par Lerna BAGDJIAN
PORTRAIT
Il existe des personnalités dont il est souvent bien difficile de définir en un mot leur métier. L’une d’entre elles est l’illustre Van Khachatur; à la fois critique d’art, architecte, scientifique, poète, sculpteur, penseur, éminent artiste et humaniste. De son vrai nom Vanik Khachatryan, il est connu pour être le fondateur de la peinture monumentale moderne arménienne.
Né à Bakou en 1926, Van Khachatur y débute ses études. Il est admis au Collège d’art de Baku Azim Zamimzade qu’il intègre en 1941 mais qu’il quitte aussitôt en raison de la guerre qui éclate, pour rejoindre Erevan. Il travaille durant deux ans en tant que comptable au sein d’une usine, puis reprend ses études au Collège d’art de Bakou, formation qu’il complète à l’Académie des Beaux-Arts de Saint-Pétersbourg. À l’âge de 25 ans, il s’installe définitivement en Arménie et poursuit ses études à l’Institut des beaux-arts et du théâtre de Erevan.
Van Khachatur est l’auteur de nombreuses façades monumentales, peintures murales ou mosaïque que l’on ne manquera pas de louper en bourlinguant dans la capitale, telle que la mosaïque du hall du Matenadaran, intitulée “Bataille d’Avarayr”, ou encore la façade monumentale de l’école de musique Spendaryan. Parmi ses travaux sculpturaux incontournables, l’on ne peut oublier de mentionner son implication dans la conception du Mémorial du génocide des Arméniens Tsitsernakaberd, conçu avec Arthur Tarkhanian et Sashur Kalashyan.
Au travers de ses peintures, Van Khachatur s’est questionné sur la définition d’un art moderne arménien, dont la réponse se synthétisait souvent par une symbiose entre différents arts. Jouant avec la géométrie, les formes, les échelles et la couleur, son travail aboutit à une abstraction poignante faisant de lui un avant-gardiste dans les années 1960.
Frôlant la sociologie urbaine, ses recherches s’étalent sur la grande thématique des villes du futur. De son imagination sans limite il effectuera nombreuses esquisses et peintures futuristes. Suite à l’essor de l’industrialisation tant dans le domaine de la construction que de la mobilité, cette problématique représentative des années 1960 et 1970 fascine les concepteurs des villes et artistes aux quatre coins du monde. À cette époque, les progrès technologiques sont grands, rapides, et ouvrent à la rêverie. L’on se questionne alors sur des modes de vie alternatifs et futurs et sur l’image qui en découle. L’architecture expérimentale et prospective se développe alors en URSS, suite à une remise en cause du modernisme des années 1950.
Van Khachatur intègre également la fameuse Union des Artistes d’Arménie en 1984. L’UAA a vu le jour sous l’a RSS d’Arménie en 1932, avec l’objectif de soutenir les artistes en internationalisant leur travail et en les rendant accessibles au grand public. Leur bâtiment est encore accessible aujourd’hui au cœur de Erevan, où se déroulent régulièrement expositions et conférences.
Van Khachatur ne cessera jamais de se former. À l’âge de 75 ans, il publie sa thèse sur “La couleur dans l’architecture arménienne du 4e au 19e siècle”, qui lui donnera ainsi le titre de docteur en architecture. Il rejoint l’Académie arménienne de technologie en 2003, et est honoré en 2011 par la médaille “Pour services rendus à la patrie”.
À l’occasion de son 90e anniversaire, l’Union des Artistes d’Arménie organise en 2016 une exposition rétrospective sur son travail, intitulée “Couleur, Forme et Architecture”.
C’est le 27 septembre 2019 qu’il s’éteindra, en laissant derrière lui un vaste héritage d’œuvres d’art, inspirant encore aujourd’hui la nouvelle génération d’artistes arméniens.