Astrig MARANDJIAN
Dans les régions rurales d’Arménie, le tourisme rural se révèle aujourd’hui comme un puissant moteur de reconstruction économique et sociale, en particulier pour les jeunes, les femmes et les réfugiés du Haut-Karabagh. Porté par l’association suisse Miassine grâce à un financement de la Ville de Genève, ce projet novateur a débuté en mars 2024 dans les régions de Shirak et Kotayk, avec l’ambition de relier développement local et inclusion humaine.
Conçu dans un contexte de déplacements massifs de nos compatriotes d’Artsakh et de précarité économique accrue dans les zones rurales, le projet visait à créer des opportunités économiques durables pour les familles réfugiées, les femmes sans emploi et les jeunes vétérans de la guerre de 2020, souvent confrontés à l’exode rural. En valorisant les ressources naturelles, le patrimoine culturel et la solidarité communautaire, Miassine a prouvé que le tourisme rural pouvait devenir une voie de résilience et de dignité.
Redonner confiance et perspectives aux communautés locales
Dès le lancement du programme, des rencontres communautaires ont été organisées dans dix villages, notamment autour du lac Arpi, au cœur d’un parc naturel préservé. Ces réunions ont permis de faire émerger des idées d’activités touristiques, de repérer des porteurs de projets parmi les jeunes, les femmes et les réfugiés récemment installés, et de les accompagner dans la réalisation de leur business plan.
Kristiné Pokatsian, responsable du programme dans la région de Shirak, témoigne: «Beaucoup de femmes réfugiées avaient perdu leurs repères, leurs maisons, parfois leurs proches. Ce projet leur a redonné confiance. Idem pour les jeunes participants de la guerre: ils voient qu’ils peuvent être des acteurs de la reconstruction de leur environnement.»
Les participants ont bénéficié d’un accompagnement personnalisé pour identifier les ressources locales – paysages, artisanat, traditions – et les transformer en atouts touristiques. Plus de 150 habitants ont participé à une cartographie participative des potentiels du tourisme rural et à des sessions de formation et de coaching.
Femmes et jeunes au cœur du développement des chambres d’hôtes
L’une des actions phares du projet a été la création et le renforcement de chambres d’hôtes rurales, gérées majoritairement par des femmes et des jeunes réfugiés ou vétérans. Ces hébergements, conçus pour refléter l’authenticité du patrimoine local, offrent aujourd’hui une hospitalité chaleureuse et une nouvelle source de revenus aux familles.
Mariam, jeune réfugiée du Karabagh installée à Gyumri, raconte: «Quand je suis arrivée ici, je n’avais plus rien. Grâce à Miassine, j’ai pu m’intégrer et continuer mon activité en pâtisserie. Aujourd’hui, j’ai des clients fidèles, aussi bien locaux qu’étrangers.»
Cinq nouveaux Bed and Breakfast ont vu le jour dans les régions de Shirak et Kotayk. Ces micro-entreprises, désormais intégrées dans les circuits touristiques régionaux, démontrent qu’une économie de proximité et solidaire peut émerger de la coopération entre communautés hôtes et réfugiées.
Inclusion économique par l’artisanat et la production locale
Le projet a également soutenu le développement de l’artisanat et des productions locales, domaines dans lesquels les femmes jouent un rôle central. Des ateliers ont permis à de jeunes artisans réfugiés et à des familles rurales d’acquérir des compétences en marketing, design et gestion.
Merouj, 23 ans, mutilé de guerre, confie: «Mon père a toujours fabriqué du miel, mais ne savait pas comment le vendre. Avec le soutien de Miassine, j’ai présenté nos produits aux festivals locaux et j’ai pu créer une marque.
En reliant artisans, producteurs et gîtes ruraux, le programme a favorisé la création de circuits courts et d’une chaîne de valeur locale autour du tourisme rural. Cette dynamique renforce à la fois l’économie villageoise et la cohésion entre réfugiés et communautés hôtes.
Valoriser la jeunesse par la nature et la culture
Pour encourager l’engagement des jeunes, Miassine a également soutenu la création d’activités touristiques et sportives: randonnées, créations des circuits, ateliers culinaires ou artisanaux. Ces initiatives permettent aux jeunes de devenir guides, animateurs ou entrepreneurs, tout en faisant découvrir la richesse culturelle et naturelle de leur région.
Hayk, 22 ans, originaire du village de Tsaghkut, témoigne: «J’ai appris à guider les touristes sur nos sentiers. C’est un travail, mais aussi une fierté: je peux raconter notre histoire et montrer la beauté de cette terre qui nous a accueillis.»
Ces expériences favorisent la cohésion sociale entre jeunes locaux et réfugiés, tout en promouvant un tourisme respectueux des communautés et de l’environnement.
Un modèle d’inclusion et de durabilité soutenu par Genève et la diaspora
Le soutien de la Ville de Genève a été déterminant pour la réussite de cette initiative. Ce partenariat illustre la solidarité internationale au service du développement local, en mobilisant la diaspora arménienne, les acteurs suisses du tourisme solidaire et les autorités locales arméniennes.
Ce projet montre aussi qu’on peut reconstruire par la coopération, la formation et la dignité. Pour nous, il est clair que le tourisme rural inclusif peut devenir une stratégie de résilience, capable de relier l’économie, la culture et l’humain.


