Le Musée des Suisses dans le Monde*, propose depuis le 17 avril et jusqu’au 20 septembre 2015,une exposition exceptionnelle, qui permet de partir à la découverte de la culture et des traditions du peuple arménien tout en dévoilant les affinités entre la Suisse et l’Arménie. Plus de 170 objets d’art et d’artisanat datant du XIVe au XIXe siècle, appartenant à la famille Kalfayan, révèlent au public la richesse de l’expression artistique et religieuse des Arméniens ainsi que leur dynamisme commerçant.

La famille Kalfayan, originaire de Césarée en Asie Mineure, a une longue tradition à Thessalonique. Roupen Kalfayan, qui fait partie d’une branche de la famille d’Avedis Kalfayan, un architecte bien connu de l’Empire ottoman, se retrouve dans cette ville grecque à la fin de la première guerre mondiale. C’est grâce à son mariage avec Nevart Gazarian, qu’il se lie à une importante famille de banquiers et de propriétaires terriens originaire de Tokat qui s’est installée à Thessalonique à la fin du XIXe siècle. Entre les deux guerres, les membres des familles Gazarian et Kalfayan, dirigées par le marchand d’antiquités Gazaros Gazarian, commencent à collectionner des objets arméniens de tout type dans le but de préserver l’histoire et la mémoire de leur culture. Ils reconstruisent ainsi la mémoire dispersée de leur peuple sans frontière. Roupen et Arsen Kalfayan, les petits-fils de Gazaros Gazarian et actuels gardiens du patrimoine familial, continuent de l’enrichir avec le même zèle et la même attention.

L’exposition a choisi de mettre l’accent sur les ressemblances entre la Suisse et l’Arménie: Petits Etats montagneux, isolés de la mer et entourés par de puissants empires, qui ont su s’adapter et se développer grâce à leur ouverture sur le monde. Les rôles joués par les deux diasporas sont centraux dans l’histoire des deux pays. Forcées par la nature de leur territoire, la Suisse et l’Arménie se sont tournées vers le commerce et les relations et ont bâti leur prospérité sur leurs réseaux.

L’exposition, qui se déploie en dix salles, présente d’abord quelques documents et publications liés à la présence des Arméniens en Suisse ainsi que des œuvres de deux artistes Dionne Haroutunian et Peggy Hinaekian. La collection Kalfayan s’étale ensuite sur l’ensemble des salles suivantes. Deux khatchkars (pierres à croix) accueillent le visiteur comme s’il entrait en Arménie et lui font découvrir l’art religieux de ce pays: deux rideaux d’autel, des croix de bénédiction, d’autel et reliquaires, des boîtes à encens, des éventails d’autel, des bols liturgiques, des calices ainsi que des textiles liturgiques. Des donations votives rappellent la pratique des œuvres de bienfaisance à l’Eglise en témoignage de foi, de remerciement ou de supplique, où à l’occasion de célébrations diverses. Bon nombre de ces objets en métal porte une inscription par les donateurs qui ont fait le pèlerinage à Jérusalem.

L’exposition comprend quelques belles évangiles manuscrites et des reliures en cuir ou en argent ainsi que de magnifiques pièces d’orfèvrerie. Rappelons que les orfèvres arméniens originaires principalement de Van se sont distingués par leur art dans la Con-stantinople ottomane.

Durant le XVIIIe siècle, les potiers de Kütahya, majoritairement des Arméniens, ont dominé le marché de la céramique domestique et des carreaux de décoration pour les églises et les mosquées. La collection Kalfayan comprend des tasses, des pichets, des pots, des presses-citrons, des petits plats mais aussi des ornements sphériques suspendus utilisés dans les églises accompagnés de lampes à l’huile.

Dans la salle consacré à « l’empire commercial arménien », le visiteur peut admirer des pièces en porcelaine que des riches commerçants arméniens établis à Madras en Inde avaient importées de Chine en les faisant personnaliser avec des armoiries, des mono-grammes et des inscriptions.

Inaugurée à la veille des commémorations du centenaire du génocide des Arméniens, cette exposition permet de dévoiler la richesse d’un patrimoine anéanti lors de l’extermination du peuple qui l’a crée. Les objets qui suscitent l’admiration des visiteurs témoignent contre l’oubli et l’occultation des événements de 1915 bien que la brochure et la documentation de l’exposition n’en fassent aucune mention si ce n’est qu’en évoquant des « événements tragiques » lors desquels les missionnaires protestants suisses avaient ramené avec eux beaucoup de réfugiés, notamment des enfants!

Visitez cette remarquable exposition au Musée des Suisses dans le Monde, situé dans le magnifique domaine de Penthes aux portes de Genève jusqu’au 20.09.2015.

Maral Simsar

(*) Château de Penthes (www.penthes.ch), 18, chemin de l’impératrice / Pregny/Chambesy (GE)