LE CONSEIL NATIONAL ADOPTE LA MOTION: FORUM SUR LA PAIX DANS LE HAUT-KARABAKH – PERMETTRE LE RETOUR DE LA POPULATION ARMÉNIENNE

Photo : Conseiller national Vontobel

Le 17 décembre 2024, le Conseil national a soutenu par 96 voix contre 80 et 16 abstentions une motion de la Commission de politique extérieure appelant le Conseil fédéral «d’organiser dans les meilleurs délais, mais au maximum dans un délai d’un an, un forum international sur la paix dans le Haut-Karabakh. L’objectif de ce forum est de permettre un dialogue ouvert entre l’Azerbaïdjan et les représentants du peuple arménien du Haut-Karabakh, sous supervision internationale ou en présence d’acteurs internationaux clés, afin de négocier le retour collectif, en toute sécurité, de la population arménienne qui vivait depuis des générations dans la région.»

Le Conseil des États doit encore se prononcer.

Le chef du DFAE Ignazio Cassis a exprimé l’opposition du Conseil fédéral à cette demande. «Premièrement, le Haut-Karabakh fait partie de l’Azerbaïdjan selon le droit international. Ainsi la Suisse, tout comme le reste de la communauté internationale, n’a pas reconnu cette entité et n’a donc pas de contacts formels avec elle. Deuxièmement, le conflit est un différend entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan. Il revient donc entièrement aux autorités de ces deux pays de décider comment le résoudre. A ce stade, ces autorités ont choisi de négocier directement entre elles, au niveau bilatéral. Plusieurs avancées ont été réalisées. Je vous rappelle, par exemple, l’échange de prisonniers et le début de la délimitation des frontières sur le terrain. Le Conseil fédéral encourage les parties à poursuivre leurs efforts pour parvenir à une paix durable. J’ai moi-même rencontré régulièrement, ces trois dernières années, mes deux collègues des deux pays et ai continuellement offert nos bons offices, s’ils le désirent.» a-t-il déclaré.

Une minorité de droite est aussi contre cette idée. Le groupe de Minsk de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) est jusqu’à présent responsable de la médiation, a rappelé Roland Rino Büchel (UDC/SG). Mais aujourd’hui, ni l’Arménie, ni l’Azerbaïdjan n’ont demandé une aide extérieure. Organiser une conférence de paix en l’absence d’une demande des parties pourrait être contreproductif, selon lui.

Le conseiller national Erich Vontobel (UDF/ZH), l’un des deux rapporteurs de la motion, voit dans le forum de paix prévu une chance pour la Suisse: «Je suis très heureux que le Conseil national ait suivi aujourd’hui la majorité de la commission. Les réfugiés du Haut-Karabakh se sentent abandonnés et ont besoin de notre solidarité. Les bons services de la Suisse sont ici nécessaires. Les chances de voir ce forum devenir réalité ont augmenté aujourd’hui.»

Pour le conseiller national Nicolas Walder (Les Verts/GE), l’autre rapporteur de la motion, la décision du Conseil national s’inscrit dans la continuité de l’amitié entre la Suisse et le peuple arménien. «Nous devons maintenant jeter les bases d’un retour rapide des Arméniens du Haut-Karabakh. La Suisse, en tant que gardienne du droit international humanitaire, peut jouer un rôle central à cet égard» a-t-il souligné.

Dans une tribune publiée le 17 décembre 2024 sur Civilnet.com, Vartan Oskanian, ancien ministre arménien des affaires étrangères (1998-2008), indique que «cette décision souligne la reconnaissance croissante au niveau international d’une question cruciale: Les Arméniens du Haut-Karabakh (Artsakh) seront-ils autorisés à retourner sur leurs terres ancestrales? (… ) La proposition de la Suisse de faciliter le dialogue est une avancée bienvenue. Face aux déplacements forcés et à l’effacement culturel, la population du Haut-Karabakh a besoin d’un soutien international concret.»

Pour le politologue-journaliste Hakob Badalyan, la motion est une initiative à la fois remarquable et discutable. Dans son article paru sur le site d’information en ligne 1in.am il rappelle des tentatives de médiation similaires initiées par la Suisse – telles que la Conférence de paix sur l’Ukraine et le processus de la diplomatie du football entre l’Arménie et la Turquie – et s’interroge si la Suisse sera en mesure d’assurer ce nouveau mécanisme de dialogue entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan.

«Il existe également certains risques. Par exemple, l’initiative pourrait-elle devenir un « tremplin » menant à la dissolution du Groupe de Minsk, ou une plateforme même si « consultative », pour examiner la soi-disant question du « retour des Azerbaïdjanais occidentaux », avancée par Bakou»? se demande le politologue.

«Il ne fait aucun doute que les tentatives d’instaurer un dialogue pacifique et équilibré entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan sont les bienvenues. Cependant, il convient également de garder à l’esprit qu’une telle initiative ne peut objectivement être dépourvue de considérations géopolitiques et, par conséquent, de lutte en coulisses à plusieurs niveaux et à multiples facettes. Les bonnes intentions, tout en étant absolument bienvenues, doivent être examinées en détail avant d’être approuvées.» conclut-il.

2025-01-09T16:37:06+01:00 09.01.25|ARMÉNIE & ARTSAKH, GÉNÉRAL, SUISSE-ARMÉNIE|