Depuis le début du conflit syrien au printemps 2011, l’Arménie a accueilli des milliers d’Arméniens de Syrie. Leur nombre actuel est évalué autour de 12’000. Dès l’été 2012, le gouvernement arménien a pris un certain nombre de mesures pour faciliter l’intégration des Syro-Arméniens en Arménie. Outre les programmes d’aide mis en place par les services de l’Etat, avec le concours d’organismes panarméniens et coordonnés par le ministère de la diaspora, des organisations telles que Mission Armenia NGO, la fondation suisse KASA*, Armenian Red Cross Society et le Centre for Coordination of Syrian Armenian Issues NGO proposent différents services en partenariat avec le Haut Commissariat aux Réfugiés des Nations Unies (UNHCR).
Malgré la bienveillance des autorités arméniennes, la situation des Syro-Arméniens en Arménie reste précaire en raison notamment du taux de chômage élevé et des problèmes socio-économiques dans le pays. Pour certains, qui espéraient un retour dans leur pays natal dès que la situation sécuritaire se serait améliorée, l’émigration vers des pays tiers est devenue une perspective plus attirante. Ainsi, au printemps 2013, les autorités estimaient qu’environ 5’000 Syro-Arméniens avaient quitté l’Arménie pour des raisons diverses.
Aujourd’hui, la présence des Arméniens de Syrie est de plus en plus visible à Erevan, où il n’est pas rare d’entendre l’arménien occidental. Les restaurants et snacks proposant des spécialités syriennes et moyen-orientales ouverts récemment dans le centre-ville viennent enrichir le paysage de la restauration de la capitale arménienne. Les entrepreneurs syro-arméniens sont actifs également dans d’autres domaines tels que la réparation de véhicules, la construction, l’artisanat, les services etc. Selon les médias, certains auraient rencontré des difficultés dues à des monopoles d’hommes d’affaires locaux, à une bureaucratie et à une fiscalité assez contraignantes, ainsi qu’à des menaces et agressions physiques venant de groupes mafieux, ces difficultés n’étant d’ailleurs pas particulières aux Syro-Arméniens.
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Pour savoir plus sur l’expérience de ces Arméniens de la diaspora nouvellement installés en Arménie, nous nous sommes rendus dans un café fréquenté par les Syro-Arméniens à Erevan, pour rencontrer Hrair Aguilian, fabricant de meubles et de charpentes en bois.
En parlant de son parcours professionnel et de sa décision de fonder une entreprise en Arménie, Hrair Aguilian nous a expliqué:
Né à Alep, j’ai vécu et travaillé en Belgique pendant 16 ans, puis en Norvège pendant 8 ans. En 2007, lorsque ma fille s’est mariée et installée à Alep j’ai décidé de retourner en Syrie. En 2008, avec un associé j’ai fondé une entreprise de fabrication de meubles qui, en peu de temps, a connu un grand succès. En juillet 2012, lorsque la situation sécuritaire s’est nettement détériorée à Alep, nous avons décidé avec mon épouse de nous rendre en Arménie. Notre but était d’étudier la situation sur place pour voir si nous pouvions y rester et ouvrir une entreprise. Sinon, nous pensions retourner en Belgique. Arrivé à Erevan, j’ai constaté qu’il y avait la possibilité de travailler dans mon domaine. Ceux qui disent qu’il n’y a pas de travail en Arménie n’ont pas bien étudié le marché, ou bien ils sont paresseux. L’Arménie est un pays qui commence à se développer et il y a du travail pour tout le monde.
Début 2013, j’ai suivi des cours de comptabilité pour connaître le système, les facilités et les difficultés liées au monde de travail en Arménie. Je précise que le Ministère de la diaspora a organisé différents cours gratuits pour nous. Je connais des personnes qui ont pu suivre des cours de deux ou trois mois à l’Université américaine et ont obtenu des diplômes qui leur permettraient de trouver du travail. Puis, on m’a proposé de m’associer à un fabricant de meubles pour développer ses activités. Après 9 mois de collaboration, j’ai décidé de me retirer en raison des complications liées au travail avec un associé. Finalement, en mai 2014, j’ai créé ma propre entreprise. Actuellement, nous fabriquons des portes et des fenêtres en bois. J’ai déjà des commandes pour des bâtiments en construction. Mais nous fabriquons également des meubles.
En réponse à la question de savoir s’il a rencontré des obstacles administratifs ou autres depuis qu’il a ouvert sa société, Hrair a affirmé qu’il n’a eu aucun problème jusqu’à maintenant et espère de ne pas en avoir à l’avenir. Et d’ajouter: Il est très facile de fonder une société en Arménie. Cela ne m’a pris que 35 minutes. J’ai fait venir de Chine une machine CNC 5D pour sculpture sur bois et l’ai dédouanée sans aucun problème. Les équipements et matériaux qui ne sont pas destinés à la vente mais seront utilisés pour la production ne sont pas soumis aux droits de douane en Arménie.
Quant à la fiscalité dont se plaignent les Syro-Arméniens, Hrair fait remarquer: Ceux qui ont vécu quelques années en Europe trouvent que la fiscalité est raisonnable. Il ne faut pas comparer l’Arménie avec la Syrie où l’on ne payait pratiquement pas d’impôt.
S’agissant des salaires, Hrair reconnaît que ces derniers sont effectivement bas mais, il nous explique que les travailleurs hautement qualifiés sont recherchés et arrivent à gagner des salaires plus élevés.
Son message aux Arméniens de la diaspora: Je pense que tous les Arméniens persévérants et consciencieux de la diaspora peuvent réussir en Arménie. Le pays est grand et il y a de la place pour toutes les professions. Nous pouvons créer des entreprises et contribuer au développement du pays. N’oubliez pas que les petits ruisseaux font les grandes rivières.
Hrair Aguilian nous a raconté que les Arméniens de Syrie vivant à Erevan ont crée une chorale de 40 personnes sous la direction artistique de Jirayr Altounian. Cette chorale nommée Garod (Nostalgie), s’est produite le 31 mai 2014 dans la salle du Théâtre Sundukyan sous le parrainage du Ministère de la diaspora, et a remporté un franc succès. Le bénéfice a été alloué à des familles nécessiteuses vivant en Arménie. Un bel exemple de solidarité et d’entraide qui sont indispensables pour les membres de nos communautés du Proche-Orient en proie à la guerre et à l’exode.
M. S.
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