« LES TERRITOIRES LIBÉRÉS PAR LE SANG NE PEUVENT PAS ÊTRE PRÉSERVÉS PAR DES PAROLES MAIS PAR DES ACTIONS CONCRÈTES »
La promotion de la justice sociale en Arménie, le repeuplement et le développement en Artsakh sont les lignes d’action principales de la Fondation Tufenkian. Ces programmes en Arménie visent à surmonter la pauvreté, à créer des opportunités en matière d’éducation, à protéger l’environnement et les droits de l’homme. La Fondation met en œuvre des projets d’infrastructure et de développement à grande échelle en Artsakh.
Pour en savoir plus, nous avons interviewé le directeur exécutif de la Fondation, Raffi Doudaklian.
Quels sont les buts et les domaines d’activité de la Fondation Tufenkian en Arménie?
La Fondation Tufenkian a commencé ses activités en Arménie en 1998 et en Artsakh en 2003. Le fondateur en est James Tufenkian, un homme d’affaires des Etats-Unis. Dans ces années, les besoins d’ordre humanitaire étaient immenses et les œuvres de charité étaient plus que nécessaires. Les buts de la Fondation à l’époque étaient de fournir de l’aide humanitaire directe aux personnes nécessiteuses et de mener une action de bienfaisance dans les différentes régions. Avec le temps, la fondation a petit à petit modifié la nature de son action et actuellement, en Arménie, nous contribuons au développement de la société civile (droits des femmes, protection des enfants vulnérables, écologie, réforme de la législation minière, etc.) et en Artsakh, nous concentrons nos efforts entre autres sur le repeuplement et le développement des territoires libérés (ndlr: Les régions autour de l’ancien Oblast Autonome du Haut-Karabagh).
Pourquoi travaillez-vous principalement dans les territoires libérés en Artsakh?
La raison est claire et simple: Les territoires libérés, notamment Kashatagh et Shahumyan, ont une grande signification stratégique pour la sécurité, le développement sûr, la stabilité politique et militaire de l’Arménie et de l’Artsakh. Tout d’abord, ce sont des territoires historiquement arméniens. Jusqu’en 1920, ils étaient peuplés majoritairement d’Arméniens. Ils abritent de nombreux monuments culturels arméniens comme par exemple le monastère Tsitsernavank, l’église Saint Minas et celle de Hodjants, qui témoignent de notre présence séculaire sur ces terres. Leur cession à l’Azerbaïdjan constituerait non seulement l’abandon des territoires appartenant aux Arméniens mais compromettrait également la sécurité de l’Arménie et de l’Artsakh, couperait le cordon ombilical entre les deux républiques arméniennes et menacerait l’existence même d’Artsakh de manière générale. Bref, ces territoires doivent rester une partie intégrante de l’Arménie et de l’Artsakh. Or, les terres libérées par le sang ne peuvent pas être préservées par des paroles mais par des actions concrètes. C’est pourquoi elles devront être repeuplées pour devenir des territoires viables sur le plan économique et gagner en valeur de sorte qu’il ne soit plus possible de les céder.
Quels sont les projets que vous avez réalisés à ce jour dans les territoires libérés?
Nos projets dans les territoires libérés sont nombreux et variés. Nous avons fondé près de l’ancienne ville de Jebrayil, le village d’Arajamugh avec toute son infrastructure. Actuellement, il comprend 24 maisons, une école, la mairie, un dispensaire, un terrain de jeu, etc. Nous avons créé un verger de grenadiers sur 5 hectares à côté du village en vue d’assurer son développement économique. Nous avons implanté un verger de grenadiers également à Yeritsavank au sud de Kashatagh. Dans le village de Van, toujours au sud de Kashatagh, nous avons créé un verger de plaqueminiers (kaki persimon). Dans le village avoisinant, Mijnavan, nous cultivons de l’orge sur un terrain de 350 hectares. A Berdzor, nous avons fondé un atelier de fabrication de cire, et avons distribué des vaches et des ruches aux habitants des villages au nord de Kashatagh. Il y a quelques années, nous avons fondé une minoterie et aidé des familles originaires de Syrie en leur accordant des prêts sans intérêt dans le but de soutenir le développement économique, etc. Ces projets ont pu être réalisés en collaboration avec nos donateurs et partenaires.
Dans le domaine d’habitation, nous avons offert des dizaines de maisons aux familles réinstallées au nord et au sud de Kashatagh, dont 5 à des familles arméniennes de Syrie. Nous avons rénové des églises, dispensaires, centres communautaires, jardins d’enfants… En effet, il est difficile d’exposer le travail colossal réalisé en 16 ans d’activité. Pour avoir un aperçu plus détaillé, vous pouvez visiter notre site www.tufenkianfoundation.org
Actuellement, quels sont les besoins les plus urgents dans les territoires libérés?
Les besoins les plus urgents sont nombreux: des possibilités de développement économique pour les habitants, rénovation d’infrastructures et de routes, réalisation des projets culturels et sociaux, etc.
Quelle est la participation des structures étatiques dans ces projets?
Nous travaillons en étroite collaboration avec les autorités d’Arménie et d’Artsakh et essayons de coordonner nos activités. Il est important que l’Etat nous apporte son soutien et heureusement, nous rencontrons peu de difficultés à cet effet.
Quels sont vos projets d’avenir?
Nous entamerons bientôt la mise en œuvre d’un grand projet de repeuplement et de développement englobant cinq villages – Mijnavan, Van, Mush, Alashkert et Kovsakan – au sud de Kashatagh. Ce projet implique l’investissement de fonds importants dans ce vallon d’Araxe à 40 km de la ville de Kapan. Il s’agit de l’un des plus grands projets de la Fondation Tufenkian et il fera bientôt l’objet d’un communiqué officiel.
(Crédit photos: Page facebook de Tufenkian Foundation)
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Né à Anjar au Liban, Raffi Doudaklian est diplômé de l’Université Haigazian (Beyrouth) et de l’UCLA (USA). Il est spécialisé dans les sciences politiques et l’histoire contemporaine du peuple arménien. Pendant quelque temps il a collaboré avec des journaux arméniens et a participé aux mouvements politiques de la société civile.
Par la suite, il a travaillé comme enseignant, puis directeur de l’école de l’Union de secours arménien (H.O.M.) de Toronto. C’est à cette époque qu’il a transformé l’école secondaire (8 années) en lycée (12 années) et a fait construire un nouveau bâtiment scolaire moderne.
Auteur de centaines d’articles, Raffi Doudaklian a visité l’Arménie et l’Artsakh à différentes occasions. Depuis 2004, il s’est établi en Arménie où il a d’abord dirigé Mission East, une ONG danoise de secours et de développement, et à ce titre a travaillé avec le gouvernement et des associations locales sur une série de projets de santé publique et de réformes dans l’éducation. Depuis 2016, il dirige la Fondation Tufenkian en Arménie. Il est marié et père de deux fils et d’une fille.
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