BOULANGERIES SOLIDAIRES DE MIASSINE: UN MODÈLE D’INTÉGRATION

Fermement ancré dans la culture arménienne, le pain revêt une grande importance dans l’alimentation des Arméniens et la vénération pour le pain trouve son expression dans les bénédictions, les vœux et les serments. Dans l’usage courant on emploie le mot « pain » au sens de « repas » voire de nourriture », d’où les expressions « partager son pain », « gagner son pain à la sueur de son front », « ôter le pain à quelqu’un », « grève du pain » (grève de la faim), etc. Lors des mariages traditionnels, le pain lavash est placé sur les épaules des jeunes mariés pour leur souhaiter prospérité et fertilité. Selon une autre tradition, observée de nos jours pendant les cérémonies officielles, on accueille les invités avec du pain et du sel.

La symbolique du pain dans la culture arménienne est à l’origine du lancement par la Fondation Miassine de la première boulangerie-pâtisserie solidaire en avril 2016 dans le village de Prochian, à une douzaine de kilomètres d’Erevan, suivie d’une deuxième à Gumri en décembre 2017.

Créée en 2009 en Arménie, la fondation  Miassine (« ensemble » en arménien) est le fruit d’une amitié entre 4 personnes (Anaïs Krikorian, Astrig Marandjian, Janik Manissian et Silva Mekinian) engagées pour le développement humain du peuple arménien en favorisant des synergies entre différents acteurs qui partagent les mêmes valeurs: solidarité, transmission du savoir, valorisation des ressources locales.

Préoccupée par le destin des orphelins et enfants en situation difficile une fois atteint l’âge de quitter les bancs et les dortoirs des internats, Astrig Marandjian, présidente de la fondation Miassine, a eu l’idée de créer ces boulangeries – pâtisseries afin de leur offrir un cadre d’apprentissage professionnel qui puisse leur permettre d’entrer dans la vie active et subvenir à leurs besoins.

« C’est pour donner à ces jeunes une perspective de vie et de développement dans leurs propre pays que ce projet ambitieux de formation et d’insertion professionnelle et sociale a été lancé. Six mois durant, quatre adolescents sont initiés au métier de boulanger-pâtissier avant d’entamer un stage professionnel de six mois, le temps de s’autonomiser et de trouver leur place sur le marché du travail. Par la suite, ils cèderont leur place à un autre groupe de jeunes. Apprenti ou stagiaire, ils reçoivent, tout au long de leur participation au projet, une rémunération basée sur le salaire minimum en Arménie et bénéficient d’un suivi durant leur formation aussi bien que lors de leur insertion professionnelle. »

Cette initiative a suscité l’enthousiasme d’un couple de boulangers français, qui ont travaillé deux mois à la boulangerie ​de Prochian ​à titre bénévole pour former les maitres formateurs et les jeunes apprentis aux secrets de la fabrication du pain français. Cela leur a permis en même temps de se familiariser avec la fabrication du pain arménien « matnakache ».

Depuis le lancement du projet, l’offre s’est élargie et les deux boulangeries proposent un grand choix de pains arméniens (somine, matnakache), français (baguettes, petits pains, tresses, etc.) des viennoiseries et un service traiteur. Fidèle aux principes de l’économie solidaire, la gestion de ces boulangeries vise l’équilibre financier à travers la recherche de clients commerciaux afin de pouvoir durablement assurer gratuitement la formation des jeunes apprentis et la distribution de pains et gâteaux a des institutions sociales.

« Nous avons déjà des partenaires stables tels que l’Université française, ​l’usine de Textile, l’usine de Cognac de Prochian, la maternelle française et des restaurants, qui achètent notre pain. Cela nous permet d’assurer l’approvisionnement gracieux en pain de 3 orphelinats et une maison de retraite. Nous espérons qu’avec le développement de nos activités nous atteindrons graduellement une autonomie financière « fait remarquer Astrig Marandjian.

Quant au financement de départ de 30’000 euros, comprenant la rénovation et l’aménagement des locaux et l’achat des équipements, il provient principalement des membres fondateurs de Miassine. La boulangerie de Prochian bénéficie aussi du soutien de l’association SPFA (Solidarité Protestante France-Arménie), Solidarity Crédit Agricole, Fondation SOAR et des amis suisses, alors que celle de Gumri a été réalisée en partenariat avec la fondation Stépan Gishian.

Outre les boulangeries solidaires, les projets réalisés ou soutenus par Miassine depuis 9 ans vont de la réfection d’un internat pour enfants handicapés et de la cuisine d’un établissement de soins pour personnes handicapées, à la création d’une association des B&B et l’organisation des voyages thématiques, en passant par le soutien des jeunes musiciens virtuoses « Les Nouveaux noms d’Arménie ». Rappelons que cette formation s’est produite à Genève à trois reprises dans le passé.

Miassine est aussi à l’initiative d’un vaste projet d’intégration des jeunes vulnérables dans le monde du travail à travers des cycles d’orientation professionnelle à Erévan, Gumri et Vanadzor. Les jeunes apprennent à choisir leur métier, visitent les entre-prises qui les intéressent, préparent leur CV et lettres de motivation pour mieux se présenter devant l’employeur et accroitre leur chance de se faire embaucher.

Pour Astrig Marandjian, Miassine est devenue une vocation, la volonté de partager ce qui lui a été donné. « En effet, après avoir perdu mes parents dans le terrible tremblement de terre de Gumri en 1988, j’ai été parmi les 40 orphelins accueillis à Paris par des femmes franco-arméniennes dans le cadre d’un camp. C’est là que j’ai rencontré Anaïs Krikorian, co-fondatrice de Miassine, qui m’a parrainée jusqu’à mes études supérieures. A travers Miassine, j’essaie de donner à d’autres jeunes ce que j’ai reçu, un coup de pouce qui leur permettrait de s’autonomiser et de prendre leur destin en main. »

« Notre message à nos partenaires humanitaires, qu’ils soient en Arménie ou dans la Diaspora, est le suivant: l’Arménie a encore besoin de votre action humanitaire mais celle-ci doit être orientée vers la création d’emplois afin que les Arméniens restent dans leur pays. Notre production du pain est un exemple d’entreprise sociale et notre objectif est de le répandre en Arménie ».

M.S.

Informations: www.miassine.org

2018-07-03T16:11:24+02:00 06.04.18|ARMÉNIE & ARTSAKH, SUISSE-ARMÉNIE|

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