L’ÉCONOMIE SOCIALE ET SOLIDAIRE ET LA PROMOTION DU DIALOGUE SOCIAL

CONFÉRENCE À EREVAN, 18-19 OCTOBRE 2017

Le 18 octobre 2017 a eu lieu à l’Office de l’ONU à Erevan la Conférence ​internationale​ intitulée L’économie sociale et solidaire et la promotion du dialogue social – les bonnes pratiques en Suisse. Elle a été suivie le 19 octobre d’un forum d’affaires Suisse-Arménie. Les deux événements étaient organisés conjointement par la fondation​ Miassine1 et l’Union républicaine des employeurs de l’Arménie (UREA), sous le haut patronage de l’Ambassade de Suisse en Arménie et en partenariat avec le Bureau International du Travail (BIT).

Pour en savoir plus, Artzakank a rencontré Astrig Marandjian-Lapeyre, co-fondatrice de Miassine, créée en 2009, qui s’engage à ​développer​ des synergies avec d’autres acteurs de développement pour l’amélioration des conditions de vie et de travail en Arménie.

 Qu’entend-on par le terme « économie sociale et solidaire »?

Tout d’abord l’​Économie sociale et solidaire ​​(ESS) met au cœur de son action l’homme, ses valeurs et son bien-être en prenant ​en ​compte des questions environnementales, sociales et éthiques.​ C’est ​un modèle économique ​qui est ​fondé sur la redistribution de la richesse produite de façon plus équitable.  Dans ce modèle démocratique les rapports sociaux de solidarité priment sur l’intérêt individuel ou profit matériel.

 

C’est une réalité qui prend de l’ampleur puisque près de 10% de l’économie européenne est maintenant composée des activités de l’ESS.

Comment avez-vous eu l’idée de collaborer avec l’Union républicaine des employeurs de l’Arménie (UREA) pour organiser cette conférence?

Chaque année ​l’UREA organise des conférences ​pour​ le développement du dialogue social entre le gouvernement d’Arménie, les organisations syndi-cales et patronales dans le but d’améliorer le climat des affaires en Arménie. L’année passée, Miassine a été invitée par Gagik Makaryan, le président de l’UREA, à participer à la conférence intitulée l​a promotion des opportunités de travail pour les jeunes.  J’ai alors présenté le cas​ de notre entreprise sociale, la boulangerie solidaire​ Miassine​, qui offre aux jeunes sortant des orphelinats la possibilité de  faire un apprentissage et de se familiariser avec ce métier si noble et si nécessaire. C’est là qu’a surgi l’idée de consacrer l​a conférence ​2017 à l’entrepreneuriat social qui fai​t​ partie de mes préoccupations depuis quelque temps. En effet, de par mon expérience dans l’humanitaire en Arménie (ndlr: Mme Marandjian-Lapeyre a été la directrice du bureau d’Erevan de l’association Solidarité Protestante France-Arménie de 1998 à 2008) je comprenais qu’il était nécessaire de passer d’une logique d’assistance à une logique de développement. Depuis mon arrivée en Suisse, j’ai pu observer le succès grandissant de ce nouveau modèle d’entrepreneuriat dans le canton de Genève où l’économie sociale et solidaire​ ​joue un rôle fondamental dans l’intégration des groupes vulnérables​. Pour préparer cette conférence, je me suis adressée tout naturellement aux différents acteurs de l’ESS à Genève qui ont accepté de se rendre à Erevan pour partager leurs visions d’une économie différente, plus éthique et durable que l’économie traditionnelle.

Pourriez-vous nous parler des intervenants de la conférence et des sujets traités?

 ​La délégation suisse était composée de Blaise Matthey, directeur général de la Fédération des entreprises romandes (FER), Christophe Dunand, directeur général de Réalise* et co-fondateur de la Chambre de l’économie sociale et solidaire Apres-Genève, Sandrine Meyer-Chanson, directrice de Comptabilis**, et ​Samuel Chenal, coopérateur de l’Itopie***​.

L’organisation Internationale du Travail (OIT)​, partenaire de l’événement, était représentée par Emmanuel Julien, directeur adjoint du département des entreprises.

Du coté arménien, nous avons eu beaucoup de chance d’avoir des intervenants ​de haut niveau qui ont répondu présent tels que Gevork Boghosyan, représentant de la banque européenne de reconstruction et de développement, Norik Nazarian,de la banque ACBA Crédit Agricole, Nazaret Seferian, Expert en entreprenariat social auprès de la délégation de l’UE, Boris Kharatian, représentant de l’union des travailleurs arméniens.

Compte tenu de l’importance croissante de l’ESS, cette conférence a abordé la contribution des entreprises sociales et d’autres organisations de l’ESS à la lutte contre l’exclusion sociale. Les intervenants suisses ​ont présenté les bonnes pratiques de la Suisse dans l’économie réelle, les problèmes et les opportunités de développement en Arménie, les politiques de soutien aux entreprises sociales dans toute l’Europe et ont abordé la nécessité de l’adoption d’une loi sur les entreprises sociales et sa pertinence pour la situation actuelle en Arménie.

 Quels ont été les thèmes du Forum d’affaires Arménie-Suisse qui a suivi la Conférence?

Nous avons choisi 4 thèmes qui ont été discutés lors des travaux de groupe: les schémas de financement flexibles pour les entreprises sociales; la transition de l’économie informelle vers l’économie formelle par le développement de l’entrepreneuriat social en Arménie; la promotion des exportations entre les entreprises arméniennes et suisses; le secteur IT et le développement durable des entreprises sociales.

L’évènement a réuni plus de 120 participants du secteur privé suisse et arménien, du gouvernement, des universités, de la communauté internationale, du corps diplomatique et de la société civile, pour discuter de solutions innovantes et de mesures efficaces aux niveaux national et régional en vue d’assurer la cohésion sociale et une prospérité partagée tout en créant des emplois décents en Arménie.

Dans le cadre de cet événement nous avions aussi prévu des visites d’entreprises sociales telles que la boulangerie solidaire créée par Miassine à Prochyan, le centre Machanents à Etchmiadzine, une école à Erevan proposant des ateliers d’informatique et de robotique aux élèves et un atelier de production de fruits secs. Les représentants suisses ont eu l’opportunité de participer à un échange avec des jeunes de Vardachen et de Gyumri, en dernière année de leur cursus dans les Internats, les futurs apprentis de nos boulangeries et autres entreprises sociales. La démarche très participative d’Emmanuel Julien de l’OIT qui les a questionnés sur leurs envies professionnelles et a partagé sa vision de l’avenir du travail a énormément plu aux jeunes, qui ne sont pas habitués à ce type de formation qui valorise leur rôle.

Ces évènements qui ont réuni des acteurs du monde économique des deux pays, ont-ils débouché sur des projets ou partenariats?

 Cette conférence a marqué la volonté des acteurs présents de développer le secteur de l’économie sociale en Arménie du fait de sa pertinence et de son potentiel. Quant au Forum d’affaires, il ciblait principalement les membres de l’UREA intéressés par des possibilités d’exportation et par le Système généralisé de préférences suisse (SGP) qui, comme l’a expliqué en détail la représentante de l’Ambassade Suisse en Arménie, octroie des préférences tarifaires consistant en une exonération ou une réduction des droits de douane à l’importation de marchandises originaires de pays en développement.

Premier rang de gauche à droite:Gagik Makaryan, Astrig Marandjian-Lapeyre et Blaise Mathey

développement de leur pays. Quant aux entrepreneurs sociaux suisses, ils ont été enthousiasmés par le dynamisme de leurs homologues arméniens et se sont engagés de les assister au mieux dans le futur. Parmi les engagements concrets on peut déjà mentionner le voyage d’étude en Suisse de cinq entrepreneurs sociaux arméniens pour connaitre la méthode et l’éthique de travail des entreprises sociales en Suisse. Et aussi nous allons mettre en place un dispositif pour accueillir des stagiaires de l’université française en Arménie dans des entreprises sociales suisses. Notre but à long terme est de créer une plate-forme des entrepreneurs sociaux en Arménie comme la Chambre de l’économie sociale et solidaire Apres-Genève, qui compte actuellement près de 300 membres collectifs (associations, coopératives, fondations et entreprises).

Et pour finir, la mission de Miassine est justement de mettre ensemble des personnes qui partagent les mêmes valeurs, aspirations et démarches au service du développement durable de l’Arménie. Mission accomplie.

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(*) Une entreprise sociétale basée à Genève qui s’engage dans le développement d’un marché de l’emploi durable de demain et cela, dans différents domaines tels que l’industrie, la logistique, le jardinage et entretien extérieur, la blanchisserie et nettoyage et les ressources humaines (http://www.realise.ch)

(**) Société fiduciaire qui s’inscrit dans l’économie sociale et solidaire à Genève (http://comptabilis.ch).

(***) Société coopérative à but non-lucratif basée à Genève, qui se bat pour une informatique responsable, citoyenne et émancipatrice (https://www.itopie.ch).

 

2018-02-12T18:45:17+01:00 12.02.18|ARMÉNIE & ARTSAKH, INTERVIEWS, SUISSE-ARMÉNIE|

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