SECTEUR DES TIC EN ARMÉNIE: CE QUI MANQUE ENCORE DANS UNE PERSPECTIVE EUROPÉENNE

par Marcus BAGHDASSARIAN

Qu’est-ce qui manque encore dans le secteur des TIC en Arménie dans une perspective européenne? Les causes sont évidentes pour quelqu’un comme moi qui a grandi en Suisse et qui connaît les ingrédients d’un comportement commercial réussi.

Permettez-moi de l’expliquer ainsi: Dans un grand nombre de secteurs en Arménie il n’existe toujours PAS de culture en matière de retour d’information, de services, de durabilité, d’écoute, de travail d’équipe et, probablement le plus important, de reconnaissance de l’erreur.  Mais attention, ces défis peuvent être sur-montés, le meilleur exemple étant les industries hôtelière et gastronomique établies dans le Kentron d’Erevan. Ce secteur a compris l’adage selon lequel le client est roi, et que s’il est traité avec respect, il le rendra bien au prestataire de services. Toute personne qui s’est rendue dans le centre d’Erevan au cours des trois dernières années comprend ce que je veux dire.

Cependant, je souhaite me concentrer sur mon domaine, la scène des TIC en Arménie, en espérant que la nécessité de relever ces défis deviendra une évidence pour les entreprises d’outsourcing.

Culture du retour d’information: Très souvent, les personnes qui ont grandi dans l’ère post-soviétique ont l’habitude d’attendre qu’un ordre arrive pour rendre leurs services. Cela s’applique également au retour d’information.

Nous l’avons souvent remarqué en travaillant ensemble et leur soulignons constamment que l’attente est également présente chez le client. Une fois que les communications sont transmises au fournisseur, le développeur commence à modifier son comportement et à donner un retour d’information de son propre chef, par exemple lorsqu’une tâche a été achevée.

Culture des services: La même chose s’applique ici, au lieu de demander au client ce qu’il veut exactement, on pense que le client qui a payé pour un service ne doit pas dire au fournisseur ce qu’il doit faire.

Nous disons ici à nos fournisseurs qu’il est important de demander au client quels sont ses besoins et les étapes intermédiaires dans l’avancement du projet, pour lui dire, si le travail effectué répond aux attentes du client.

Culture de la durabilité: La plupart des entreprises d’outsourcing se contentent souvent de courir après les gros sous et ignorent complètement les souhaits des clients potentiels. De leur point de vue, le client n’a qu’à payer. Avec ce seul « coup de chance », du point de vue de ces entreprises, tous leurs problèmes sont résolus.

Lorsqu’une entreprise nous propose de faire partie de notre portfolio, nous lui disons qu’il est préférable de compter sur moins d’argent, mais d’avancer à long terme grâce à un travail soigné et de qualité. Si une entreprise ne comprend pas cela, nous ne l’incluons pas dans notre portfolio.

Culture de l’écoute: Ce qui manque malheureusement encore à de nombreux développeurs, c’est la capacité d’écoute empathique. De notre point de vue, cela tient au fait que ces sociétés de développement ont le sentiment de tout savoir.

C’est là que nous devons faire preuve de beaucoup de patience et insister auprès de nos développeurs qu’ils doivent écouter sans avoir l’impression de tout savoir. Dès que nous constatons, au bout d’un certain temps, qu’une entreprise n’a pas la volonté et la capacité d’écouter, nous mettons fin à notre collaboration avec elle.

Culture du travail en équipe: Ici aussi, on peut parler d’un héritage de l’ère post-soviétique, où la devise est « d’abord moi et ensuite les autres ». En bref, les gens pensent peu au travail d’équipe et à l’échange.

Nous essayons de faire comprendre aux gens que ce comportement égoïste peut être utile à court terme, mais qu’à plus long terme, il est plutôt susceptible de conduire à l’échec. En apprenant à chacun à se con-centrer sur ses points forts et à échanger des idées avec les autres, nous pouvons faire beaucoup de progrès.

– Culture de reconnaissance des erreurs: C’est le plus grand défi. Les gens ont appris qu’il valait mieux mettre leurs erreurs sous le tapis que de les reconnaître. La plupart du temps, les entreprises ou leurs développeurs pensent que reconnaître une erreur va à l’encontre de leur fierté ou qu’ils risqueraient de perdre un contrat à cause de cela.

Nous disons à nos entreprises d’outsourcing et à leurs développeurs qu’il ne faut pas se faire trop de soucis pour les erreurs commises, mais qu’ils doivent aller de l’avant en s’assurant que les mêmes erreurs ne se reproduisent plus. Il faut un peu de patience pour instaurer cette notion, mais une fois que cette culture d' »apprendre de ses erreurs » devient la norme, les choses se passent beaucoup mieux et le travail des développeurs sera moins tendu.

Je tiens encore à soulever l’obstacle que représente la protection des données pour l’Europe. Il est à noter que le niveau de protection des données est beaucoup plus élevé en Europe qu’aux États-Unis, ce qui explique la raison pour laquelle la plupart des entreprises d’outsour-cing reçoivent des commandes provenant des États-Unis. Cependant, en prenant les mesures appropriées en rapport avec la Loi fédérale suisse sur la protection des données (LPD) en relation avec le Règlement général sur la protection des données (RGPD) de l’Union Européenne concernant la sécurité des données, grâce à un traitement séparé du codage et de l’accès aux données et à des « Technical and organizational measures (TOM) » bien pensées, cet obstacle est également surmonté.

En résumé, on peut dire que relever les défis de la culture comportementale avec beaucoup de patience, d’amour, d’explications et, surtout, d’efforts, conduit au changement comme nous pouvons constater de notre expérience de ces dernières années.

2021-05-07T18:59:06+02:00 07.05.21|ARMÉNIE & ARTSAKH, GÉNÉRAL, SUISSE-ARMÉNIE|