LES PETITES GOUTTES QUI FONT LES GRANDES RIVIÈRES …

Tous les ans, à l’approche du nouvel an, l’hebdomadaire en ligne ArmeniaNow.com organise une action caritative. En présentant la vie d’une dizaine de familles défavorisées, le journal fait appel à la générosité de ses lecteurs tant en Arménie qu’en Diaspora, en vue d’améliorer le quotidien de ces familles. L’action, appelée Hye Santa, est organisée en collaboration avec Shoghakat, la chaîne de télévision du Saint Siège d’Etchmiadzine, qui réalise les versions multimédia des reportages mis en ligne par ArmeniaNow. Ces reportages sont diffusés à travers la chaîne publique H1 et Shoghakat.

La famille Sargsyan, habitant le village de Djiliza, dans la province de Lori, fait partie de ces familles auxquelles s’est intéressée la chaîne Shoghakat en 2007. Anahit et Robert Sargsyan ont 13 enfants, âgés de 4 à 23 ans, et une mère malade. Robert est l’électricien du village mais vu que l’électricité est fournie par la Géorgie, le réseau arménien de distribution ne lui verse pas son salaire, les Géorgiens refusant de payer également. Les Sargsyan ne disposent pas de moyens financiers. Ils reçoivent 61’000 drams (environ USD 200) en allocations familiales qui servent à rembourser leurs dettes pour les produits alimentaires achetés à crédit. Dans leur maison composée d’une pièce de 3m sur 5m, les lits sont placés l’un à côté de l’autre. Les enfants mangent une fois par jour. « J’ai la chance d’avoir des enfants qui ne se plaignent pas. S’ils n’ont pas de pain pendant des jours, ils ne diront rien et les voisins ne s’en apercevront point » se console Anahit. « Il nous est arrivé de ne pas avoir du pain pendant 25 jours de suite. Mais ce sont des enfants et ils risquent de tomber malade à cause de la malnutrition. Je ne sais pas ce que je ferais si cela devait arriver… ». Comprenant la situation de leurs parents, les enfants essayent de les aider. En août, ils sont allés cueillir des mûres et avec l’argent de la vente, ils ont acheté des fournitures scolaires.

Djiliza (180 habitants) est situé près de la frontière avec la Géorgie. En hiver, la route qui mène à Alaverdi est bloquée par la neige et le village est complètement isolé. Le visiteur non averti, s’y délectant des charmes de la nature, se retrouve coincé dans les montagnes enneigés de Lalvar, côtoyant des ours et des loups, jusqu’à l’arrivée d’un tracteur pour déblayer la neige. Ce village, à 200 km de la capitale, lutte quotidiennement pour sa survie. Les conditions de vie et le manque d’infrastructures poussent les jeunes à l’exode, entraînant le vieillissement de la population. En effet, sept familles, en tout 56 personnes, ont quitté Djiliza au cours des trois dernières années et aucun enfant n’y est né depuis quatre ans.

Mais, par une circonstance providentielle, la détresse des Sargsyan trouvera écho à Genève. Touchée par l’histoire de cette famille, Hasmik, enseignante à l’École Topalian, réussira à mobiliser les élèves et le corps enseignant de l’Ecole Topalian en leur faveur. Le reportage montre le quotidien des enfants en âge scolaire qui manquent de tout et nos élèves veulent les aider. Tout commence par une boîte à chaussures couverte de papier cadeau qui servira de tirelire et dans laquelle les enfants glisseront des sous chaque semaine. Quelques enfants n’hésiteront pas à y vider le contenu de leurs propres tirelires. A l’occasion du Carnaval, l’Ecole Topalian organise un repas pendant lequel le projet est présenté aux parents, qui y participent avec enthousiasme.  Plus tard, les membres de la Chorale Arax et quelques familles arméniennes contribuent aux fonds récoltés en faveur des Sargsyan et cela, en guise de dons pour le repos de l’âme de feue Mme Satenig Avedisyan. Une première aide d’urgence en espèces est envoyée à la famille Sargsyan.

C’est alors que se pose la question : Que faire avec ces fonds ? Contactés par Hasmik, la directrice de la Fondation de Bienfaisance Hye Santa, Armenuhi Petrosyan, et le chef du village Mher Vardanyan proposent d’acheter une vache qui permettrait de couvrir une partie des besoins nutritionnels des Sargsyan. Malgré les difficultés de communication, Mme Petrosyan et M. Vardanyan assurent la coordination entre la famille Sargsyan et leurs interlocuteurs à Genève pour l’achat de deux vaches et deux veaux et leur transport à Djiliza. Une grande partie des $ 2’460 récoltés par l’École Topalian et la Chorale Arax est utilisée pour financer l’achat des animaux ainsi qu’un séparateur pour l’écrémage du lait, et le solde est remis en mains propres à Anahit Sargsyan par Hasmik, qui s’est déplacée jusqu’à Djiliza.

Le 28 juin 2008, c’était la fête à Djiliza. Les deux vaches et deux veaux venaient d’arriver chez les Sargsyan. Les visiteurs et l’équipe de tournage de la chaîne Shoghakat furent accueillis par des fleurs. « Je ne croyais vraiment pas qu’une telle joie serait possible » dit Heghiné âgée de 16 ans, « les enfants mangeront enfin un repas substantiel » ajouta-t-elle comme un adulte.

Mais ce n’est pas encore la fin. La chance sourit une nouvelle fois à la famille Sargsyan, lorsqu’elle reçoit une troisième vache et un veau de la part du philanthrope greco-arménien Michael Basmadjian. De surcroît, l’Union des Amis de l’Arménie et du Karabagh, présidée par ce dernier, construit la route qui relie Djiliza à Alaverdi et investit des fonds pour la restauration du réseau de distribution d’eau dans le village. Alors que ces travaux sont en cours, un projet est élaboré avec le gouvernement grec pour fournir l’électricité au village.

Ainsi, la modeste tirelire placée dans les locaux de l’École Topalian a changé la vie d’une famille de Djiliza et a contribué indirectement à atténuer les difficultés quotidiennes des villageois.

M.S.

2017-12-02T00:20:58+01:00 20.11.08|ARMÉNIE & ARTSAKH, COMMUNAUTÉ, SUISSE-ARMÉNIE|

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