LES 40 JOURS DU MUSA DAGH DE FRANZ WERFEL

Bitias, devant les ruines du monastère Hovhan Vosgeperan fin des années 20 ou début des années 30 (Collection Vahram Chemmassian, © Hushamadyan)

par Philippe MACASDAR

Les 40 jours du Musa Dagh, rédigé en allemand entre 1932 et 1933, publié la même année, interdit par Hitler puis brûlé au cours d’autodafés, connut aussitôt un succès mondial retentissant. Ce livre rend admirablement justice au génocide des Arméniens, via le récit d’un épisode emblématique de leur résistance contre l’extermination programmée par le gouvernement «Jeune-Turc». A l’été 1915, alors que les premiers massacres ont commencé, les habitants de six villages situés au pied du Musa Dagh (Mont Moïse), massif montagneux au sud-ouest de l’actuel Turquie, refusent la fatalité de la déportation. Sans attendre l’arrivée de leurs bourreaux, cinq mille d’entre eux prennent le maquis pour rejoindre le Musa Dagh, y organisent leur campement et font face, avec bravoure et ingéniosité, aux assauts de l’armée ottomane.

De cette histoire vraie, Franz Werfel, écrivain autrichien d’origine juive, figure rayonnante de l’expressionnisme allemand, a tiré un roman historique grandiose, une fiction savamment documentée.

L’auteur invente un personnage truculent, pétri de contradictions, Gabriel Bagradian, riche bourgeois, intellectuel parisien, arménien déraciné, citoyen loyal de l’Empire ottoman. Rattrapé par un passé ancestral, alors qu’il séjourne avec sa femme française et son fils dans son village d’enfance de Yoghonoluk, Bagradian décide de ne pas rentrer en France. Investi d’une mission supérieure, il fraternise avec son peuple dont il deviendra le héraut, un héros torturé, déconcertant. Sous sa direction, le Musa Dagh se métamorphose en un redoutable camp retranché.

Werfel inscrit Bagradian dans un ensemble de personnages magnifiques, complexes engagés comme lui dans la défense de ce qui est plus que leur propre vie, mais bien celle de toute une communauté mobilisée contre un génocide en marche, le premier du siècle. A ce titre, Les 40 jours du Musa Dagh est un antidote poétique puissant contre toutes les formes de désespoir et de résignation.

L’édition française compte 935 pages, soit plus d’une trentaine d’heures si on opte pour une lecture intégrale du roman… Alors, comment témoigner, raisonnablement, de sa démesure et laisser entrevoir le souffle épique qui l’habite? Peut-être en abordant ce livre comme un défi, une somme, un sommet qu’il nous faut d’abord gravir en solitaire: «notre Musa Dagh». Arpenter chaque phrase, éprouver chaque mot, tracer des pistes, dégager un chemin pour ensuite aller vers le public, habités par l’univers foisonnant de Werfel, et en extraire quelques moments forts, éclats fulgurants et révélateurs qui nous ont marqués, bouleversés, et que nous avons à cœur de partager. Aujourd’hui plus que jamais.


LES 40 JOURS DU MUSA DAGH

DE FRANZ WERFEL

 Lecture par

György Karsaï, historien du théâtre, et Philippe Macasdar, metteur en scène et comédien

MAISON SAINT-GERVAIS, (5 rue du Temple, 1201 Genève)

 Le jeudi 25 et le vendredi 26 avril,  de 18h30 à 22h, avec une pause de 15’.

 Le samedi 27 avril, une troisième séance de 16h à 22h, donnera l’occasion de découvrir encore d’autres passages du roman dans une version plus étoffée. A l’entracte, de 19h à 20h, un repas composé de spécialités arméniennes sera proposé par l’Union Arménienne de Suisse, au café-restaurant du Théâtre.

 Réservation au + 4122 908 20 00.

billetterie@saintgervais.ch

2024-03-13T23:49:15+01:00 13.03.24|ARMÉNIE & ARTSAKH, GÉNÉRAL|