MAYRIG – Une adresse arménienne incontournable à Genève

Lerna BAGDJIAN

Au lieu de Paris, Milan ou autre mégapole européenne, c’est Genève qu’Aline a choisie pour ouvrir le premier restaurant de l’institution Mayrig sur ce continent.

Il était tant attendu… Les portes ont enfin ouvert en janvier 2025. Niché en plein cœur du beau quartier des Acacias, le restaurant qui s’est approprié l’angle de la rue Caroline est aussi le premier restaurant arménien à Genève.

J’ai eu le plaisir de converser avec la fondatrice pour en savoir plus sur cette enseigne. Plus qu’un restaurant, Mayrig est un projet aux multiples facettes.

Mayrig est une enseigne de restaurants qui propose des spécialités arméniennes, principalement axées sur la cuisine traditionnelle. Le concept met en avant des plats faits maison et des recettes authentiques, souvent transmises de génération en génération. Ce projet est porté par Aline Kamakian, une entrepreneuse libano-arménienne reconnue pour sa passion pour la gastronomie et son engagement sans limite envers la préservation de la culture arménienne à travers l’art culinaire. Courtière en assurance, elle se lance ensuite à la restauration, et en fait une affaire de famille: Mayrig est né pour réaliser le rêve de son père, parti trop tôt, et grâce au savoir-faire de sa mère, et est également un hommage à sa grand-mère, cuisinière hors pair.

Après avoir fondé le restaurant Mayrig à Beyrouth en 2003, elle a étendu son concept à plusieurs pays, dont les Émirats arabes unis, l’Égypte, l’Arabie saoudite, les Maldives et l’Arménie. Le Mayrig Bistrot à Genève marque ainsi la première implantation de la chaîne en Europe.

Ce projet dans la ville de Calvin, voilà déjà plusieurs années qu’Aline Kamakian s’y est attelée. Elle a d’ailleurs dû l’interrompre à cause du Covid. Elle ne m’a pas caché ses joies et ses défis pour la mise en place du restaurant: trouver le bon emplacement, la bonne équipe, et bien sûr… les bons ingrédients.

Un dîner spécialement organisé par l’UGAB Suisse nous a permis de nous y retrouver tout récemment et de goûter les spécialités de la maison. Depuis dehors, un coin aux lèvres se dessine lorsque l’on voit l’encart “Mayrig” qui signifie Maman en arménien. D’abord, pour le plaisir de voir un mot de notre langue brandie à Genève, puis, parce qu’au fond l’on sait très bien que chacun ne pourra éviter de comparer la cuisine avec celle de sa maman.

En entrant, j’ai eu beaucoup de plaisir à être accueillie par des jeunes étudiants de la communauté arménienne. La fondatrice précise que ceci fait partie de l’ADN Mayrig: pouvoir soutenir la communauté, mais aussi ouvrir le champ en impliquant des personnes qui ne sont pas forcément d’origine arménienne. L’équipe multiculturelle fait la force de son service.

Le restaurant à la décoration soignée a entièrement été refait sous le contrôle d’Aline Kamakian et son équipe. Le vert du bar rappelle les oliviers, et les vins joliment exposés donnent envie de tous les goûter (surtout ceux qui viennent des vallées du Vayots Dzor, évidemment)

Nous avons trinqué un verre de Zulal à la main, puis l’inévitable se produisit: “ah mais ma grand-mère faisait le vospov keufte un peu plus rouge”, “c’est pas mal le chicken kebab assaisonné comme ça il y a une épice que je ne connais pas”, “toi tu dis Sarma ou Dolma?”, “tu penses qu’il y a de l’ail dans le yaourt du Manti?”, “Okh super ça faisait longtemps que je n’en avais pas mangé”. Tous plongés dans nos souvenirs de repas familiaux, nous sommes sortis rassasiés de table. Une cuisine raffinée de l’entrée au dessert qui m’a rappelé la complexité des plats traditionnels. Le goût et l’ambiance étaient au rendez-vous!

Une bonne cuisine, c’est celle qui fait parler et réfléchir. Franc succès pour la soirée chez Mayrig.

La philosophie Mayrig, c’est trouver le bon équilibre entre ce qui est “Made in Switzerland” et ce qui est importé d’ailleurs. Les épices spécifiques sont importées du Liban, mais le savoir-faire est transmis au maximum à son équipe genevoise.

“Depuis plus de huit mois, on entraîne le fromager à faire le labneh, et le boucher à préparer le soudjouk et le basterma”.

Mais, pourquoi Genève?  “1, Genève, j’adore. 2, j’ai beaucoup d’amis ici. 3, le Liban est considéré au Moyen-Orient comme la Suisse de l’Europe, commencer par la Genève Internationale était très important pour moi.”

La marque de fabrique de Mayrig, c’est aussi savoir s’adapter à son contexte: même identité et même qualité pour chacun de ses restaurants, mais la carte et la présentation des assiettes s’articulent selon les produits et les coutumes de chaque localité.

“Au Liban, on mange déjà beaucoup de riz à la maison, donc la carte de Beirut propose plutôt des pommes de terre comme accompagnement. À Ere-van, le porc sera en abondance sur la carte, et aux Émirats, au contraire, il a fallu s’adapter autrement.

”Du contenu de l’assiette à son contenant, tout est contrôlé par la cheffe aux multiples talents: les connaisseurs auront remarqué les belles assiettes “made in Mayrig” où est peinte la silhouette de l’Ararat vue depuis l’Arménie occidentale, actuellement en Turquie, avec la subtile indication “From Armenia with love”.

Un détail qui nous rappelle le combat d’une vie menée par l’insatiable entrepreneuse: faire connaître les Arméniens comme un peuple qui se relèvera toujours, et faire vivre l’héritage arménien au travers de son art culinaire immuable.

Aline Kamakian a d’ailleurs fait un tour culinaire en Cilicie dont sa famille est originaire pour préparer son livre de recettes arméniennes. “Armenian Cuisine Cook Book” recense plus de 130 recettes authentiques.

Tandis que le restaurant fait fureur à Genève, Aline Kamakian peaufine les services de l’enseigne: bientôt y seront disponibles les produits arméniens Kamakian, une fois que les papiers seront faits. Cette gamme propose des produits arméniens de haute qualité faits maison par des mères arméniennes et libanaises. Kamakian engage avec ses produits plus de 400 agriculteurs partout au Liban.

L’incontournable de l’enseigne, c’est le Manti. Ces “raviolis arméniens” se préparent avec du temps, beaucoup d’amour, et collectivement. C’est souvent une bonne occasion de se retrouver, et Aline Kamakian se souvient de ces moments où elle préparait le Manti avec ses proches à Beyrouth.

L’histoire de Mayrig a pourtant commencé avec un autre plat et un caprice: le fameux sou-beurek, et le souhait d’avoir un deux roues.

“Lorsque j’avais treize ans, un soir je suis rentrée à la maison et ma maman préparait le sou-beurek, j’ai commencé à l’aider. En rentrant, mon père a demandé qui l’avait préparé, et la fierté que j’ai vue dans ses yeux lorsque ma mère a dit que c’était moi m’a poussée à en profiter et à lui demander si je pouvais avoir une motocyclette. Il m’a d’abord dit non, puis a cédé, j’ai donc vite compris qu’en cuisinant je pourrai arriver à tout ce que je voudrais”.

Ce plat n’est pas encore sur la carte suisse, mais ce n’est qu’une question de temps. C’est un processus long et fastidieux qui doit être inculqué à son équipe progressivement.

Mayrig a fait son entrée en Europe par Genève, et on lui souhaite de poursuivre son expansion sur le reste du continent et de continuer de faire découvrir les traditions culinaires arméniennes au grand public.

Aline Kamakian a réussi à faire de Mayrig bien plus qu’une simple chaîne de restaurants, mais plutôt un véritable ambassadeur de la cuisine arménienne dans le monde, en apportant une touche personnelle et un engagement pour préserver et transmettre la culture culinaire de l’Arménie.

 

2025-03-19T23:04:47+01:00 19.03.25|GÉNÉRAL|