Le 19 janvier 2016, le cinéaste et photographe Hayk Barseghyan lançait l’initiative « SOS Gyumri » sur le site britannique crowdfunder.co.uk dans le but de réunir dans les 53 jours la somme de 120000 £ pour l’achat de 13 appartements destinés à des familles de sans-abris de Gyumri. L’appel de fonds était accompagné de photos faites par l’initiateur du projet qui témoignaient des conditions insoutenables dans lesquelles vivaient ces familles.

Quatre mois après le lancement du projet, Hayk Barseghyan et ses amis peuvent être fiers du résultat de leur travail: 24 familles, au lieu de 13, recevront un logement avec quelques meubles et équipements de base. L’initiative a créé un formidable élan de solidarité sans précédent parmi les jeunes que ce soit à Gyumri, à Erevan ou ailleurs dans le pays. L’image la plus marquante de cette belle histoire est celle de Tigran Hamasyan jouant au piano dans la cour délabrée d’un domik, terme utilisé pour désigner les logements de fortune dans lesquels plus de 3000 personnes continuent de vivre suite au tremblement de terre de 1988. C’est à cette occasion que le célèbre jazzman, lui-même originaire de Gyumri, avait déclaré éprouver de la honte face aux conditions d’hébergement de ces familles.

Comment « SOS-Gyumri » a-t-il pu mobiliser autant de monde autour d’un projet visant à résoudre le problème des sans-abris de Gyumri qui pourtant perdure depuis plus de 27 ans? Mais commençons d’abord par l’origine du projet relaté par Hayk Barseghyan:

« En 2013, le photographe documentaliste German Avagyan est venu à Gyumri et m’a demandé de l’aider pour photographier des familles vivant dans des domiks. Tout en résidant à Gyumri, je n’étais pas au courant des conditions dans lesquelles vivaient ces familles. Après cette découverte j’ai pensé qu’il était important d’essayer d’obtenir des résultats par le biais des photos. Je me suis dit qu’elles pourraient toucher les autorités dans leur amour-propre et les pousser à prendre les mesures nécessaires pour régler ce problème. En 2013 et 2014, nous avons fait plein de photos, mais malgré le bruit médiatique, rien ne fut entrepris à cet effet. Avec mes amis, nous avons alors décidé d’offrir nous-mêmes des appartements à un nombre symbolique de familles et c’est là que nous est venue l’idée de lancer un appel de fonds. Par cette action nous voulions servir d’exemple aux autorités afin qu’elles fassent leur travail. »

La petite équipe s’est ensuite mise au travail pour atteindre un public le plus large possible à commencer par les amis et connaissances pour arriver à des personnes connues aux niveaux national et international. Très vite des célébrités du show business et du monde sportif se sont ralliées au projet dont la médiatisation a été favorisée notamment par le geste original de Tigran Hamasyan. Hayk Barseghyan décrit ce dernier comme « un Gyumretsi modeste et accessible qui n’a pas de caprices de star » et ajoute: « Suite à une discussion amicale nous avons tout simplement décidé d’organiser un concert ». Cet évènement unique, qui a réuni un grand nombre de fans du pianiste venus de différentes régions de l’Arménie et de l’étranger, a permis de récolter des fonds et a été un élément déclencheur pour d’autres initiatives. Outre un concert gratuit à l’Avenue du Nord d’Erevan, avec la participation de chanteurs et chanteuses de variété, et un autre de l’Ensemble Horovel de chant et de danse à Vanadzor, suivis de collectes de dons, plusieurs groupes d’écoliers, d’étudiants et de jeunes ont spontanément organisé des collectes à Erevan, à Gyumri et ailleurs.

Certaines entreprises publiques et privées ainsi que des députés, hommes d’affaires, fonctionnaires, artistes et beaucoup de citoyens ordinaires ont rejoint le projet en créant ainsi un effet boule de neige. Par ailleurs, sur l’initiative de Karen Mkrtchyan, membre de l’équipe SOS Gyumri, des objets offerts par des célébrités du monde sportif ont été mis aux enchères. La vente continue toujours au moment de la rédaction de cet article.

 Quelle est la recette d’une telle réussite?

 « Il n’y a pas de secret » dit Hayk Barseghyan. « Nous avons essayé d’assurer le maximum de transparence et l’idée était très simple: Nous nous sommes fixés un but précis et nous avons tout fait pour l’atteindre sans aucune démagogie. C’est pourquoi notre action a suscité beaucoup de sympathie. »

Il convient de mentionner que l’équipe SOS Gyumri a filmé et mis en ligne sur sa page Facebook (tapez SOS) les moments forts de la réalisation du projet. Les internautes peuvent ainsi partager la joie des familles sélectionnées lorsqu’on leur annonce la bonne nouvelle et plus tard, au moment de leur installation dans leurs nouveaux logements. Quel plaisir de voir la joie de ces familles et en particulier celle de leurs enfants! En effet, en réponse à la question de savoir ce que cette action lui a apporté, Hayk Barseghyan déclare*: « La joie éprouvée par les familles au moment où nous leur annonçons qu’ils emménageront bientôt dans un nouveau logement vaut plus que des millions pour moi »  et ajoute « c’est une grande joie de restituer à ces familles leur dignité ».

Le problème des sans-abri de Gyumri est toutefois loin d’être réglé. « Il existe plus de 3000 personnes à Gyumri qui vivent dans des conditions épouvantables et ce ne sont pas ces 24 logements qui résoudront le problème. Il est du devoir des autorités de trouver une solution » conclu Hayk Barseghyan.

L’action SOS Gyumri réalisée grâce à la ténacité d’une poignée de jeunes et la solidarité populaire qui en a résulté ne doit pas rester sans suite. Espérons vivement que les autorités seront enfin à la hauteur de leurs responsabilités.

M.S.

——————–

(*) Dans le cadre de l’émission « Irakanum » de la chaîne de télévision Tsayq (19 avril 2016)