ÉTÉ 2021 – JEUNES BÉNÉVOLES EN ARMÉNIE

Yeghegnut (Lorri)

Six personnes sur dix font du bénévolat en Suisse. D’après la Croix-Rouge suisse, les bénévoles fournissent chaque année en Suisse plus de 650 millions d’heures de travail dont la valeur représente quelque 34 milliards de francs.

Le bénévolat est une valeur bien ancrée aussi dans les communautés arméniennes de la diaspora. Sans l’engagement désintéressé des milliers de personnes depuis plusieurs générations, la plupart de nos institutions diasporiques n’auraient simplement pas pu exister aujourd’hui. Il est évident que le mécénat seul n’aurait pas été suffisant pour créer et maintenir nos nombreuses structures communautaires à travers le monde. Malheureusement, il n’existe pas d’études pour chiffrer la valeur que représente ce travail dans la diaspora arménienne.

En Arménie, depuis une dizaine d’années, le travail bénévole suscite un certain intérêt chez les jeunes. Par ailleurs, plusieurs organisations fondées par des Arméniens de la diaspora sont implantées en Arménie et recrutent activement des jeunes volontaires de la diaspora prêts à s’engager dans différents projets de courte ou de longue durée. Le nombre de ces jeunes ne cessait de s’accroître au cours des années.

Après la guerre de 44 jours, cette tendance s’est accélérée. Alors que la majorité des Arméniens était sous le choc de la catastrophe qui a frappé notre peuple, beaucoup de jeunes et de moins jeunes se sont précipités en Arménie dans le but de se rendre utile d’une quel-conque manière malgré les contraintes de voyage liées à la pandémie.

Plusieurs membres de la communauté arménienne de Suisse ont joint ce mouvement en s’engageant dans leurs domaines de spécialisation ou simplement en donnant un coup de main aux professionnels sur place. D’autres ont poursuivi avec plus de détermination les projets commencés avant la guerre. Nous saluons en particulier les efforts de nos jeunes qui consacrent de leur temps à leurs frères et sœurs en Arménie et apportent ainsi leur pierre à l’édifice fragile du pays.

Artzakank présente dans ce numéro les actions de quelques jeunes de Genève et de la France voisine.

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UN CENTRE AÉRÉ À YEGHEGNUT (LORRI)

Un centre aéré pour promouvoir les valeurs citoyennes: L’idée a été lancée en 2019 par Ofelia Hovhannisyan, philologue et professeur d’anglais à Genève. Son intérêt pour la pédagogie et les systèmes scolaires l’a amenée à concevoir un programme spécial sur le thème de la responsabilité citoyenne destiné aux enfants de 7 à 11 ans. Baptisé « Aroghj mijavayr » (« environnement sain »), ce programme, soutenu par Artzakank pour la partie logisique, a obtenu l’approbation du ministère arménien de l’Éducation, de la Science, de la Culture et du Sport ainsi qu’un financement de la fondation Armenia.

En juillet 2019, Ofelia a organisé un premier centre aéré dans le village de Arevatsag (Lorri) avec l’aide des volontaires Tiruhi Galstyan, Parik Simsar, Alik Garibian de Genève et Ani Terteryan d’Erevan. Deux jeunes filles du village les ont rejointes sur place afin d’assurer éventuellement le suivi du programme plus tard.

Encouragée notamment par l’accueil chaleureux des enfants et la reconnaissance des parents, Ofelia a souhaité renouveler l’expérience l’année suivante. Hélas, les contraintes liées à la pandémie n’ont pas permis de réaliser le projet en 2020, suscitant ainsi une grande déception chez Ofelia, les bénévoles et toute l’équipe d’Artzakank.

Parik, Ofelia et Alik

Cette année, suite à l’assouplissement des mesures sanitaires, la deuxième édition du centre aéré « aroghj mijavayr » a pu être organisée, cette fois-ci dans le village de Yeghegnut près de Vanadzor (Lorri). Artzakank a bénéficié encore une fois d’un financement de la Fondation Armenia pour couvrir les frais du centre aéré sur place, les frais de voyage depuis Genève étant assumés par les membres de l’équipe composée de Ofelia Hovhannisyan, responsable du projet, et les bénévoles Parik Simsar, architecte, et Alik Garibian, étudiante en langue et littérature anglaises. Elles ont été rejointes sur place par Nare Sultanyan, une bénévole d’Erevan.

Pendant une semaine, une trentaine d’enfants âgés de 7 à 11 ans ont été initiés aux valeurs de base de la responsabilité citoyenne à travers des jeux interactifs, des travaux manuels, des débats et des excursions.

Le programme de la première journée était axé sur les notions d’égalité, la distinction entre les vérités universelles et les opinions ainsi que sur l’importance de choisir sa profession selon son intérêt personnel et non pas en fonction de son genre.

Le deuxième jour, les enfants ont visité le Centre ATP (Armenian Tree Project) pour études environnementales dans le village de Margahovit où ils ont été sensibilisés aux causes et effets de la pollution et aux conséquences graves de certaines activités de l’homme sur l’environnement.

L’excursion à Erevan fut une journée mémorable pour les enfants dont certains s’y rendaient pour la première fois. Le premier rendez-vous de la journée était au musée des sciences « Little Einstein » où les enfants ont pu s’initier aux sciences à l’aide des expériences et des jeux autour des lois de la physique avec l’aide des animateurs du musée. Une promenade sur la place de la République et des jeux autour des fontaines du parc dédié au 2800e anniversaire d’Erevan ont offert des moments de joie aux petits et grands.

La sensibilisation aux rôles et responsabilités des membres de la société était le thème du quatrième jour. Les enfants ont rédigé une lettre à l’attention de la directrice pour lui demander la mise en place d’un système de tri du papier. Ils ont préparé et décoré une grande boîte de tri pour l’école.

Le thème du programme du cinquième jour était la prévention de la violence, un problème assez préoccupant chez les jeunes et les moins jeunes. À travers un film ainsi que par des jeux et activités, les enfants ont appris à comprendre et gérer leurs émotions.

Les droits de l’enfant selon la Convention de l’ONU relative aux Droits de l’Enfant (CIDE) ont été au programme de l’avant-dernier jour qui s’est achevé par la visite d’une grande salle de jeu.

Pour clôturer cette semaine riche en émotions, une petite fête a été organisée avec les parents qui se sont familiarisés avec le programme réalisé et ont assisté à l’«inauguration» de la boîte de recyclage bricolée par les enfants. La projection des petites vidéos préparées par les enfants et les jeux proposés par ces derniers pour les parents ont créé une ambiance joyeuse et conviviale.

Ravie de cette deuxième expérience enrichissante qui leur a permis de mieux comprendre les difficultés dans les régions et d’aider les enfants à élargir leurs connaissances, Ofelia et son équipe se préparent déjà pour « Aroghj mijavayr » 2022!

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MISSION HUMANITAIRE AVEC SANTÉ ARMÉNIE EN COLLABORATION AVEC LES HÔPITAUX DU LÉMAN

Ndlr: Cet été, Marie et Agathe Wurry de Thonon-les-Bains sont allées en Arménie en tant que bénévoles pour apporter leur aide à la mission humanitaire de Santé Arménie. Marie, étudiante en pharmacie, et Agathe, étudiante en relations internationales, ont fait part à Artzakank de leur expérience.

Marie a adhéré à Santé Arménie, une association de médecins et paramédicaux francophones, dès sa création en décembre 2020, lors de la guerre en Artsakh.

« Après une longue réflexion, dans les 10 jours qui ont suivi les élections en Arménie, une fois la situation politique éclaircie, nous avons établi avec Arsène Mekinian, président de Santé Arménie, une liste de différentes tâches à réaliser sur 3 semaines » dit elle.

« En quelques jours, un projet a été monté dans le but d’apporter une aide médicale en Arménie. De ce fait, nous sommes rentrées en contact avec Eric Djamakorzian, directeur des Hôpitaux du Léman (Thonon-les-bains), et Philippe Hyvert, ingénieur biomédical, pour un don de matériel. Ainsi, le 3 juillet je suis partie en l’Arménie en compagnie de ma sœur Agathe, avec une valise remplie de matériel » ajoute t-elle.

Après plusieurs courriels échangés et quelques rendez-vous confirmés à l’avance avec des ONG travaillant avec des enfants traumatisés de la guerre telles que Kooyrigs, KASA, COAF, Fondation Aznavour et UGAB, Agathe est tout d’abord allée à leur rencontre afin d’écouter leurs besoins car Santé Arménie souhaite se développer dans le domaine pédiatrique.

Elle ajoute: « Nous avons aussi pu visiter différentes cliniques appartenant aux missionnaires américains. Ils possédaient du matériel dernière génération, mais ce qui leur manque est la connaissance pour bien utiliser ce matériel et travailler avec les méthodes occidentales. Ils se basent sur un système «social» en proposant d’abord de soigner le patient puis de lui faire payer les prestations.

L’objectif était de présenter, dans un premier temps, l’association Santé Arménie et de faire connaitre ses différentes actions et motivations. Ensuite, proposer une aide médicale.

De nombreux projets sont aujourd’hui en cours, nous y réfléchissons encore mais ils devraient se mettre en place d’ici peu ».

Après une semaine écoulée, il a fallu penser à distribuer le matériel que Marie et Agathe avaient emmené. Elles ont alors délivré le matériel de trachéotomie et un pousse-seringues à l’hôpital infectieux de Nork, notamment chargé de traiter les cas de Covid-19. « C’est l’hôpital le plus délabré, et je pèse mes mots, que j’ai vu en Arménie. J’étais choquée en découvrant la pharmacie de l’hôpital qui ressemblait à un cabanon au fond du jardin, dans lequel les médicaments sont stockés n’importe comment sans aucune organisation » fait remarquer Marie et ajoute: « Nous avons aussi délivré un pousse-seringues au centre médical de Gyumri. Celui-ci était, à notre surprise, en très bon état, propre et neuf. »

Marie et Agathe Wurry tiennent à souligner qu’elles ont été très bien accueillies dans les deux hôpitaux, « avec toute la chaleur et la convivialité arméniennes ».

Marie poursuit: « Nous sommes allées à l’hôpital Arabkir, où j’avais fait un stage au sein de sa pharmacie en juillet 2019. Ils pensent développer des formations en collaboration avec Santé Arménie et ont pour projet d’étendre leur centre de réhabilitation car jusqu’à présent il était réservé aux enfants handicapés mais maintenant ils veulent aussi soigner les soldats blessés. »

Santé Arménie a ouvert un Centre de recherche dont les locaux se trouvent au National Institute of Health MH RA. Marie a donné un cours sur les modèles animaux dans le cadre des études précliniques. « Le cours devait être en anglais, mais sur le fait accompli, ils m’ont demandé de le donner en arménien. J’ai pu plus ou moins présenter correctement le contenu, mais cela a donné lieu à des moments comiques comme quand j’ai parlé de la métabolisation par le foie et que j’ai utilisé le mot «djiguer» car je ne connaissais pas d’autre mot en arménien… Nous avons convenu de faire d’autres cours par Zoom. » raconte-t-elle.

Marie a également aidé Mme Merry Mazmanian (une arménienne de Paris installée à Erevan depuis 3 mois, membre de Santé Arménie) qui supervise ce Centre de recherche pour établir le circuit de médicaments anti cancéreux utilisés pour traiter des myélomes.

Merry Mazmanian, responsable du Centre de recherche, Agathe et Marie Wurry

« J’ai réalisé la difficulté à traiter ces pathologies en Arménie, certains médicaments ne figurant plus sur la liste des spécialités car les industriels ont retiré l’Arménie de leur marché (ce n’est pas un marché rentable). De ce fait, parfois les patients commandent eux-mêmes leur traitement à leur famille vivant à l’étranger, ou certaines pharmacies les commandent à des pharmacies basées en Allemagne. L’hôpital qui voulait diriger cette étude clinique n’était lui-même pas toujours au courant de la façon dont leurs patients s’approvisionnent en médicaments » explique-t-elle.

Grace à Messieurs Vahé Gabrache et Mike Baronian Marie a pu visiter AZAD pharmaceuticals®.

Marie dit être « frappée par le fait que dans les hôpitaux peu de personnes mettaient le masque, y compris le personnel soignant. Les vestiges de l’époque soviétique sont encore visibles. Peu de monde fait à ce jour confiance au système de santé. Même si des ambulances vont dans la rue à la rencontre des patients, personne ne veut se faire vacciner. Ils ne font pas non plus confiance aux génériques, au point de vouloir monter une étude clinique académique pour en prouver «l’efficacité».

Pour Marie et Agathe, ce fut un voyage chargé d’émotion. « Nous avons pu constater les profondes séquelles que la guerre de 44 jours a laissées. Mais, tous ces échanges et rencontres nous ont permis également de constater que le peuple arménien fait preuve de résilience et sait renaître de ses cendres. » disent-t-elles.

Elles remercient Mme Nadia Gortzounian, Messieurs Vahé Gabrache, Eric Djamakorzian et Arsène Mekinian ainsi que la BIJ de Thonon pour leur confiance.

2021-09-05T15:50:12+02:00 04.09.21|ARMÉNIE & ARTSAKH, COMMUNAUTÉ, GÉNÉRAL, SUISSE-ARMÉNIE|