DES PLAISIRS SIMPLES

par Philippe DERSARKISSIAN

De retour à Erevan en septembre 2018, nous louons un appartement proche de la station de métro «Marshal Baghramyan», ma belle-famille est partie d’Erevan pour s’installer aux USA, afin de se rapprocher les uns des autres: Les parents des enfants … Et puis, entre temps, des petits enfants sont nés: Et c’est ce besoin naturel et indéfectible de se retrouver en famille, comme de petites gouttes de mercure que l’on rapproche pour n’en faire qu’une, et, de recréer, enfin réunis, une petite Arménie, ailleurs.

Robert, mon oncle par alliance le résumait assez bien et d’une manière nostalgique mêlée d’humour: «Nous les Arméniens, nous avons toujours un sac à dos, prêt».

Alors inconsciemment sans doute, et comme «pour recréer un foyer à Erevan» le temps des vacances, nous optons pour une location au lieu d’une chambre d’hôtel. Faire nos courses au SAS (le supermarché), faire un détour au Grand Candy, parce qu’on à tous besoin de chocolat, à un moment ou un autre… Cuisiner des choses simples (même si pour être honnête nous avons privilégié le resto): Bref, vivre différemment.

Nous optons pour les sorties d’une journée, que des agences de voyages proposent. C’est la possibilité d’échanger avec d’autres personnes, et de visiter avec un guide, qui rend beaucoup plus vivante et intéressante une visite, en l’agrémentant de précisions historiques ou autres. Une petite collation ou un repas est prévu.

La veille nous avions visité le monastère de Ghegard (dont j’ai parlé, ici), et ensuite le temple de Garni (que je vous réserve pour plus tard) et encore l’Arc de Tcharents et, pour clore sur une note plus locale, notre visite, on nous conduisit dans un petit village de Jrvej (ou Jrvezh) et assistons à la cuisson du lavash (pain arménien), dans un tonir traditionnel.

Juste pour la précision – je le sais bien, inutile – le tonir est un four en terre cuite en forme de jarre et enterré dans le sol. Une technique de cuisson typiquement arménienne et que les historiens situent entre -1000 et -600 ans avant J.C.

Je filme donc cette dame, d’un certain âge, assise à côté du tonir, les jambes engagées dans une cavité, jusqu’aux genoux, en train de placer son lavash sur un support en pierre agrémenté d’un linge immaculé, le bénir par 4 points, rapidement, avec sa main, et, se penchant dans le tonir, frapper d’un coup sec ce lavash sur la paroi du four et recommencer cette même opération une deuxième fois avec un autre lavash, récupérer le premier rapidement avant que de le déposer sur un plat et prendre le deuxième tout aussi prestement.

Quelques courtes secondes et les lavashs sont cuits et prêts à être dégustés.

Facile, hein? Oui, facile … Comme le métier d’un autre!Alors notre animateur nous demanda si l’un d’entre nous voulait bien essayer.

Je me proposais et refis strictement les mêmes gestes que la dame qui s’attendait au pire, et à juste titre, et le lavash tomba depuis la paroi du tonir jusqu’au fond du four.

Inutile de préciser que mon «stage» de boulangerie s’est aussi arrêté prématurément.

En tout cas une manière sympathique de déguster simplement et avec un peu de fromage et autres viandes et crudités, un lavash, encore presque chaud  et, comme tous les plaisirs simples: Cela n’a pas de prix!

Donc la veille, nous avions achevé notre journée avec le pain, et le lendemain, et suivant notre bonne logique, nous décidâmes de nous rendre à…Areni.

Après le pain, le vin.

En haut de la montagne d’Areni, vous visiterez une grotte découverte par des archéologues arméniens et irlandais en 2007. Elle se trouve sur la route qui mène au monastère de Noravank. Ils découvrent alors trois chambres au sein de cette corniche qui surplombe la région de Vayots Dzor.

Trois chambres au sein desquelles ils découvrent des jarres remplies de pépins de raisins, datant de 6’000 ans.

En 2010 on découvre ici un fouloir car les grappes de raisin étaient écrasées avec les pieds et le jus s’écoulait, par gravité, dans une énorme jarre enterrée.

Et ainsi recueilli le jus fermentait.

Imaginez des vignes plantées à une altitude de 1’400 mètres qui donnent à la finalité un vin fruité et délicat dans une région de haute altitude où les conditions climatiques sont sévères dans un sol sédimentaire et volcanique.

À l’époque notre guide nous avait précisé que certaines de ces vignes avaient 120 ans.

Donc nous serions ici, dans cette grotte, dans un «établissement viticole» qui produisit le premier vin de l’humanité, lequel était utilisé et bu, uniquement dans un but cérémonial (nous avons bien évolué, depuis!), ensuite la production de «sang du Christ» se serait perpétué dans les monastères du pays.

Pour clore, c’est encore dans cette même grotte que la plus vieille sandale du monde fut retrouvée, vieille de 5’500 ans et pour l’anecdote de taille 37 pour épouser le pied droit de celui (les hommes étaient de plus petite taille, à cette époque) ou celle qui la portait (source journal «Le Monde»), elle est exposée au musée d’histoire d’Erevan.

Il était temps de passer à table, les dolmas réalisés avec les feuilles de ces mêmes vignes et accompagnés de ce nectar d’Areni nous ont clairement ravis. Nous avons bu – sans cérémonial – Un plaisir divin, certes, mais à boire avec modération. Alors, santé!

—————————

Lire aussi:

LA SOURCE DU FLEUVE

LE HASARD ET L’INSOLITE

LAISSEZ-VOUS PORTER

LE MONASTÈRE RUPESTRE

UNE JOURNÉE SUR LE LAC

TROIS SOMMETS ET UN POINT CULMINANT

UN HÉROS À CHEVAL ET UN ARC

DU PREMIER ROI D’ARMÉNIE… À L’ANASTYLOSE!

2023-09-12T18:52:56+02:00 12.03.23|ARMÉNIE & ARTSAKH, GÉNÉRAL|

One Comment

  1. LE REPOS DES SOLDATS – artzakank-echo.ch 13 mars 2024 at 23 h 42 min

    […] DES PLAISIRS SIMPLES […]

commentaires fermés