Il y a 30 ans, l’assemblée législative du Haut-Karabagh, alors région autonome au sein de la RSS d’Azerbaïdjan, votait en faveur de l’unification de l’enclave majoritairement arménienne avec l’Arménie. Cette décision historique, intervenue à l’occasion de grandes manifestations à Stepanakert et déclenchant rapidement d’énormes rassemblements à Erevan, a marqué un tournant dans l’histoire contemporaine du peuple arménien. En effet, obligés de se défendre dans une guerre imposée par le pouvoir azéri, les Artsakhiotes ont réussi à prendre le contrôle de leur territoire après trois ans de combats acharnés. En brisant le blocus de l’enclave, ils ont également ouvert un corridor reliant l’Artsakh à l’Arménie, après une séparation qui avait duré plus de 70 ans. Pour les Arméniens dispersés à travers le monde suite au génocide de 1915 et pour ceux ayant vécu sous le régime soviétique pendant sept décennies, la libération de ce petit territoire arménien représente plus qu’une victoire militaire. Elle a non seulement sauvé les Artsakhiotes d’une extermination physique, renforcé une partie des frontières de l’Arménie mais a aussi rendu la dignité au peuple arménien après plusieurs siècles de servitude et de soumission.
Le 30ème anniversaire de la naissance du Mouvement Karabagh fut l’occasion de nous rappeler des pogroms de Sumgaït, suivis de ceux de Bakou, Kirovabad et ailleurs en Azerbaïdjan, qui restent toujours d’actualité. Non seulement les auteurs de ces massacres n’ont jamais été punis, mais les dirigeants de l’Azerbaïdjan profèrent régulièrement des menaces pour reconquérir Artsakh, prêchent la haine raciale envers les Arméniens et revendiquent même des terres en Arménie. Rappelons que lors du congrès de son parti Yeni Azerbaycan le 8 février dernier à Bakou, le président Ilham Aliev a de nouveau publiquement affirmé: « Erevan et le Zanguezour sont nos territoires historiques » et « nous, Azerbaïdjanais, devrions retourner sur cette terre historique », « c’est notre objectif politique et stratégique, nous devons progressivement nous en approcher »!
Ces déclarations d’Aliev, qui constituent une menace pour l’existence de l’Arménie et qui ont été prononcées à plusieurs reprises dans le passé, n’ont jamais suscité une réaction ferme et sans équivoque de la part des pays coprésidant le Groupe de Minsk de l’OSCE, chargé de trouver une solution pacifique au conflit du Karabagh. De manière générale, ces derniers se contentent d’adresser des appels de retenue aux deux parties simultanément et le régime d’Aliev continue d’agir comme si de rien n’était.
Trente ans après le début du Mouvement le constat est clair: l’armée arménienne reste le garant principal de la sécurité des habitants de l’Arménie et de l’Artsakh et continue malheureusement de payer un lourd tribut en pertes humaines pour défendre les frontières du pays.
Le 1er mars 2018 nous avons commémoré le 10ème anniversaire de la mort de deux policiers et huit manifestants tués lors de la dispersion par la force des manifestations qui ont eu lieu à Erevan à la suite des élections présidentielles contestées de 2008. Il est regrettable que depuis dix ans, les coupables n’aient toujours pas été identifiés et les victimes n’aient reçu aucun dédommagement.
La persistance de l’impunité à l’égard des responsables de la mort de dix personnes en mars 2008 et à l’égard des auteurs d’autres crimes et violations commis durant ces trente dernières années jette l’opprobre sur les dirigeants successifs issus du Mouvement Karabagh, qui était avant tout un mouvement pour la justice.
Après l’élection d’Armen Sargsyan par les députés arméniens à la présidence du pays le 2 mars 2018, l’Arménie passera au régime parlementaire dès le 9 avril prochain. Ce changement placera le pouvoir réel entre les mains du premier ministre et conférera au président un rôle protocolaire. L’avenir dépendra de la volonté politique du nouveau régime de faire appliquer la justice à tous les niveaux et de restaurer l’esprit d’unité et de solidarité qui a caractérisé les débuts du Mouvement Karabagh.
Maral SIMSAR
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