Le vendredi 25 septembre 2015, au Centre arménien de Troinex, a eu lieu une rencontre avec Artak Beglaryan et Ashot Margaryan, respectivement porte-parole et assistant du Premier-ministre de la République d’Artsakh (Karabagh). Ces derniers se trouvaient à Genève pour participer à un atelier de l’UNPO (Organisation des nations et des peuples non représentés). Dotés d’un solide bagage académique et professionnel, ils font partie de la nouvelle génération d’Arméniens qui n’ont pas connu l’époque soviétique pendant laquelle l’Artsakh était sous la tutelle de l’Azerbaïdjan.
Cette rencontre, organisée par Artush Yeghiazaryan, président de Building an Alternative Future (BAF), fut l’occasion d’un échange franc avec ces jeunes représentants de la seconde république arménienne dans une ambiance conviviale et décontractée. Tous les sujets concernant la situation politique, sociale et militaire en Artsakh, les difficultés relatives au repeuplement des territoires libérés et les négociations pour le règlement du conflit avec l’Azerbaïdjan ont été abordés. Les réponses réalistes et rassurantes de nos interlocuteurs reflètent la détermination des Artsakhtsis dans leur combat pour leur indépendance vis-à-vis de l’Azerbaïdjan et pour une vie normale malgré l’escalade militaire provoquée par ce dernier le long de la ligne de contact.
Selon Ashot Margaryan, la montée de la tension sur la ligne de front ne sème pas la peur ou la panique au sein de la population. « Notre armée est considérée comme la meilleure de la région et depuis le cessez-le feu de 1994, elle assure la sécurité de notre territoire et le cours normal de la vie de nos citoyens. Les coups de feu se font certes entendre dans les villages frontaliers d’Artsakh mais contrairement aux villages de la région de Tavush en Arménie, ils se trouvent loin de la ligne de contact et ne sont pas la cible des tirs azéris. » déclare t-il.
Pour Artak Beglaryan la situation est différente en Artsakh. « Nous avons vécu la guerre et comprenons qu’elle pourrait recommencer à tout moment. Nous sommes conscients du fait qu’en cas d’une nouvelle guerre c’est en Artsakh que se dérouleront les opérations militaires. » dit-il avant d’ajouter: « Ces risques existent depuis 1994 et les citoyens s’y sont préparés psychologiquement. Ils savent que la défense de nos frontières et la sécurité sont prioritaires et que pour avoir la paix, il faut se préparer à la guerre. Cependant, vu que notre armée arrive à maintenir la paix depuis 21 ans, les habitants d’Artsakh commencent à faire des projets à long terme pour leur famille et sur le plan professionnel. Leur espoir vers l’avenir se manifeste par la hausse des investissements et des prêts hypothécaires de 15 à 20 ans. Par ailleurs, un grand nombre de familles ont des liens directs avec l’armée notamment par le biais d’un membre qui effectue son service militaire ou qui travaille pour l’armée. Le peuple d’Artsakh sent ainsi qu’il doit toujours être prêt à affronter une guerre ou des opérations militaires. »
La non-reconnaissance de la République d’Artsakh sur le plan international n’a pas une grande incidence selon Artak Beglaryan, qui estime que la reconnaissance ne devrait pas être la priorité numéro un. Il pense que « le développement économique, le bien-être de la population et la sécurité sont plus importants et peuvent être réalisés en l’absence de la reconnaissance » et d’ajouter « il est toutefois évident que la non-reconnaissance entraîne certaines restrictions qui entravent les progrès sur la voie du développement sans pour autant prédéterminer le résultat final. Il existe des obstacles par exemple à l’établissement des relations internationales, à l’obtention des crédits à conditions privilégiées, ainsi qu’au niveau des investissements étrangers et du fonctionnement de l’aéroport de Stepanakert. »
Sur la question de savoir si l’existence de deux républiques arméniennes ne risquerait pas de creuser avec le temps un fossé entre leurs habitants, Ashot Margaryan est catégorique: « Il n’y aura jamais une séparation entre la République d’Arménie et l’Artsakh. Les frontières sont ouvertes et la coopération est intense à tous les niveaux entre les deux républiques. L’Arménie constitue le couloir principal qui permet à l’Artsakh d’entrer en contact avec le monde extérieur. Il n’existe aucun fossé, ni physique, ni psychologique. Prenons l’exemple des Arméniens de Djavakhk, qui vivent sur un territoire historiquement arménien mais dans les frontières d’un autre Etat, la Géorgie: ils ne se sont jamais détournés de l’Arménie. Cela s’applique également à l’Artsakh surtout que les recrues originaires des provinces de l’Arménie effectuent leur service militaire souvent en Artsakh à la défense des frontières de ce territoire arménien. »
Le mot d’ordre « miatsum » (rattachement à l’Arménie) qui a caractérisé les débuts du Mouvement Karabagh est-il toujours d’actualité? « Absolument » dit Ashot Margaryan. « Certains développements dans les relations internationales ont fait obstacle à ce processus et les négociations avec l’Azerbaïdjan ont abouti à une impasse. Nous avons alors opté pour l’indépendance, le but étant d’obtenir la reconnaissance internationale et suite à cela, de nous engager dans la voie de réunification avec la mère patrie. D’ici là, le status quo ne nous empêche pas de nous considérer comme une partie intégrante de l’Arménie réunifiée. »
Artak Beglaryan considère que la ressource humaine de la diaspora est très précieuse pour le développement de l’Artsakh et il invite les jeunes à venir en Arménie ou en Artsakh et à s’investir dans différents projets selon leur spécialisation même pour de courtes périodes. « Nous leur en serons très reconnaissants » conclut-il.
Maral Simsar
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