par Lerna BAGDJIAN
Nombreux sont ceux qui connaissent son visage sur les billets de 100 drams arméniens, mais peu de personnes connaissent le parcours illustre de Victor Hambartsumyan, remarquable mathématicien et astrophysicien, président de l’Académie arménienne et académicien honoraire de nombreuses académies internationales.
Hambartsumyan naît en 1908 à Tbilissi en Géorgie. Il débute ses études à la faculté Mathématiques-Physique de l’Université Herzen et les poursuit à l’Université de Leningrad. Son premier travail de recherche majeur est publié en 1926, sur les points lumineux dénommés “facules”. Il poursuit ses études au sein du plus grand observatoire de l’Académie des Sciences de Russie, l’observatoire de Poulkovo, à quelques kilomètres de Saint-Pétersbourg. Il enseigne en parallèle à l’Université de Leningrad dès l’âge de 26 ans, et écrit le premier livre théorique soviétique d’astrophysique.
En 1946, il crée l’observatoire de Byurakan dans le marz d’Aragatsotn en Arménie, dont il prend la direction. Hambartsumyan occupe le poste de président de l’Université d’Erevan de 1947 à 1992, ainsi que de l’Académie des Sciences de Russie depuis 1939. En 1961 et pour un mandat de quatre ans, il est nommé président de l’UAI, l’Union astronomique internationale, organisation non-gouvernementale chargée de coordonner les travaux des astronomes à travers le monde. Hambartsumyan est le fondateur et éditeur en chef de 1964 à 1987 de Astrofizika, la revue scientifique d’astronomie principale de l’Union soviétique.
Ses travaux furent fondamentaux dans le domaine des étoiles et des galaxies. Il est notamment le premier à suggérer que les étoiles T Tauri (étoiles variables) sont très jeunes, et il définit le terme d’association stellaire en 1949, terme désignant des étoiles qui ne sont plus liées par le principe de la gravitation. Selon Sonoma State University, Hambartsumyan a également organisé des conférences sur la recherche de civilisations extraterrestres.
“Peu de gens connaissent la valeur de sa contribution à la victoire sur l’Allemagne fasciste.” écrit Kristina Ambartsumian, sa petite-fille résidente à Genève et membre de la communauté arménienne de Suisse.
Lorsque la seconde guerre mondiale éclate, Hambartsumyan s’inscrit en tant que volontaire, mais il est rapidement retiré du front par le gouvernement et orienté vers des travaux de recherches scientifiques. Entre 1941 et 1942, Hambartsumyan détermine l’équation de la propagation de la lumière dans un milieu nuageux. C’est notamment grâce à cette prouesse que les concepteurs soviétiques développent des équipements de précision pour les bombardements sur les cibles sous-marines.
Hambartsumyan est déplacé à Elabuga, où il mettra en place un laboratoire scientifique.
Afin d’accomplir sa mission, Hambartsumyan a dû travailler dans de nombreux bureaux de conception spécialisés pendant de longs mois, tout en voyageant dans de multiples villes à travers le pays. Quitter Elabuga était extrêmement difficile. Il suffit de dire que la gare la plus proche, Kizner, à laquelle il se rendait par traîneau à plusieurs reprises lors des froids glaciaux, se trouvait à une centaine de kilomètres.
(Kristina Ambartsumyan)
Une fois les travaux de conception terminés, l’élaboration des nouveaux viseurs a été remise aux Alliés et adoptée par l’Armée de l’air britannique à son usage. Les viseurs conçus sous la direction de Ambartsumyan avaient la mission de corriger le champ de vision dans un environnement nuageux, garantissant ainsi une grande précision de tirs des sous-marins à haute profondeur. Rapidement, un retournement de situation a eu lieu en faveur des Alliés, qui dominaient ainsi le combat sous-marin.
“C’est seulement après la guerre, que le but d’un travail de vie est expliqué tout simplement: «… Hambartsumyan a réalisé un miracle, il a rendu possible la vision dans la brume et dans les profondeurs de mer».”
(Kristina Ambartsumyan)
Le 14 mai 1972, une astéroïde est nommée en son nom en hommage à son travail d’élite. Découverte par Tamara Smirnova à l’observatoire d’astrophysique de Crimée, en Ukraine, l’astéroïde (1905) Ambartsumyan est une astéroïde de la ceinture principale.
Tout au long de sa carrière, Hambartsumyan reçoit de nombreuses distinctions, tel que la Médaille d’or de la Royal Astronomical Society en 1960, ou encore celle de Héros national de l’Arménie en 1994. Son travail illustre et sa gestion de l’observatoire de Byurakan, où furent découverts plus de 1000 étoiles éruptives, des douzaines de supernovas ainsi que des centaines d’objets Herbig-Haro, firent de l’Arménie soviétique un lieu de recherche intense dans le domaine de l’astrophysique. Ce lieu où les secrets de l’univers sont découverts est un site du patrimoine documentaire de l’UNESCO et est visitable, s’y trouvent notamment une maison d’hôte scientifique, ainsi que la maison-musée de Hambardzumyan.
Suite à la première guerre de l’Artsakh et la crise énergétique des années 1990, la recherche s’est affaissée, bien que l’ambition des scientifiques arméniens d’aujourd’hui persiste encore, avec le souhait de replacer l’Arménie au cœur de la recherche mondiale.