en affirmant qu’il «continue d’attirer l’attention de la communauté internationale, en particulier des partenaires attachés à la paix régionale et aux valeurs humanitaires, sur la nécessité de libérer les prisonniers de guerre arméniens, les otages et autres détenus en Azerbaïdjan.» Exprimant sa profonde inquiétude quant aux informations révélées par les avocats des détenus, et à celles sur l’application des mesures interdites, le MAE souligne que «les autorités azerbaïdjanaises utilisent ces simulacres de procès comme un moyen de pression politique sur l’Arménie et comme un instrument de manipulation au sein de la société arménienne, compte tenu de la sensibilité de cette question pour chaque famille et pour l’ensemble de la population.»
S’agissant des mesures prises par le gouvernement arménien à cet effet, le secrétaire du Conseil de sécurité, Armen Grigorian a indiqué que «tous les outils disponibles avaient été mobilisés pour obtenir la libération des 23 prisonniers détenus à Bakou.» (…) «La question est très délicate, et un travail est mené en continu, heure par heure, pour que tous les prisonniers soient libérés et rentrent en Arménie.» a-t-il ajouté.
Depuis la fin de la guerre de 2020 et en particulier après le nettoyage ethnique de la population d’Artsakh, le sort des prisonniers arméniens détenus illégalement en Azerbaïdjan a fait l’objet de nombreuses actions sous forme de lettres de protestation, d’appels, de déclarations et de mani-festations de la part de plusieurs ONG, organismes internationaux et personnalités publiques.
Le 3 mars 2025, dans son rapport présenté lors de la 58e session du Conseil des droits de l’homme à Genève, le Haut-Commissaire de l’ONU aux droits de l’homme, Volker Türk, a souligné le problème de toutes les personnes arbitrairement détenues en Azerbaïdjan, y compris celles d’origine arménienne, précisant qu’elles doivent être libérées immédiatement et que leurs droits à un procès équitable doivent être entièrement préservés.
Inutile de dire que l’Azerbaïdjan réfute tous les reproches et fait la sourde oreille aux divers appels. Selon Bakou, le communiqué du ministère des Affaires étrangères de l’Arménie démontre «à quel point l’élite politique arménienne, qui a ouvertement soutenu l’attaque contre l’Azerbaïdjan, est frustrée par ce procès».(…) «La responsabilité de l’Arménie en tant qu’État agresseur et occupant, ainsi que ses autres actions illégales, sont des faits incontestables. Traduire les criminels en justice est une mesure juste et ne peut être qualifiée de manipulation politique» a déclaré le porte-parole du ministère des Affaires étrangères d’Azerbaïdjan.
Récemment, l’Azerbaïdjan a fermé les bureaux de plusieurs médias étrangers dont Reuters, BBC, VOA et Russia Today. Par ailleurs, après le PNUD et le HCR, le CICR a été, à son tour, ordonné de fermer sa représentation à Bakou. Rappelons que ce dernier assurait le seul lien entre les prisonniers et leurs familles, toute autre visite aux détenus étant interdite. L’Azerbaïdjan fait fi des règles du droit international et de toute action visant la libération des prisonniers arméniens. Compte tenu également du contexte de propagande d’État haineuse continue contre les Arméniens à tous les niveaux, rien ne laisse présager le retour imminent des Arméniens détenus illégalement par le régime d’Aliev.
Malheureusement, le sort des prisonniers arméniens, soumis à l’humiliation et à la torture sur les plans physique et psychique, n’a pas entraîné une consolidation nationale que l’on pouvait espérer. Le débat public a continué à être dominé par des accusations réciproques entre le parti au pouvoir et les «anciens» sur la défaite militaire de 2020 et le nettoyage ethnique en Artsakh, les différentes interprétations des plans de paix présentés par le Groupe de Minsk de l’OSCE durant les trois décennies passées et la politique envers la Russie. D’autre part, le discours idéologique du Premier ministre Nikol Pachniyan sur «l’Arménie réelle» avec ses formulations prêtant à la confusion et créant la polémique, contribuent davantage à détourner l’attention des questions essentielles qui devraient être traitées en priorité.
Aujourd’hui, des représentants de la République d’Artsakh sont jugés en Azerbaïdjan pour avoir défendu le droit des Arméniens de vivre dignement sur leurs terres ancestrales. Demain, chacun(e) de nous pourrait se retrouver à leur place. Pour Bakou, tous les Arméniens sont sur le banc des accusés et devraient être condamnés pour leur soutien à la défense des droits des Artsakhiotes …